L'effet architectural de « boîte » décollée du sol a été réalisé par les options structurelles : fondations profondes, soubassement en béton armé laissé apparent sur la hauteur du rez-de-chaussée et étage en charpente bois.
Situé sur un terrain difficile, le bâtiment du musée de la Vache qui rit est composé d'une succession de portiques en mélèze, suspendus sous une structure métallique, supportée par des piles béton. Cela limite la surface portante et permet aux pilotis d'intégrer un système de climatisation à boucle d'eau.
Lauréats du concours en 2006, les architectes Reichen et Robert avaient la volonté d'inscrire le musée dans les corps de bâtiments « historiques », à l'emplacement même du site industriel de 1921. Livré en mai 2009, après seize mois de chantier, le projet se concrétise par un quadrilatère en bois qui reprend transversalement la trame structurelle de l'ancien bâtiment.
« Il semble ainsi s'en extraire ". Au-dessus d'un hall d'accueil et d'une salle de conférence, la boîte "délimitée par les cadres en bois abrite l'espace muséal principal », explique l'architecte Bernard Reichen. Les techniques mises en œuvre dans le projet sont particulièrement originales. À l'inverse de la charpente bois classique (poteau/poutre), celle du musée est suspendue sous une ossature métallique, en prolongement de l'existante. Une autre particularité de la nouvelle structure réside dans l'utilisation originale des pieux forés en sous-sol qui sont équipés de sondes géothermiques. L'ensemble couvre une surface hors œuvre nette de 2 400 m², dont 1 200 m² en restructuration. Le coût d'investissement est de près de 10 millions d'euros.
De l'existant, le projet n'a pu retenir que l'enveloppe externe et le sous-sol, sur lequel s'est greffée l'extension actuelle. En effet, les études géotechniques avaient révélé l'hétérogénéité des sols et la nécessité de fonder l'ensemble à des niveaux variables. Les modifications successives du bâtiment principal avaient étendu les caves voûtées du sous-sol au-delà de l'emprise initiale, et la proximité d'une source saline interdisait toute modification des cheminements aquifères. En pré-étude, le BET Structure EVP avait prévu d'alléger la structure par sécurité et de reconstruire une ossature métallique traversant les voûtes existantes par micropieux. Cette solution coûteuse a finalement été abandonnée. L'entreprise de gros œuvre Caniotti et son BE CVF ont simplement allégé les efforts en se reprenant sur les murs existants. De même, les diagnostics ayant décelé un sous-dimensionnement des planchers existants, ceux-ci ont été renforcés ou reconstruits. Lorsqu'il était impossible de créer de nouveaux planchers techniques, une charpente indépendante fondée sur micropieux a été mise en œuvre, enchâssée dans les structures de l'existant. Suite aux options structurelles déterminées, es difficultés ont été l'implantation sur site, la procédure de placement des pieux de fondation et l'insertion des puits géothermiques (diam. 40 cm) à 20 m de profondeur.
Charpente métallique : transfert des charges entre bois et béton
À l'exécution des travaux, la structure de l'extension a été montée par strates successives :
. les fondations profondes reportant les charges au-delà des couches de remblai,. le soubassement en béton armé laissé apparent sur la hauteur du rez-de-chaussée,. les cadres de mélèze au premier niveau supportant planchers, façades et toiture.
Les charpentes métalliques nécessaires à la restructuration du bâtiment existant et au support de la verrière ont été réalisées par l'entreprise de gros œuvre. Celles nécessaires au report des charges de charpente bois sur les supports en béton armé, par l'entreprise charpente bois Mariller. Ainsi, ont été utilisés de manière conjointe :
. le béton armé pour les fondations profondes, les éléments structurels et architecturaux du RDC et la chape acoustique sur plancher bois ;
. une charpente bois pour le premier niveau du musée. Elle est constituée de cadres structurels préfabriqués en mélèze lamellé-collé classe III (e = 10 cm), disposés à intervalle de 60 cm, sur 13 m de portée, sans poteau intermédiaire et sur ses propres fondations ;
. une charpente métallique structurée d'après les poutres principales longitudinales en acier. Elle assure le transfert des charges entre cadres de mélèze et poteaux béton armé et sert de support à la verrière en acier thermolaqué tubulaire (diam. = 14 cm), inscrite en prolongement de la charpente bois. Les traverses basses des cadres en bois sont suspendues à des profils HEA 300 jumelés galvanisés, dissimulés dans la hauteur du plancher technique de l'étage. L'utilisation de l'acier permet alors la concentration progressive des charges depuis la structure bois, qui diffuse et répartit les efforts jusqu'aux poteaux béton (diam. 350 mm), puis aux pieux de fondation.
Notons qu'une chape de béton de 8 cm a été mise en œuvre sur les traverses basses de bois lamellé collé (420 mm x 95 mm) afin d'optimiser les performances acoustiques. À la pré-étude, les contraintes de calcul au feu n'avaient pas voulu retenir le principe d'un plancher mixte bois/béton connecté aux nervures de bois. Néanmoins, la liaison entre nervures bois et profils HEA, par l'intermédiaire de bracons en plats larges, a permis d'alléger les nervures et de franchir les portées.
Afin de réduire les attaches entre poteaux lamellés-collés et traverses hautes et basses, il a fallu également limiter la reprise des efforts et assurer indépendamment la stabilité de la toiture. Ainsi, le platelage bois support de couverture zinc fonctionne en « diaphragme », reportant les efforts horizontaux sur le mur d'échiffre d'escalier et sur le panneau d'ossature de façade. Appliquant le principe constructif type « balloon frame », chaque cadre est alors déformable.
Transfert d'énergie adapté au système géothermique
L'isolation thermique renforcée RT 2005 des double vitrages, eux-mêmes protégés par des stores extérieurs amovibles en toile verticale (300 mm x 300 mm) ajoutée à l'isolation par l'extérieur de l'existant permettent de gagner 40 kWh/m² en puissance installée. De même, les puissances électriques de l'ensemble sont réduites par l'utilisation systématique d'éclairages à basse consommation ainsi que par le système de ventilation double flux à débit variable de l'extension, celle de l'auditorium étant asservie à une sonde CO2. Un système de supervision conçu par Cetelec s'articule autour des 24 automates répartis dans le bâtiment qui assurent le contrôle permanent de distribution électrique et des alarmes de sécurité. Ceux-ci pilotent également les stores motorisés qui modulent l'éclairement des plantes du mur végétal intérieur. De plus, le système de climatisation en circuit fermé et pompes à chaleur sur boucle d'eau conçu par le BET fluides Inex permet le transfert d'énergie de locaux à besoins thermiques différents. Récupérée sur l'air extrait, l'énergie est ainsi utilisée pour réchauffer l'air neuf et modérer la température de la boucle. À noter que tous les réseaux de fluides du musée sont invisibles : traitement d'air, chauffage géothermique, liaisons vidéo, réseau informatique, fibres optiques, sonorisation. soit plus de 5 km de câbles électriques de gaines et de tuyauteries (chauffage, ventilation, climatisation et plomberie) qui traversent le musée.
Une autre performance environnementale du projet réside dans l'utilisation des solutions de production d'énergie, combinant les différentes sources renouvelables. Tout en palliant les déficiences du sol, les pieux des fondations de la structure en béton armé qui structurent la boîte ont été utilisés pour installer les sondes géothermiques qui alimentent le circuit en boucle d'eau. En couverture de l'extension, 170 m² de modules photovoltaïques intégrés à l'épaisseur du complexe d'étanchéité de la membrane souple PVC produisent environ 7 kWh/an d'énergie. Le complexe d'étanchéité de la couverture acier double peau de l'existant améliore ses performances énergétiques. D'une épaisseur de 0,15 mm, il est maintenant doublé de 100 mm d'isolant en laine minérale « panolène » fixé sur profilés 2ED en acier galvanisé.