Les algues prêtes à coloniser le bâtiment

Emmanuelle Picaud

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Les algues prêtes à coloniser le bâtiment

Les blocs utilisés à des fins de construction sont constitués à partir d'un mélange d'algues séchées et de terre.

© Terre d'Algues

Le projet de recherche Terre d'Algues entend valoriser la sargasse, une espèce d'algue invasive présente notamment en outre-mer et en Normandie, pour des applications dans la construction.

Utiliser des algues pour construire des bâtiments ? L'idée a émergé dans l'esprit de Nicolas Vernoux-Thélot (agence In Situ Architecture) en 2018, au retour d'un séjour aux Antilles. Il y a découvert la sargasse, une algue qui peut atteindre plusieurs dizaines de mètres de long et qui a envahi cette région du globe. On la retrouve aussi sous d'autres latitudes, par exemple en Normandie. L'architecte s'est demandé s'il n'était pas possible de valoriser cette algue, que les collectivités doivent ramasser, en particulier en se servant de leurs fibres. « Nous nous sommes dit que la sargasse pourrait être utilisée pour élaborer du torchis. On emploie bien des algues pour fabriquer des assiettes jetables ou des chaussures, alors pourquoi ne pas étendre son utilisation à la construction ? » De retour en métropole, il monte un partenariat entre son agence, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et les sociétés Nobatek/Inef4 et Tox Sea In. Un premier échantillon formulé à partir d'algues et de terre est fabriqué, puis exposé à la Cité des sciences et de l'industrie (Paris XIXe ). Très vite, le consortium réfléchit à plusieurs gammes de matériaux : briques de remplissage, hourdis pour les poutres et les planchers, panneaux isolants… Différents types de sargasses sont testés au sein des formulations. « L'algue normande présente une petite racine et une grande hampe, ce qui lui permet de s'accrocher facilement aux rochers. À l'inverse, sa cousine germaine des Antilles est moins longue et elle ne fait que flotter. En fonction de l'utilisation de l'une ou de l'autre, les propriétés fibreuses ne seront pas identiques », précise Philippe Solignac, architecte qui a coordonné le projet au sein du Cerema.

De bonnes performances environnementales

Des tests sont menés en laboratoire. Les propriétés thermiques du mélange fibres et terre se révèlent particulièrement intéressantes. « Le coefficient lambda atteignait 0,25 au début, contre 0,1 pour les matériaux biosourcés. Nous avons par la suite augmenté les concentrations d'algues et nous sommes parvenus à atteindre un coefficient 0,1 », expose Nicolas Vernoux-Thélot, qui indique avoir déposé un brevet. Le volet environnemental du projet a également fait l'objet de recherches. En effet, lorsqu'elle est échouée sur les plages, la sargasse a tendance à émettre du soufre. Ce problème a finalement été réglé en faisant sécher l'algue pendant 48 heures, une précaution qui évite tout risque de décomposition. Les concentrations en métaux lourds des algues ont également dû être évaluées. Celles-ci sont « identiques à celles des autres matériaux de construction », assure le consortium. Le projet de recherche, qui est financé à hauteur de 60 % par l'Ademe, doit s'achever d'ici à la fin 2023.

Différentes formulations ont été testées afin d'éprouver la résistance des mélanges.

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