© Docs. M. Lee Vigneau
Plus que jamais, la reconversion de sites industriels est à l’ordre du jour. Outre leur architecture historique et spectaculaire préservée, ces ouvrages permettent une intervention minimale et une transformation optimale, dans une démarche de développement durable.
Usines, hangars, grands moulins, silos à grains… la révolution industrielle, au XIXe siècle, a donné lieu à la construction de bâtiments hors normes. À l’image d’églises ou de châteaux, les architectes jouaient sur le caractère monumental de ces équipements fonctionnels. Ces dix dernières années ont vu naître, en France et plus largement à travers le monde, de nombreux projets de reconversion de ces édifices historiques implantés sur des friches industrielles, portuaires ou ferroviaires.
La capitale française n’est pas en reste, avec notamment la réalisation de la ZAC Rive gauche (Paris 13e) et de son campus universitaire installé dans de prestigieux édifices industriels. En 2005, l’usine Sudac a fait l’objet d’une extension-reconversion, afin d’accueillir l’école nationale supérieure d’architecture de Paris-Val de Seine (architecte Frédéric Borel). En 2006, l’université Paris-7 s’est installée à son tour dans les grands moulins de Paris (architecte Rudy Ricciotti) et, en 2007, dans la halle aux farines (architecte Nicolas Michelin). En Île-de-France, les grands moulins de Pantin (Seine-Saint-Denis) ont été transformés en complexe bancaire, en 2009, par l’agence Reichen et Robert. Le producteur et réalisateur Luc Besson a confié à ces mêmes architectes la rénovation de l’ancienne centrale thermique EDF de Saint-Denis, datant de 1933, en une cité du cinéma, qui a ouvert ses portes en 2012.
La restructuration d’un bâtiment industriel s’accompagne souvent d’extensions au sol ou en toiture, permettant d’agrandir notoirement les surfaces et de remanier l’organisation spatiale inhérente au changement d’affectation ; le tout, dans une démarche de développement durable.
Volumes internes à l’état brut
Il en est ainsi de l’ancienne usine Panhard et Levassor qui, édifiée en 1920 à la porte d’Ivry (Paris 13e), a été restructurée par l’agence Arep et ses fondateurs, les architectes Jean-Marie Duthilleul et Étienne Tricaud. Bien que les ateliers aient été en partie détruits en 1967, le site reste le dernier témoin historique des usines de Paris bâties au cours de cette période industrielle florissante. Reconverti en pôle tertiaire, le bâtiment principal, qui compte deux niveaux, accueille l’agence Arep, le siège social des Gares & Connexions (filiale de la SNCF), ainsi que les espaces de travail d’autres entreprises. Côté organisation spatiale, l’immense volume de l’ouvrage est percé d’un atrium central sur quatre niveaux, coiffé de sheds en structure métallique. Les plateaux de bureaux, qui s’articulent autour de cet atrium vertical, bénéficient d’une abondante lumière naturelle. L’atrium est un lieu de vie et de déambulation, car il dessert les plateaux et abrite les circulations verticales. Le choix architectural d’Arep a été de « laisser les volumes internes à l’état brut », avec la structure à poteaux-poutres et les dalles en béton apparentes.
À l’extérieur, les façades en brique, pierre meulière et corniches en béton ont été restaurées ; elles insèrent de nouvelles menuiseries en acier thermolaqué noir. Les deux greffes réalisées en toiture, à chaque extrémité de l’îlot triangulaire, se composent, selon les architectes, « de deux containers à l’écriture industrielle et sculpturale, parés d’une double-peau semi-transparente de verre et de métal perforé de ton cuivré ». Ces émergences vitrées et bâties en structure métallique sont cernées d’une peau rapportée en tôle d’acier thermolaqué rouille. Le motif découpé de cette résille pare-soleil s’inspire de photographies prises en toiture, où « se dessine le reflet des tuiles sur les sheds ».
À l’issue des travaux, l’opération a obtenu la double certification française NF Bâtiments tertiaires-Démarche Haute Qualité environnementale, ainsi que la certification internationale BREEAM (Building Research Establishment Environnemental Assessment Method).
Équipement public à vocation écologique
Autre projet innovant : dans le quartier de Wazemmes, à Lille (Nord), la transformation en maison de l’habitat durable (surface utile de 1 050 m²) de l’atelier d’application datant de la fin du XIXe siècle d’un lycée professionnel. Cet « outil au service de la rénovation énergétique des logements » met à la disposition des particuliers et des professionnels des conseils pour les aider à gérer leurs projets de construction ou de réhabilitation. Le bâtiment abrite divers espaces modulables, tels que des showrooms pour la présentation d’équipements, des ateliers, des bureaux, etc. Avec un budget de 2,45 M€ HT, l’écorénovation a été réalisée en 2013 par l’agence Atelier 9.81, Geoffrey Galand et Cédric Michel, architectes, selon le concept d’« une intervention minimale pour un recyclage maximal ».
L’enveloppe de l’édifice, comptant plusieurs travées en murs de brique coiffés de sheds, a été restaurée. Une structure légère en acier, à poteaux-poutres et planchers collaborants, a été montée dans le volume interne libéré qui intègre une mezzanine. Tandis que les sheds ont été restructurés à l’aide de bacs en acier, une charpente métallique se greffe en façade sud, créant une serre bioclimatique et une « maison végétale » plantée qui surplombent l’angle d’entrée du bâtiment (voir photo p. 54).
Un panel de choix écologiques complète la démarche, notamment la mise en œuvre : d’une VMC double flux ; d’un isolant intérieur en textile recyclé (Métisse) et d’un autre à billes d’argile (Argex) glissé en sous-dalle ; d’un plancher chauffant à basse température généré par une pompe à chaleur connectée à deux puits de géothermie (20 m de profondeur) ; d’une production d’eau chaude solaire ; d’une cuve de récupération des eaux de pluie, etc. De fait, le projet affiche (?) les performances requises pour l’obtention du label Bâtiment basse consommation-rénovation.