Les spécificités des règles relatives aux jours et aux vues

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Les spécificités des règles relatives aux jours et aux vues

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Lors de l’édification ou de la réhabilitation d’un immeuble, maître d’œuvre et entrepreneur doivent respecter les dispositions du code civil concernant les jours et les vues figurant dans les articles 675 à 680 et vérifier la jurisprudence, au regard de la disposition des lieux et du programme du maître d’ouvrage.

L’émergence du droit de chacun à la vie privée et à l’image conduit les juges à être souvent saisis de conflits de voisinage. L’abondance de la jurisprudence atteste de la variété des situations techniques de ces jours et vues et des réponses des juges. Il est important que le maître d’œuvre et l’entrepreneur prennent conscience de ce risque – si l’immeuble à construire ou à réhabiliter est susceptible de comprendre des jours ou des vues – et trouvent un accord avec leur maître d’ouvrage en lui proposant les solutions techniques concrètes répondant aux prescriptions du législateur.

Les jours sont des ouvertures faites dans les murs par où l’on reçoit seulement la lumière, mais elles ne permettent pas de regarder le voisin et ne laissent pas passer l’air. Ce qui entraîne deux notions fondamentales : la translucidité et l’absence d’ouverture. Ces jours dits « de souffrance » sont réglementés différemment selon que le mur concerné est mitoyen ou non. L’article 675 dispose en effet que « l’un des voisins ne peut, sans le consentement de l’autre, pratiquer dans le mur mitoyen aucune fenêtre ou ouverture, en quelque manière que ce soit, même à verre dormant ». Il s’agit alors de respecter strictement les droits du copropriétaire mitoyen qui peut donner son véto sur des modifications du mur mitoyen qui n’ont pas son agrément. Un jour, dit alors « de servitude » ne peut être pratiqué qu’en vertu d’un titre ou d’une convention particulière avec le copropriétaire mitoyen. En revanche, l’exhaussement du mur mitoyen est privatif si le voisin n’y a pas contribué en payant la moitié de la dépense. Un mur est privatif si sa face extérieure se trouve à l’aplomb de la ligne séparative des terrains. Les articles 676 et 677 définissent minutieusement les caractéristiques des jours autorisés au propriétaire du mur : ils doivent être placés à 2,60 m au-dessus du sol au rez-de-chaussée et à 1,90 m aux étages supérieurs. Ils doivent être garnis d’un treillis de fer maillé dont les mailles auront un décimètre d’ouverture au plus et un verre dormant. Ces précisions techniques sont maintenant considérées comme indicatives par la jurisprudence qui autorise des éléments différents, des techniques nouvelles mais d’efficacité équivalente, comme des verres dépolis épais, l’utilisation de matière plastique, de carreaux de verre translucides non-transparents. Ce sont les juges du fond qui apprécient si les caractéristiques du jour querellé par le voisin répondent aux conditions du code civil. Leurs décisions peuvent être plus ou moins strictes, d’où l’importance d’établir un descriptif précis, notamment des matériaux nouveaux utilisés de nature à laisser passer le jour mais pas l’air, ni la vue, ni le jet d’immondices, ni le passage de personnes …

Vues : une notion relative

Ainsi, une ouverture munie de verre perforé ne sera pas admise, car elle ne répond pas aux exigences relatives au bruit, aux odeurs et aux jets d’immondices. Dans certains cas, les tribunaux peuvent aussi prendre en considération les possibilités offertes par les jours à celui qui les établit, au regard des inconvénients réels subis par son voisin, tout autant que la disposition de l’ouverture elle-même. Aucun droit ne peut être conféré au propriétaire d’un jour ne respectant pas les prescriptions du code civil. Et ce, même s’il est toléré pendant de nombreuses années par son voisin qui peut, à tout moment, y mettre un terme. Ces jours litigieux, dits « de tolérance », ne peuvent être acquis par prescription.

En revanche, les vues sont des ouvertures laissant passer l’air, la lumière et les regards. L’article 678 précise que l’« on ne peut avoir de vues droites ou fenêtres d’aspect ou autres semblables saillies sur l’héritage clos ou non-clos de son voisin, s’il n’y a dix-neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage ». Cela concerne les terrasses, excepté si ces dernières sont dépourvues de tout mode d’accès régulier et normal et n’ont jamais servi en tant que terrasse. Cela concerne aussi les toits plats, les plates- formes, ainsi que tout exhaussement de terrain d’où il peut être exercé une vue sur le fonds voisin. Une fenêtre ouvrant sur un toit, une lucarne ou une toiture vitrée, destinée à l’éclairage ou à l’aération des pièces disposées dans les combles, constitue une vue dès lors qu’elle entraîne une incommodité et des risques d’indiscrétion. Mais une vue donnant sur un mur aveugle n’est pas soumise aux dispositions de l’article 678. S’il s’agit de vues par côtés ou obliques, l’article 679 exige six décimètres de distance. L’article 680 précise que ces distances se comptent « depuis le parement extérieur du mur où l’ouverture se fait et, s’il y a balcons ou semblables saillies, depuis leur ligne extérieure jusqu’à la ligne de séparation des deux propriétés ». Ces prescriptions ne concernent que les propriétés contiguës et ne s’appliquent pas si elles sont séparées par une venelle appartenant à un tiers, ou si la fenêtre litigieuse n’a vue que sur la voie publique. Un arrêt de la Cour de cassation du 14 janvier 2003, concernant deux immeubles voisins séparés par un passage commun, précise que la distance légale doit s’apprécier non pas au milieu de la voie commune mais de l’autre côté de celles-ci. En ce qui concerne les matériaux utilisés, la jurisprudence considère qu’un verre dépoli assez translucide pour que les feuillages et les toits restent visibles de l’intérieur et que, de l’extérieur, la présence d’une personne à l’intérieur soit visible, constitue une vue en infraction aux dispositions du code civil. La démolition doit être ordonnée par le juge : elle est la seule sanction prévue, s’agissant de la transgression d’un droit réel, les frais en résultant important peu, au regard du préjudice réel subi par le voisin. Le propriétaire de l’ouverture prohibée ne peut échapper à cette sanction qu’en apportant la preuve qu’il est titulaire d’une servitude de vue en produisant son titre ou prouvant la servitude par destination de père de famille ou invoquant la prescription acquisitive trentenaire. Dans certains cas, il semble toutefois que le juge puisse considérer qu’un aménagement peut être pratiqué.

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