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Les certifications au cœur de la problématique

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Les certifications au cœur de la problématique

ANTOINE NOUGAREDE, est directeur de l’immobilier commercial chez Icade Promotion depuis sept ans. Rattaché au département Centres commerciaux chez Unibail pendant dix ans, il a ensuite travaillé cinq ans chez Apsys dont deux ans en Pologne avant d’être en charge du projet de rénovation et de reconstruction du centre commercial de Beaugrenelle (Paris) pendant trois ans. Chez Icade Promotion, il a œuvré au développement et à la réalisation des centres commerciaux Odysseum à Montpellier et du Millénaire à Aubervilliers. Il est actuellement en charge des projets Bleu Capelette à Marseille et Espace Océan à Saint-Denis de la Réunion.

CONCEPTION

Comment conçoit-on un centre commercial ?

Le cœur de la conception, c’est d’avoir en permanence l’obsession de créer les conditions les plus favorables au futur chiffre d’affaires des commerçants. Un centre commercial doit répondre aux fondamentaux du commerce. Deux critères doivent être pris en compte. Le premier concerne l’emplacement qui doit correspondre à une zone de chalandise suffisante, et le fait de disposer d’accès, de flux et de parkings performants. Le second critère porte sur la conception même du centre : organisation des espaces intérieurs, fluidité des flux clients, visibilité des façades et des enseignes sont autant de points qu’il faut prendre en compte. À titre d’exemple, le centre commercial de Montparnasse est considéré comme l’un des meilleurs emplacements d’Europe, mais il n’est pas lisible de l’extérieur, et à l’intérieur c’est un vrai labyrinthe. Nous estimons qu’il ne génère que 30 à 50 % de chiffre d’affaires par rapport à ce qu’il devrait réaliser.

RÉGLEMENTATION

Quels sont les textes applicables ?

Les textes de loi applicables aux centres commerciaux se trouvent dans le Code de la construction, la RT 2012, les règlements spécifiques de sécurité incendie et d’accessibilité des ERP. Ils progressent constamment, notamment pour la sécurité incendie. L’arrêté du 25 juin 1980 qui mentionne les dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP évolue sans cesse au regard des accidents qui se produisent. Du coup, il est régu- lièrement complété par de nouveaux arrêtés.

RT 2012

Quel est l’impact de la RT 2012 sur la construction de ces centres ?

La Réglementation thermique 2012 est applicable à tous les bâtiments, sans particularité pour les centres commerciaux. Le cadre est le même, mais avec des problématiques différentes. Les centres commerciaux doivent évacuer la chaleur et non la rechercher. Un centre commercial produit beaucoup de chaleur par sa seule activité. La problématique est comment gérer l’énergie produite, et arriver à refroidir beaucoup avec le moins possible de déperditions de froid. L’optimisation de l’énergie consacrée au refroidis- sement est une des cibles HQE essentielles.

CERTIFICATIONS

Les certifications HQE sont-elles prises en compte ?

C’est surtout la certification qui fait la différence et qui a beaucoup évolué. L’investissement de la construction du bâtiment porte principalement sur ses performances et le choix des matériaux. Le coût d’exploitation doit permettre d’optimiser le coût global. Il y a dix ans, les investisseurs ne s’intéressaient pas aux bâtiments certifiés HQE ou à son équivalent anglo-saxon Brefam (Environmental Assessment Method développé par le Building Research Establishment), alors qu’aujourd’hui, elle est hautement considérée, voire indispensable pour la vente à un investisseur. On recherche constamment des moyens pour réaliser des économies d’énergie, de consommation ou encore de matériaux. La certification est plus que demandée par les investisseurs et entraîne une augmentation de la valeur du bâtiment. Le centre commercial est certes plus cher à la construction, mais il prend de la valeur et génère des économies d’exploitation pour les investisseurs.

TRANSPORTs

Qu’est-ce qui a le plus évolué dans la conception des centres commerciaux ?

Il y a une forte recherche de multimodalité des transports. Même si l’automobile reste encore le moyen de transport privilégié, les nouveaux centres commerciaux doivent aussi être accessibles en bus, métro ou en tramway. Pour le centre commercial Le Millénaire d’Aubervilliers qui est bordé par le canal Saint-Denis, des navettes fluviales électriques relient la station de métro Corentin-Cariou au centre en seulement 7 minutes.

éCLAIRAGE

Quels sont les moyens mis en œuvre pour réduire les consommations ?

La gestion de l’éclairage est importante. L’évolution des produits verriers a contribué à développer des centres commerciaux dotés de grandes verrières, afin de privilégier la lumière naturelle et réduire l’éclairage artificiel. Les verrières zénithales contribuent aussi à assurer une partie de la ventilation du bâtiment, par une gestion naturelle des flux. La tendance est également de supprimer la couverture des mails qui sont alors ouverts à l’air libre. Pour les commerces, c’est un avantage puisqu’ils bénéficient de la lumière naturelle. Concernant l’éclairage artificiel, il y a une recherche pour réduire les consommations électriques avec l’emploi de leds et de systèmes de gestion de l’éclairage en fonction de la luminosité. C’est ainsi que pour le centre commercial Le Millénaire, qui possède de larges verrières zénithales, l’éclairage électrique est ajusté automatiquement en fonction de l’intensité lumineuse grâce à la pose de capteurs de luminosité. Avec ce dispositif, une économie de l’ordre de 20 % sur la consommation habituelle d’électricité pour l’éclairage est réalisée.

CHAUFFAGE - CLIMATISATION

Pour ces deux postes, fait-on appel aux énergies renouvelables ?

Les grands ensembles commerciaux sont généralement raccordés aux équipements publics de production de chaud et de froid. Par des stations d’échange, l’eau glacée ou chaude est distribuée à des Centrales de traitement de l’air qui viennent accompagner les systèmes de free-cooling. À titre d’exemple, le futur centre commercial de Beaugrenelle à Paris va exploiter un puits de géothermie existant qui va compléter les besoins en énergie de la climatisation et du chauffage. Pour l’opération du boulevard Macdonald à Paris, le centre commercial en cours de construction va être alimenté en chaleur par un puits de forage de 1 800 m de profondeur creusé en 2009. Ailleurs, c’est l’énergie solaire qui apporte un complément.

SONORISATION

Comment traite-t-on les problèmes acoustiques ?

Le phonique est une des choses qui entre également dans les cibles HQE. Cela doit notamment être traité au regard de l’accessibilité PMR, car il faut éviter la réverbération pour l’usager malentendant. Les appareils et les locaux techniques émettant des nuisances sonores sont soigneusement isolés et des matériaux absorbants, tels les faux plafonds microperforés, sont mis en place pour réduire la réverbération du son.

ACCESSIBILITÉ PMR

La réglementation en ce domaine influe-t-elle sur la conception ?

La réglementation pour l’accessibilité PMR est de plus en plus pointue. Elle concerne désormais tous types de handicaps qu’ils soient visuels, auditifs ou moteurs. Aujourd’hui, pour la mobilité, la réglementation impose de rendre accessibles toutes les parties privatives extérieures et intérieures du centre (articles R.111-19-2 et 3). Les déficients visuels ont besoin de repères, d’où la mise en place de bandes de guidage et de couleurs contrastées. Pour les déficients moteurs, ce sont des exigences spatiales qui doivent être prises en compte comme les pentes, les ascenseurs et les portes automatiques. Concernant les déficients auditifs, il leur faut un confort acoustique pour qu’ils puissent se repérer, notamment dans les mails qui sont de vastes espaces avec une forte réverbération du son. Lors de la conception, des commissions sont sollicitées pour travailler sur la problématique de l’accessibilité. Le décret de janvier 2009 a évolué en 2012 et il y a plus de paramètres à prendre en compte. La réglementation est très en avance et les solutions techniques n’ont pas toujours été développées. Ces contraintes poussent à l’innovation.

BAIL VERT

Y a-t-il une prise en compte des aspects environnementaux ?

Construire un centre commercial durable ne doit pas se limiter à l’enveloppe du bâtiment, il faut que les enseignes qui s’y implantent soient sensibilisées à cette problématique. C’est pourquoi le décret d’application n° 2011-2058 publié le 31 décembre 2011 dans le cadre de la loi Grenelle II impose aux commerces de plus de 2 000 m² une annexe environnementale sur les baux conclus ou renouvelés depuis le 1 er janvier 2012. C’est ce que l’on appelle le « bail vert ». Un accord entre les associations représentatives des enseignes comme le Procos et les promoteurs, investisseurs et gestionnaires de centres commerciaux a été signé sous l’égide du CNCC (Conseil national des centres commerciaux) et fait l’objet d’une application systématique dans nos baux dès le premier mètre carré.

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