Sur les trois façades nord, est et sud, la densité de la résille métallique a été réglée en finesse par la modélisation. À l’usage, quelques lames ont été ajoutées. Côté ouest, la façade porte des stores classiques.(Doc. Tetrarc.)
Les nouveaux locaux du groupe de design Coupechoux situés sur l’Île de Nantes sont habillés d’une fourrure audacieuse, ruisselante de langues de métal.
LÎle de Nantes, anciennement nommée « Ïle Beaulieu » par les Nantais (44), est le cadre d’un grand chantier de rénovation urbaine, qui a stimulé la créativité architecturale.
Une belle illustration en est donnée par le nouvel immeuble de bureaux Manny, qui jouxte le palais de justice de Jean Nouvel. Il est signé par Michel Bertreux du cabinet d’architecture Tetrarc. Les deux promoteurs du projet sont Axel Colin Immobilier et le groupe de design Coupechoux, principal occupant des lieux.
Le nom de cet immeuble à la fourrure métallique, évoque le mammouth du film d’animation « L’âge de glace ». Livré fin 2009, il offre 3 865 m2 utiles sur cinq niveaux de bureaux. Outre Coupechoux et Tetrarc, qui y ont installé leurs bureaux, les surfaces restantes sont en location. Au rez-de-chaussée et au premier étage prend place un showroom de design et de création contemporaine.
L’objectif de consommation énergétique de Manny est proche de la THPE avec une PAC air/eau, une VMC double flux, des doubles vitrages et une toiture végétalisée. La sensualité de la résille métallique courbe des façades offre de plus une efficace protection solaire, tout en laissant libre le regard des occupants.
Une difficulté de la conception résidait dans la résistance de cette vêture souple et légère, aux vents et aux trombes souvent violents qui remontent l’estuaire. « Alors que le bâtiment est entièrement vitré, nous obtenons un bon bilan thermique par la compacité du bâti, l’inertie du béton et un recours réduit à l’éclairage artificiel. Le résultat est très agréable à vivre », se félicite l’architecte Patrick Moreuil, chef de projet chez Tetrarc.
Un bâtiment compact et vitré
Assez ramassé avec ses 21 m sur 32 m de longueur et 22 m de hauteur, le volume est organisé autour d’un unique noyau central qui concentre l’escalier et les locaux techniques. Chaque étage d’une hauteur sous-plafond de 2 m 75 comporte deux demi-plateaux, dont la profondeur peut aller jusqu’à dix mètres.
Après les terrassements qui ont eu lieu à l’été 2008, le gros œuvre a été construit assez rapidement en sept mois, avec un demi-étage tous les quinze jours. L’ouvrage étant situé dans le lit de la Loire, le béton du parking en sous-sol a été consolidé par minéralisation. La structure des étages supérieurs est aussi entièrement construite en béton, avec des poteaux intérieurs et des planchers-champignons qui intègrent les poutres. Le béton a été coulé avec soin pour demeurer brut, sans finition. L’épaississement de la tête des poteaux dans l’épaisseur de la dalle a permis de conserver le volume des espaces de travail.
En façade, la trame des poteaux de 5,40 m est recoupée en deux panneaux de deux vantaux coulissants avec châssis alu et double vitrage avec lame d’argon.
Un travail d’équipe
La résille métallique a été modélisée par le Bureau d’études Meca, un spécialiste en mécanique des structures complexes. « Nous avons étudié au départ la faisabilité des principes constructifs, détaille Samuel Durand, ingénieur au BE Meca. Deux points étaient importants, la limitation des fréquences de vibrations de la résille et la stabilité pour satisfaire à la résistance réglementaire, qui demandait à définir les matériaux et la configuration des lames. »
La volonté de l’architecte de mettre du désordre et de l’aléatoire, devait être adaptée à ces contraintes réglementaires.
Aussi, le BE proposa de commencer par poser une première série de lames, plus épaisses, dites « de structure », avec un pas bien connu. Par-dessus seront fixées deux autres nappes en alu plus minces, avec un foisonnement aléatoire, mais très contrôlé. Comme l’architecte souhaitait des lames ajourées de trous, le BE proposa d’utiliser ces ouvertures comme points de fixation pour riveter les lames entre elles.
Un autre intervenant est le métallier Emfa qui a remporté l’appel d’offres pour la pose de la façade. Emfa s’est adjoint les services du serrurier Metalobil, qui a mis les compétences de son BE interne sur le projet. Leur valeur ajoutée a porté en particulier sur le dessin des bracons. « Metalobil a proposé des améliorations assez fortes par rapport à la conception initiale, reconnaît Samuel Durand. L’idée d’utiliser des bracons de différentes longueurs pour réaliser les vagues à moindre coût à partir de pièces standard, leur a permis d’emporter l’appel d’offres. »
Des lames métalliques qui jouentle rôle de fibres
Enfin, il fallait trouver une méthode pour calculer la résistance des matériaux et de fatigue de cette résille métallique peu ordinaire. Le BE Meca a exploité un modèle de comportement de coque composite, où les lames métalliques jouent le rôle de fibres, en définissant une densité et une orientation préférentielles par grandes zones. Des hypothèses validées par le bureau de contrôle.
Il ne restait plus qu’à donner vie à Manny. Sur le pourtour de tous les niveaux des trois façades devant porter résille, le métallier a procédé au chevillage chimique des consoles sur nez de dalle. Sur ces menuiseries ont été posées des coursives métalliques de 60 cm de largeur facilitant l’entretien. Ce support a aussi servi d’accroche aux bracons (deux bras articulés différemment inclinés), pour fixer la résille.
En tout, ce sont 1 200 bracons qui ont été posés avec un pas régulier et une amplitude d’un mètre, afin de générer l’effet de vague de la résille. De grands mouvements de pelage ont ainsi été créés à l’aide de 3 000 langues de métal (voir encadré).