Très élevé, le taux d’indisponibilité des ascenseurs en témoigne : l’entretien est trop souvent effectué au rabais. Aussi les bailleurs sociaux modifient-ils leurs appels d’offres.
Quitter la spirale de la dégradation et revenir à des prestations de qualité avec un suivi technique efficace : telle est la demande des bailleurs. Pendant des années, les grands ascensoristes se sont concurrencés, en pratiquant les prix les plus bas possibles. Ce « dumping technique », associé à une logique de rentabilité financière, a abouti à une maintenance dégradée, des équipements mal réglés, une perte de savoir-faire et, plus grave, des incidents à répétition. Selon Carl Valeau, directeur du patrimoine et du développement durable chez Paris Habitat-OPH, cela ne peut plus durer : « Les ascensoristes se contentent des deux contrôles annuels obligatoires sur le parachute et l’usure des câbles, les visites périodiques - toutes les six semaines - étant limitées à un passage de quelques minutes sur l’appareil. »
Dans un premier temps, le législateur a travaillé à la mise aux normes des ascenseurs. La loi Urbanisme et habitat du 2 juillet 2003, dite « de Robien », a défini 17 dispositifs de sécurité visant à réduire les principaux risques d’accident, avec des objectifs de travaux à l’échéance de 2010, 2014 et 2018. Les propriétaires ont alors investi massivement ; en moyenne, près de 20 000 euros par appareil. Mais ces travaux ne suffisent pas pour éviter les pannes à répétition, trop souvent résolues au coup par coup, sans analyse des problèmes.
Cinq obligations
Dans un deuxième temps, les bailleurs ont donc défini cinq obligations, afin de rehausser la qualité des prestations :
- garantir la sécurité ;
- informer les usagers ;
- adapter la prévention des pannes, la qualification et la formation des intervenants selon la typologie des appareils ;
- limiter la maintenance préventive à 90 appareils par technicien, contre 120 habituellement, garantir des interventions adaptées à la typologie des appareils ;
- assurer la continuité de service et chasser les pannes récurrentes, obliger les ascensoristes à réaliser des interventions complètes avec la remise en service des appareils, y compris le week-end.
Repris sous la forme d’un cahier des charges, ces cinq points sont détaillés dans le référentiel de l’Association exigence ascenseurs (AEA) signé en novembre 2013 par 23 bailleurs sociaux, quatre associations de locataires et un collège regroupant les associations professionnelles (Coprec, Cofna, Fiebca et Mase) [*], la caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France (Cramif) et l’Aorif (union sociale pour l’habitat d’Ile-de-France). Seul point noir : la Fédération des ascenseurs préfère, pour l’instant, rester en retrait.
Appel d’offres unique
Plusieurs bailleurs se sont déjà engagés dans la démarche, comme Paris Habitat OPH, qui gère 5 260 ascenseurs de toutes tailles et de tous types (soit 1 % du parc national de 530 000 appareils). La Société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris (Siemp) s’est lancée dès 2008. À l’époque, elle possédait 234 ascenseurs dont la maintenance était assurée par dix prestataires. « Pour réduire leur nombre, notre première action a consisté à synchroniser l’échéance des contrats », relate Madani Hammoum, responsable de la mission « coordination technique ». Jusqu’alors, ceux-ci étaient répartis en trois lots. Depuis le 1er janvier, un appel d’offres unique (incluant la maintenance totale, les réparations en cas d’actes de vandalisme et les travaux de mise aux normes) regroupe en un seul lot la totalité du parc, soit 294 appareils pour une durée de quatre ans. Quatre sociétés ont été sélectionnées (Afem, Otis, Schindler et Thyssenkrupp), selon des critères de valeur technique, de performance et de cohérence avec le bordereau des prix de travaux. « Un critère important, puisque nous possédons ainsi le détail des prix pratiqués pour la maintenance, les travaux et le temps passé », poursuit Madani Hammoum.
Tableau de bord
Thyssenkrupp a remporté le marché, avec un prix moyen de 1 550 euros par ascenseur, ce qui représente un surcoût de l’ordre de 40 % par rapport aux anciens contrats. Les cinq obligations établies par l’AEA y figurent, enrichies de spécificités : une maintenance de type « P3 transparent » ; un bonus-malus sur les performances (lire ci-contre) ; une redevance annuelle par appareil pour anticiper le remplacement des pièces en fin de vie ; l’obligation de changer préventivement les composants susceptibles de tomber en panne ; un bilan annuel des prestations du point de vue de la qualité et du coût ; enfin, un audit complet des équipements en sortie de contrat.
Condition indispensable à un tel projet : le contrôle de l’exploitation par un système de télésurveillance indépendant, de type gestion technique centralisée (GTC). Depuis 2011, tous les ascenseurs de la Siemp sont connectés au service Getraline (coût : 20 % du montant du contrat de maintenance). Le bailleur bénéficie ainsi d’un tableau de bord en temps réel du fonctionnement de son parc, des pannes et temps d’immobilisation.
Aujourd’hui, les techniciens passent davantage de temps sur les appareils : chacun gère 90 ascenseurs et prend le temps de rechercher les pannes à répétition. Cela améliore nettement la qualité des prestations. Selon Madani Hammoum, les premiers résultats s’avèrent encourageants : « Nous avons tous investi dans la qualité : la Siemp financièrement, l’ascensoriste du point de vue des performances. »