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Les chais concilient tradition et organisation industrielle

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Les chais concilient tradition et organisation industrielle

Conçu par l’agence de Gilles Perraudin, le chai de Nizas dans l’Hérault est réalisé dans un esprit traditionnel.Schéma en coupe de la cave coopérative La Suzienne (26)1. Réception vendanges2. Cuverie (chai de vinification)3. Stockage (chai de vieillissement)

© (Doc. Agence Perraudin.)

La diversité des chais viticoles exprime toute la richesse des vins qui y sont élaborés. Si la conception de ces bâtiments d’activités est principalement guidée par des choix œnologiques, elle tient également compte d’aspects plus fonctionnels et techniques liés, notamment, à la recherche d’inertie thermique, à la qualité de l’air ou à l’intégration de parcours de visite.

Le chai est le lieu par excellence de la transformation du raisin en vin. Point de magie cependant. Au fil du temps et surtout depuis la deuxième moitié du xix e siècle, le chai viticole n’a cessé de se rationaliser et de se moderniser. Objectif : concilier des exigences accrues en termes de qualités gustatives et olfactives et des contraintes de travail et de site d’un bâtiment d’exploitation.

Ses récentes évolutions doivent beaucoup aux connaissances d’œnologues reconnus et à l’émergence depuis une vingtaine d’années d’une maîtrise d’œuvre spécialisée, à laquelle appartiennent des bureaux d’études en ingénierie vinicole qui ont à cœur de proposer une conception centrée sur le process. Le recours aux grands noms de l’architecture témoigne, par ailleurs, des efforts entrepris par certains propriétaires pour mettre en valeur leurs produits.

Du modèle traditionnel à la cave coopérative

Le chai viticole regroupe aujourd’hui un ensemble d’espaces spécialisés correspondant aux différentes étapes de la chaîne de production du vin : • l’aire de réception des vendanges, • le local de vinification, où se déroulent les opérations de pressurage, fermentation, débourbage, sulfitage, assemblage..., • le local de conservation et d’élevage des vins, l’espace de conditionnement, mise en bouteille et étiquetage, enfin le lieu de stockage et d’expédition.
Pour autant, chaque région viticole a ses spécificités. Ainsi, en Champagne, où la conception des chais est rigoureusement encadrée par le Comité interprofessionnel du vin de Champagne, les centres de pressurage sont tenus de respecter des préconisations strictes en termes d’implantation, de dimensions, ou d’aire de stockage pour prétendre à l’appellation AOC. La maturation des vins étant par ailleurs longue (en moyenne de deux à trois ans pour des cuvées non- millésimées, jusqu’à quatre à dix ans en cas de millésimes), les chais se doivent également d’avoir des caves de capacités suffisantes. A contrario, en Provence, terre de rosés, les contraintes de stockage sont limitées et la surface des chais réduite. La majorité de la production se vend en effet dans l’année. Dans le Bordelais, où l’élevage des vins s’étend sur un minimum de trois ans, les surfaces de stockage sont dimensionnées pour au moins trois récoltes.
Mais au-delà des régions, et des différences de vinification intrinsèques entre vins rouges, blancs et rosés, vins tranquilles ou effervescents, la nature des chais viticoles connaît aussi d’importantes variantes selon le type d’exploitation. Une distinction importante concerne, ainsi, les chais particuliers et les chais de caves coopératives ou de sociétés de négoce. Les premiers sont typiquement situés sur un domaine ou un « château » dont les vignes couvrent de 30 à 100 hectares. Selon la qualité recherchée, ils s’organisent autour de process plus ou moins traditionnels. Dans les grands domaines, la culture du haut de gamme va de pair avec des pratiques ancestrales : vendanges manuelles, caves gravitaires en sous-sol permettant un encuvage sans pompage ni pression, fermentation en cuves inox et bois, élevage en chais à barriques, décuvage par bacs de manutention...

Aménagement de circuits ERP

Représentant de 100 à 2 000 hectares de vignes, les chais de coopératives ou de sociétés de négoce sont conçus pour traiter de grandes quantités de raisin : ils regroupent des cuveries en inox réfrigéré, ou béton, de plusieurs milliers ou dizaine de milliers d’hectolitres et recourent généralement à des méthodes de vinification semi-industrielles, telles que le traitement par chaud et froid permettant de donner au vin un profil régulier d’une année à l’autre, ou utilisent des chambres froides pour rentrer la vendange à une température optimale... Les installations sont généralement construites en superstructure, sur des terrains non-viticoles pouvant être situés dans des zones industrielles. La conception d’un nouveau chai, à l’instar de la restructuration d’installations existantes, s’organise donc autour des exigences particulières de chaque production, des exigences qui touchent à la fois à la répartition des locaux, à la gestion des flux, aux conditions hygrothermiques des cuveries et locaux de stockage, à la pénétration de la lumière naturelle... Mais elle doit également satisfaire l’ensemble des normes et contraintes réglementaires propres à la construction de bâtiments d’activités agroalimentaires sur le plan de l’hygiène, la qualité de l’air, la sécurité des personnes face au risque incendie, l’environnement, l’isolation thermique, l’accessibilité...
• La répartition gravitaire. Parmi les thèmes abordés, la poursuite de la répartition gravitaire occupe une place importante. Destinée à préserver la qualité du vin en limitant la trituration du raisin et la manipulation des bouteilles, la distribution par gravité consiste à réaliser la livraison du raisin en partie haute, la fermentation intervenant à un niveau inférieur et la mise en bouteille au niveau le plus bas. Sa mise en œuvre peut être facilitée par la topologie du terrain, un dénivelé de 12 m offrant un bon compromis à la création de l’ensemble des locaux, le chai se trouvant ainsi semi-enterré. Lorsque le terrain ne le permet pas, un système de pompage permet d’encuver le raisin.
• L’inertie thermique. La recherche d’inertie thermique constitue un autre point fort de l’aménagement de chais. Bien qu’il nécessite un minium de chaleur en phase de fermentation et puisse donner lieu à des traitements de chaud et froid, le vin est un produit extrêmement sensible aux variations hygrothermiques. D’où l’importance d’une bonne maîtrise de la température des locaux de conservation, de stockage et d’élevage, la fourchette idéale se situant entre 14 et 18 °C, ainsi que de l’hygrométrie ambiante dont l’optimum est compris entre 60 et 80 %. Pour éviter le recours à la climatisation, il faut privilégier les expositions nord-est/sud-ouest et les configurations de locaux enterrés ou semi-enterrés. Par ailleurs, si quelques rares chais contemporains font appel à la pierre massive pour ses caractéristiques de régulation naturelle et de confort thermique, de nombreuses constructions récentes utilisent des parois en briques Monomur. Le bois est surtout utilisé comme matériau de franchissement ou comme élément de parement extérieur, sachant que les matériaux utilisés doivent être exempts de tous produits chimiques, afin de ne pas altérer les qualités du vin. Dans le cas des caves coopératives, les grandes surfaces de chais sont traitées suivant une approche semi-industrielle avec des enveloppes en béton cellulaire ou des systèmes de bardage métallique à forte épaisseur d’isolation thermique. Sur les domaines engagés dans une démarche de certification de leur production, la prise en compte des préoccupations environnementales est plus marquée qu’ailleurs. Elle se traduit par la recherche d’installations moins énergivores et par là même de bâtiments mieux isolés. Dans le sud de la France, des systèmes de pompes à chaleur, de puits canadiens, ou encore de surventilation nocturne sont mis en œuvre afin d’offrir une alternative durable à la climatisation. Des matériaux à faible impact sur l’environnement peuvent aussi être choisis, telles les peintures à la chaux (à renouveler tous les deux à trois ans).
• L’accessibilité. Par ailleurs, il est à noter que la conception des chais viticoles est rendue plus complexe aujourd’hui de par le développement de l’œnotourisme, et de nouvelles formes d’activités liées au monde du vin, telles que l’accueil, la visite, la dégustation, l’hébergement, la restauration ou encore l’animation... Destinées à faire connaître le vignoble et à lui apporter une certaine visibilité médiatique, ces activités complémentaires impliquent le respect d’un minimum de règles de sécurité et d’accessibilité. Il s’agit de mettre en contact les circuits de fonctionnement et les parcours de visites en évitant le croisement des différents flux. Mais ces dispositions sont parfois difficiles à mettre en œuvre dans les chais existants dont certains appartiennent au patrimoine historique. Elles représentent un véritable casse-tête pour les caves champenoises dont les galeries de stockage descendent jusqu’à 30 m sous terre.
Pour l’heure, seules quelques maisons de Champagne ont entrepris la restructuration onéreuse que leur imposait la réglementation en aménageant des parcours ERP avec circuits d’évacuation, portes CF et escaliers de secours. Les autres ont préféré interrompre momentanément les visites.

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