Vitrine - voire anticipation de l'urbanisme de demain - le projet BedZED (Londres) démontre que la construction respectueuse de l'environnement est d'autant plus viable que les solutions techniques employées sont simples et responsabilisent l'utilisateur.
1 PROGRAMME Une recherche d'autonomie énergétique
Les joyeuses « capuches à vent » colorées tournoyant au sommet de ses bâtiments ont contribué à attirer l'attention sur BedZED, célèbre écoquartier en banlieue sud de Londres. Mais les objectifs de ses concepteurs - BioRegional, ONG environnementaliste, l'architecte Bill Dunster, spécialisé dans la construction bioclimatique et Peabody Trust, une société caritative de logements - dépassent largement l'effet vitrine.
Leur projet : démontrer la possibilité de construire un quartier à faible impact environnemental, neutre en carbone et autonome en énergie.
Le projetrépond à des objectifs urbanistiques et sociaux : densité mais qualité de vie (71 des 82 appartements ont un jardin privé de 8 à 25 m²) ; mixité des habitats (du studio aux 5 pièces), des résidents (25 % en logement social ; 25 % en location privée et 50 % en accession à la propriété) et des usages, avec des espaces de travail mêlés au logement.
De ces objectifs ambitieux découlent la plupart des choix architecturaux : quatre bandes de bâtiments R 2 alignées est-ouest et offrant une façade sud entièrement vitrée, derrière laquelle des serres bioclimatiques chauffent les logements. Au rez-de-chaussée, les espaces de travail accessibles en voiture ont été placés côté nord car ils produisent plus de chaleur interne. L'enveloppe est conçue de manière à supprimer le besoin de chauffage : forte isolation extérieure (30 cm aux murs - U = 0,11 -, sols - U = 0,11 - et en toiture - U = 0,10 - et masse thermique importante à l'intérieur, grâce à des dalles en béton précontraint et à des murs en blocs de béton dense (2 000 kg/m3).
Les fenêtres des serres sont en double vitrage,
les autres sont du triple vitrage faible émissivité à remplissage Argon (Uw = 1,2).
Outre l'installation systématique d'équipements à basse consommation, la traque à la consommation d'énergie conduit à concevoir des systèmes ingénieux. Ainsi, la ventilation naturelle à double flux avec récupération de chaleur utilise comme moteur la pression du vent, à l'aide des fameux « wind cowls » multicolores, posés au-dessus des échangeurs de chaleur.
Côté énergies renouvelables, 777 m2 de panneaux photovoltaïques et une centrale de cogénération à biomasse (130 kW d'électricité et 250 kW d'eau chaude) devaient couvrir l'ensemble des besoins du site en eau chaude et en électricité.
2 ÉTAT DES LIEUX Empreinte écologique réduite
L'un des objectifs étant de démontrer la possibilité de construire un écoquartier en utilisant des matériaux et techniques de construction courants, les concepteurs choisissent le système de maçonnerie le plus commun : murs creux avec une cavité centrale remplie d'isolant. Les travaux ont donc pu être menés par des entreprises locales. « Le chantier n'avait rien de compliqué », assure Asif Din, l'un des architectes.
Les travaux débutent en janvier 2000 sur un terrain anciennement utilisé pour l'épandage de boues de station d'épuration. Dans la logique de l'économie de moyens, la terre polluée sera traitée in situ et non déplacée. Triée, une partie de la terre souillée sert ainsi de remblais au rez-de-chaussée, surélevé de 1,20 m pour mieux profiter des apports solaires. Répondant aux objectifs de faible impact, 52 % des matériaux ont été trouvés dans un rayon de 56 km autour du site.
Une personne de chez BioRegional cherchait en particulier des matériaux de récupération. Nous lui avons fourni avant le début du chantier les descriptifs des matériaux de ce que nous pouvions accepter : acier de structure, montants pour les cloisons intérieures, etc., et elle est partie faire ses recherches sur les chantiers de démolition, dans les dépôts.
Si elle trouvait quelque chose, c'était parfait. Sinon, nous recherchions des matériaux à base de produits recyclés, et dans la négative, on se rabattait vers des matériaux neufs », ajoute Asif Din. Ainsi, la charpente acier des locaux d'activités - qui forme des travées larges autorisant la modularité - est constituée à 95 % de poutrelles récupérées. Pour faciliter la recherche - environ 100 t de charpente d'acier étant a priori difficiles à trouver dans un rayon de 56 km -, les ingénieurs ont précisé en amont la gamme de sections qui pouvaient être employées. Les ingénieurs structure valideront les produits finis. Autre exemple : 279 t de verre broyé ont été employés comme sable, notamment pour les lits des pavages extérieurs. Une grande quantité de temps a été perdue en revanche à récupérer et à retravailler des portes intérieures, pour finalement se rabattre sur un achat de portes en bois certifié. de Suède et d'Afrique du Sud.
Au final, 3 404 tonnes de matériaux ont été récupérés ou recyclés, soit 15 % du total (ou 7 % en dehors de la terre de remblais).
Différents outils d'aide à la décision ont été utilisés pour le calcul de l'énergie grise, l'analyse du cycle de vie et le calcul de l'empreinte écologique. Le choix des isolants - laine de roche (murs), polystyrène expansé (sol) et extrudé (toiture) - tous trois gros consommateurs d'énergie grise et polluants (surtout le polystyrène extrudé), s'explique par un calcul des économies d'énergie sur leur durée de vie qui compensent leur énergie grise. Le système constructif traditionnel du mur creux n'éliminant pas totalement le risque d'humidité, les isolants comme les matériaux végétaux étaient exclus d'office.
Pour l'étanchéité à l'air, l'appartement témoin a servi de prototype pour réaliser un premier test blower-door à 50 Pascal. « Le résultat (des taux de renouvellement de 5 V/h) nous a permis d'identifier les défauts, notamment le défaut de plâtrage aux angles des fenêtres, et de pouvoir mieux informer les entreprises. Au deuxième test, nous étions à 2, et cela suffisait à Arup », explique Asif Din.
3 BILAN Confort d'hiver atteint, mais surchauffes estivales
Les concepteurs de BedZED le clament déjà depuis plusieurs années : « Avec 20 % des investissements, nous aurions atteint 80 % des résultats. » Le problème principal a concerné la centrale de cogénération, stoppée depuis la fin 2005, car elle nécessitait trop de maintenance. Une simple chaudière à plaquettes devrait prochainement remplacer celles à gaz à condensation qui avaient pris le relais pour la fourniture d'eau chaude. 20 % de l'électricité consommée sur le site reste cependant produite sur place : elle est fournie par les panneaux photovoltaïques prévus au départ pour alimenter 40 voitures électriques - un usage pour le moment totalement ignoré par les habitants, hormis les concepteurs de BedZED.
Selon des mesures réalisées en 2007, les habitants de BedZED consomment 34 kWh/m2/an d'électricité (3,4 kWh/personne/jour), soit 38 % de moins que la moyenne des habitants de leur commune. Pour l'eau chaude, la consommation s'établit à 48 kWh/m2/an. Ce chiffre couvre aussi le chauffage d'appoint - un tuyau-radiateur faisant office de sèche-serviettes dans les salles de bains - il est difficile de faire la part exacte entre ces deux usages. Les architectes estiment que l'objectif de réduction de 90 % du chauffage est atteint. Le total des consommations électriques et d'eau chaude s'établit en tout cas à 82,4 kWh/m2/an, soit largement dans les critères de la maison passive (120 kWh/m2/an tous usages confondus).
Côté confort thermique, les points faibles se situent en été : aucune protection solaire n'a été installée, les calculs ayant montré que la masse suffisait pour absorber la chaleur excessive. Ce système fonctionne bien lorsque les fenêtres hautes de la serre sont ouvertes pour évacuer la chaleur. Mais beaucoup d'habitants les maintiennent fermées par souci de sécurité. En CO2, le résultat s'établit à 19,9 kg/m2/an. Il serait de -7,7 si toute l'énergie était produite - comme prévu - sur place.