Bureaux Le Thémis à e : cet immeuble de bureaux de 10 655 m² figure parmi les sept premiers lauréats du label E+C-décernés en mars 2017, avec des niveaux Énergie 2 Carbone 2. Il repose sur un système constructif mixte en bois béton, avec raccordement au chauffage urbain alimenté par de la géothermie.
Préfigurant la future réglementation environnementale RE2018, le label E+C- oriente la stratégie des industriels de la structure et du gros-œuvre.
Cette année, LafargeHolcim présente Airium à Batimat. Cette mousse minérale à base de produits cimentiers et d'agents moussants dotée d'une faible conductivité thermique - lambda de 0,035 W/(m.K) à 0,06 W/(m.K) - est destinée à améliorer les performances d'isolation des produits en béton. Injectée sous forme liquide dans les cavités ou porosités du béton, elle durcit en quelques heures. Le Groupe France Blocs, constitué de quatre industriels (Alkern, Fabemi, Pradier Bloc et SEAC) s'appuie sur cette solution pour sortir des blocs béton isolants. « On peut ainsi monter la résistance thermique d'un bloc classique de 0,25 m².K /W jusqu' à des valeurs de 1,6 m².K/W, ce qui permet de réduire l' épaisseur de la couche d'isolation ou de gagner des mètres carrés en intérieur », estime Jérôme de Mauroy, directeur marketing du groupe Fabemi.
La mousse de ciment Airium mise au point par LafargeHolcim permet d'augmenter les performances thermiques des blocs de béton.
Cette innovation illustre le virage thermique pris par l'industrie du béton devant les exigences du label E+C-, qui préfigure la future réglementation environnementale RE2018. Si ses niveaux Énergie 1 et 2 restent relativement proches des exigences de la RT2012, ses niveaux 3 et 4 tendent en effet vers le Bepos (voir encadré). D'autres produits récents illustrent cette tendance. Ainsi des bétons isolants structurels. Constitués avec de granulats plus fins que les bétons traditionnels, qui leur confèrent une meilleure résistance thermique, ils offrent une alternative aux rupteurs de ponts thermiques. Les bétons coffrant isolants, dont le coffrage en polystyrène agit, une fois le béton coulé, comme l'isolation du local, figurent également parmi ces solutions nouvelles.
« L'usage de ces produits est amené à se développer avec la réglementation », prévoit ainsi Phillipe Gruat, président de la FIB et du Cerib. Au-delà de la thermique, la future réglementation marquera surtout la généralisation de la démarche d'analyse de cycle de vie pour évaluer l'impact environnemental des matériaux et systèmes du bâtiment. Le label E+C- présente ainsi deux niveaux : carbone 1, relativement facile d'obtention et « symbolique », et carbone 2, plus exigeant. Consciente que la fin de vie représente le talon d'Achille de la filière - pour l'heure, la proportion de granulats recyclés est estimée à seulement 10 % de la production nationale totale - l'industrie du béton s'est lancée dans l'étude nationale Recybéton en 2012.
Achevé cette année, le programme de recherche a montré, chantiers expérimentaux à l'appui, qu'il était possible de fabriquer à partir de granulats recyclés des bétons qui répondent aux exigences des constructeurs en termes de tenue mécanique, de durabilité, de durée de vie des structures et de bon comportement à l'incendie… Et qu'il était possible d'incorporer plus de granulats et de bétons recyclés que les normes en vigueur ne l'autorisent - le taux maximal est de 20 % actuellement. Moyennant des évolutions réglementaires, des bétons plus « recyclés » pourraient donc progressivement voir le jour.
Toutes les filières sont concernées
La filière béton n'est pas la seule à s'activer en vue de la RE2018. La filière de la brique communique aussi largement sur ce sujet. La plupart des fabricants proposent déjà toute une gamme de briques monomur de résistances thermiques variables, avec leurs accessoires pour traiter les ponts thermiques (planelles, linteaux, etc. …). Wienerberger a, par exemple, sorti en 2014 une gamme Clima-Mur deux en un, alliant une brique de terre cuite large intégrant dans ses alvéoles une isolation en laine de roche. Le tout peut afficher des résistances thermiques jusqu'à 5,44 m².K/W.
Wienerberger propose des briques Clima'mur intégrant dans ses alvéoles un isolant pour atteindre des résistances thermiques jusqu'à R = 5,44 m².K/W. L'isolant peut également être injecté sur chantier.
Côté carbone, les industriels optimisent depuis un certain temps leur process à haute température : « L'énergie nécessaire à la fabrication a été abaissée en moyenne de 37 % entre 1990 et 201 4, et les émissions de CO de 35 % », assure Cécile Ducroquetz, responsable développement à la FFTB. Une thèse conduite au sein de la Fédération et publiée en 2016 a par ailleurs démontré la possibilité d'incorporer dans la fabrication une part des sédiments fins naturels qui se déposent chaque année dans les ports, les barrages, les canaux, les estuaires et les zones côtières.
Jusqu'ici, la filière bois a été plus silencieuse sur le label E+C-. Elle lance tout juste une étude en partenariat avec le CSTB portant sur dix bâtiments labellisés, représentatifs de différentes typologies et systèmes constructifs. Objectif d'ici fin 2018 : définir les influences des différents paramètres sur l'obtention du label et déterminer les forces et faiblesses de la filière. « Selon les résultats, nous pourrons faire des propositions en vue de la prochaine réglementation, ou préconiser des évolutions sur certains produits ou procédés de production », explique Julien Lamoulie, ingénieur systèmes constructifs au FCBA.
Au contraire d'un label comme BBCA (Bâtiment bas carbone), le label E+C- sera moins avantageux pour le bois et les matériaux biosourcés en général. La règle de calcul préconisée pour l'ACV oblige à vérifier, lors du bilan carbone, que l'exploitation de la ressource végétale est bien gérée de façon durable, et à prendre en compte le relargage du carbone biogénique contenu dans le matériau lors de sa fin de vie (sous forme de CO2 ou de méthane lors d'une combustion ou de la dégradation, par exemple). « Nous serons peut-être moins avantagés, mais nous restons sereins vis-à-vis de l'évaluation carbone car le matériau est plutôt bon », tempère Julien Lamoulie.
Du reste, beaucoup d'industriels attendent les résultats de l'observatoire E+C- avant de se mettre en ordre de marche. Ces résultats permettront en effet d'affiner les exigences de la future RE2018.
« Pour l'heure, le label E+C- ne pose de seuil que pour le critère des émissions de gaz à effet de serre… Qui n'est qu'une des 26 lignes des FDES ! », avertit Lionel Montfront au Cerib. Une approche multicritère pourrait être favorisée lors de la prochaine réglementation : « C 'est un mauvais choix de se focaliser sur le seul facteur carbone car la conception peut se faire au détriment des autres facteurs, comme la consommation d 'eau, par exemple. »
Miser sur la mixité des matériaux
Sans compter que la réglementation n'aura pas nécessairement un impact majeur sur le choix du système constructif. « Le gros œuvre représente environ 30 % des GES des matériaux de construction, et environ 15 % du total sur le cycle de de vie de l'édifice [calculé sur 50 ans dans les règles E+C-, NDLR]. D'autres facteurs comme le choix des systèmes de chauffage ou le type d'énergie ont également un impact majeur », affirme Lionel Monfront, directeur produits et marchés au Cerib. « Ramenées sur l 'ensemble du cycle de vie, les différences entre les systèmes constructifs tendent à s'estomper », confirme Dominique Millereux, délégué général de l'UICB. Dans cette optique, les approches multimatériaux misant sur les forces et faiblesses de chaque élément pourraient se multiplier. C'est toute l'idée du projet Demodulor, primé au concours de l'Innovation cette année. Mené par le Tremplin Carnot MECD (Matériaux et équipements pour la construction durable), ce projet a identifié quatre systèmes constructifs permettant de maximiser la démontabilité et le réemploi des matériaux en fin de vie.
Hélios à Angers : 36 logements collectifs répartis sur 3 bâtiments. Ce projet figure parmi les sept premiers lauréats du label E+C-, décernés en mars 2017, avec des niveaux Énergie 3 et Carbone 1. Il présente un système constructif en ossature bois, avec chaufferie gaz et installation de panneaux photovoltaïques.
Deux solutions ont ainsi été développées pour un bâtiment tertiaire jusqu'à R+4. La première consiste en un plancher mixte acier-béton dans lequel les dalles en béton préfabriquées sont équipées de « zone de connexion » fixées à l'aide de boulons sur leur poutre acier support. La seconde est une ossature en panneaux de bois maintenus par un assembleur métallique. Les deux autres solutions ont été conçues pour un bâtiment résidentiel en R+1 : des murs de briques en terre cuite précontraints maintenus par des rails métalliques, et un plancher constitué d'un bac acier et de panneaux de bois revêtus de dallettes de béton allégé. Prototype à l'appui, le projet Demodulor a prouvé la démontabilité totale de ces systèmes, ainsi que leurs résistances optimales en terme mécaniques… pour un coût à peine supérieur à des solutions classiques.