Les pieds d’arc ancrés sur des socles en béton souffrent d’une exposition prolongée aux intempéries et aux rejaillissements d’eau.
© (Doc. Plée.)
Une optimisation et un meilleur contrôle des méthodes de production évitent aujourd’hui les désordres dus à la fabrication et à la pose. Les utilisations sont également en adéquation avec les caractéristiques des produits proposés.
Les ouvrages en lamellé-collé sont massivement utilisés en tant qu’éléments de structure, avec une fonction esthétique. Au fil des années, on a pu constater trois types de pathologies : celles que l’on peut qualifier de « réglementaires », celles liées à la fabrication et, enfin, celles dues à une mise en œuvre inadaptée. Provenant de calculs de contraintes de traction admissibles trop optimistes à l’époque, les pathologies dites « réglementaires » ont provoqué des désordres (décollements, fissures) pour des configurations d’ouvrages donnés (poutres bananes, apex…). Dès le début des années 80, les méthodes de calculs ont été affinées et certaines valeurs revues à la baisse. La plupart du temps, les ouvrages concernés sont réparables, soit par la mise en œuvre de renforts (platines, goujons, résines), soit par le dédoublement des parties d’ouvrages les plus sollicitées.
Les problèmes de fabrication concernent surtout les productions les plus anciennes. À l’époque, les réglementations, normalisations et contrôles n’étaient pas aussi développés. Ainsi, de petites entreprises de charpente pouvaient réaliser dans leurs ateliers des éléments en lamellé-collé. Les résultats restaient aléatoires, en fonction de la colle utilisée, des essences retenues, des moyens de collage et enfin des conditions d’humidité et de température du local. Des décohésions ont pu être constatées, du fait de l’emploi de colles mal adaptées, voire de l’usage de colles vinyliques pour la menuiserie.
Mais également du fait de supports mal nettoyés ou avec des défauts de planéité. Là encore, les réparations sont possibles, soit à l’aide d’injection de résines et/ou par la mise en place de platines en contreplaqué rajoutées et boulonnées, de broches collées ou de goujons scellés à l’aide de résines époxy. Aujourd’hui, les process sont très encadrés, et les normes européennes qui se mettent en place définissent avec précision l’interface colle/ouvrage : les colles étant essentiellement des résorcines, des mélamines urée-formol et des polyuréthannes.
Bardage ou couvertine, pour protéger durablement
De plus, les différentes assurances qualité, associées à des certifications comme Acerbois/Glulam (80 % des productions françaises sont aujourd’hui certifiées) garantissent un niveau de prestations élevé. Elles imposent des contrôles stricts et réguliers, particulièrement en termes de respect du process et de résistance à la délamination, à la flexion et au cisaillement. Enfin, le marquage CE – de type certificatif – réduira davantage les risques, déjà très limités.
Les pathologies résultant de conceptions ou de mises en œuvre inadaptées sont plus répandues. Elles sont majoritairement liées aux structures laissées apparentes et sans protection à l’extérieur. Ainsi, les pieds d’ouvrages en lamellé-collé, le plus souvent posés sur des poteaux en béton, ont parfois souffert d’une exposition prolongée aux intempéries et aux rejaillissements d’eau. Un désordre exacerbé pour les pieds d’arc, du fait d’inévitables phénomènes de rétention d’eau. Lorsque les éléments touchés sont considérés comme économiquement irrécupérables, ils sont remplacés sur la partie atteinte par une interposition de ferrures. Lorsque la dégradation est limitée, mais aussi lorsque l’esthétique initiale doit être maintenue, des injections de résines époxy, couplées avec des renforts métalliques, permettent de rendre à la structure ses caractéristiques techniques d’origine. Quelle que soit la technique retenue, il importe de protéger durablement l’ouvrage par un système de bardage ou de couvertines afin de maintenir une ventilation suffisante. Des traitements complémentaires de protection du bois sont également possibles. Pour un usage intérieur (classes 1 et 2), il est courant d’appliquer une lasure précédée (ou non) d’un produit de préservation. En usage extérieur, pour les ouvrages ayant fait l’objet de traitements à cœur, il suffit en général de se limiter à l’application de deux couches de lasure, qui pour rester efficaces, devront être renouvelées au fil du temps.
Les bureaux d’études spécialisés dans le bois aujourd’hui plus nombreux
Les ouvrages en lamellé-collé font rarement l’objet d’erreurs de conception, du fait d’une ingénierie de plus en plus poussée. Serge Lenevé, responsable de la cellule Ciat (1) au Centre technique du bois et de l’ameublement (Ctba) confirme – au travers des expertises – un maximum de 3 ou 4 « accidents » dans l’année. Ces désordres concernent essentiellement des ouvrages déjà anciens, majoritairement exposés aux intempéries et peu ou mal protégés. Il confirme également que de tels problèmes ne peuvent plus survenir, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, les bureaux d’études spécialistes du bois, aujourd’hui plus nombreux, orientent ces projets plus en amont en évitant des expositions non protégées. Ensuite, les maîtres d’ouvrage sont devenus très sensibles aux questions de pérennité, avec une maîtrise d’œuvre qui doit pouvoir justifier ses choix esthétiques et architecturaux, en terme de durabilité. Enfin, ces structures sont de plus en plus souvent intégrées dans des opérations HQE, ce qui implique une réelle prise en compte de la durabilité et des coûts prévisionnels d’entretien. Ces ouvrages, bien que techniquement très aboutis, n’ont pas terminé leur évolution. Des progrès importants sont à attendre du côté des colles qui pourront faciliter, d’une part, l’utilisation d’essences (chêne, châtaignier et certains bois exotiques) et qui possèdent une compatibilité avec les nouveaux produits de traitement des bois, tout en améliorant la productivité en fabrication.
La technique des goujons collés : une importante évolution
Les performances mécaniques, et particulièrement la résistance à la flexion, s’améliorent régulièrement grâce à l’adjonction d’éléments de carbone, de métal ou de fibre de verre. Ainsi, les sections pour éléments de grande longueur diminuent. Les bois massifs reconstitués (BMR) vont rendre économiquement viables des poutres de petites et moyennes longueurs (jusque 7 m). Le lamellé-collé « classique » ne se justifiait pas auparavant pour les petites portées, alors qu’il s’agit d’un domaine d’application très vaste en habitat (planchers, pannes faîtières, panneaux supports de couverture, mezzanines). Alors que le lamellé-collé utilise des lamelles d’une épaisseur maximale de 44 mm, les BMR atteignent 80 mm, avec des produits parfaitement homogènes, stabilisés et financièrement plus accessibles. Enfin, la technique des goujons collés représente une évolution très importante, sur les plans esthétique et mécanique. En effet, ce principe qui consiste à noyer le goujon dans l’épaisseur du bois rend les assemblages totalement invisibles, avec des performances mécaniques supérieures. Actuellement, différents laboratoires finalisent des tests de vieillissement accéléré, particulièrement pour les colles servant à fixer les goujons. Si ces tests s’avèrent positifs, les structures lamellé-collé vont franchir une nouvelle étape en termes d’esthétique et de performances mécaniques, avec l’aide des centres d’usinage, en plein développement, qui apportent une précision inédite. Comme le précise Dominique Millereux, secrétaire général du Snccblc (2) : « Il ne faut pas oublier que ces ouvrages, même s’ils sont très performants, sont constitués de bois avec les avantages et les limites de ce matériau ». Il est donc indispensable d’appliquer des règles qui permettent de protéger durablement l’ouvrage. À titre d’exemple, il cite le cas de ponts en bois aux États-Unis qui ont pu résister durant des décennies, sans désordres, simplement parce qu’ils étaient couverts, correctement protégés des intempéries et suffisamment ventilés.
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