La serre du théâtre et, au fond à droite, la rotonde du jardin d’hiver.
© Doc. Hubert d’Erceville
Édifié il y a cent trente ans, ce joyau architectural en acier est soumis à l’agression permanente de l’humidité et du réseau racinaire des plantes. Son entretien supplée à une rénovation sans cesse décalée, faute de moyens.
Programme 15 000 m2 bâtis d’acier et de verre
Monument belge du XIXe siècle, les serres de Laeken sont entièrement constituées de métal et de verre, une innovation remarquable, à l’époque. C’est aujourd’hui un complexe unique de l’histoire architecturale des serres, un véritable ensemble de bâtiments ouvert à la lumière naturelle et répartit sur 700 m de long, couvrant 1,5 ha au sol et doté de 2,5 ha de surface vitrée.
La quinzaine de bâtiments qui compose les serres royales abrite l’une des plus importantes collections de plantes et de fleurs en Europe, dont certaines espèces exotiques rares. Le site est ouvert au public une seule fois par an, une quinzaine de jours lors de la floraison, en avril ou mai.
Le roi Léopold II a fait appel à un architecte novateur belge, Alphonse Balat, pour édifier l’ensemble. Les travaux dureront de 1874 (jardin d’hiver) jusqu’en 1894 (église de fer), date de l’inauguration officielle. Le projet est contemporain de la tour Eiffel. Comme Gustave Eiffel, Alfonse Balat veut mettre en avant les progrès techniques et repousser les limites de l’utilisation du fer dans des édifices ambitieux. D’autres bâtiments sont ensuite venus enrichir le site : la serre Maquet (1902), du nom de son architecte, et la serre du théâtre (1905), du Français Charles Girault, concepteur du Petit Palais et constructeur du Grand Palais à Paris. Tous ont utilisé les mêmes techniques pour des dessins différents.
Le complexe est réparti en trois zones. La première, la plus ancienne, correspond à un groupe de bâtiments monumentaux se succédant sur 150 m (orangerie, jardin d’hiver, serres du Congo et de l’embarcadère). La deuxième est un couloir de verre de 300 m de long, semi-enterré par endroits et doté d’escaliers. La troisième zone, sur le plateau, connecte sur 300 m d’autres serres de taille moyenne jusqu’à l’église de fer, dernier élément du parcours et ancien lieu de culte aujourd’hui inaccessible au public. Les plantes sont partout, l’humidité, la chaleur et le réseau racinaire provoquent la corrosion et des désordres continus sur la structure.
État des lieux Rivetés et non soudés, les profils se corrodent
Les profils métalliques des serres ne sont pas en T, comme cela se fait aujourd’hui, mais en L. À l’époque, seul le pliage était possible et l’acier n’était pas soudable. Les T sont donc réalisés en solidarisant deux L côte à côte, par rivetage à chaud. C’est efficace et résistant, mais aggrave le risque de corrosion, puisque l’eau s’infiltre souvent entre les deux profils, facilitant la rouille des structures, malgré la protection d’une peinture au zinc. La plupart des rivets d’origine sont en parfait état. Cependant, ils présentent l’inconvénient de ne pas permettre un démontage simple des éléments. La peinture verte légèrement foncée qui recouvre les structures métalliques est utilisée depuis 1992 sur le métal et le bois. Elle est proche de la couleur d’origine.
Depuis 1981, les serres sont couvertes d’un verre Hortiplus de 4 mm d’épaisseur. En face extérieure, une fine couche d’oxyde d’étain aux qualités isolantes accroît l’effet de serre. Les pertes de chaleur sont réduites ; et le bénéfice énergétique du rayonnement solaire maximisé.
Depuis l’origine, l’eau du système de chauffage circule dans de simples tuyaux en fonte ou en acier, installés dans des faux planchers grillagés courant dans tous les espaces de la serre. « Nous avons testé la mise en place de tubes à ailettes, mais cela ne convient pas pour des raisons de dispersion de chaleur trop importante à certains emplacements », estime Michel Dekens, régisseur du domaine royal (lire ci-dessous). De même, l’installation de convecteurs n’est pas idéale pour chauffer uniformément les espaces. Treize chaudières à mazout d’une puissance totale de 9 MW consomment plus de 400 000 l de mazout par an et assurent la température de consigne durant la période hivernale : 3°C jour et nuit dans les serres froides ; 10 à 12°C le jour et 10°C la nuit dans les serres subtropicales (jardin d’hiver, serres du Congo et des palmiers) ; 18°C le jour et 16°C la nuit dans les serres chaudes de culture. Ici, pas d’énergies renouvelables, en raison de l’absence d’investissements.
Bilan Des grands travaux en attente, faute de subsides
Les serres de Laeken nécessitent des travaux de rénovation permanents ; or ceux-ci ont été trop irrégulièrement opérés. Alors qu’elles sont menacées de ruine au début des années 1980, un premier grand chantier - à l’identique - est conduit, un siècle après leur construction. Phase 1 : après une reprise des charges, les éléments en mauvais état sont retirés. Phase 2 : un décapage complet et une mise à nu de l’acier sont réalisés en atelier, les éléments trop corrodés sont replacés par boulonnage (et non plus rivetage). Phase 3 : l’élément rénové est replacé et les supports de reprise de charge ôtés.
Ces travaux sont menés à la fin des années 1980 pour le jardin d’hiver, la serre du Congo et celle des palmiers. Dans les années 1990, c’est au tour de l’orangerie, la salle à manger et la serre du théâtre. En 2001, la reprise de la serre Maquet a clôturé le programme. Depuis, aucuns grands travaux n’ont pu être engagés, faute de budget. Et aujourd’hui, la corrosion et les tassements de structure ont repris leur œuvre, mettant de nouveau en péril certaines zones.
En 2011, la Régie des bâtiments propose un programme de rénovation complet. Mais, à ce jour, le financement reste en attente. En l’absence de gouvernement stable, la Belgique ne peut pas engager de travaux. Et, pendant ce temps-là, le patrimoine se dégrade rapidement.
Pourtant, aujourd’hui encore, les serres de Laeken sont régulièrement utilisées pour accueillir des personnalités étrangères. Sans rénovation, cela ne sera plus possible.