La délicate légèreté d’une surélévation en ossature bois

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La délicate légèreté d’une surélévation en ossature bois

Conçue il y a 50 ans, cette maison d’architecte ne présente aucun désordre, ni fissuration. Cependant, son extension a connu une mise en œuvre problématique, dont les premières malfaçons commencent à apparaître.

1 PROGRAMME Une construction cohérente architecturalement

Cette belle maison, dessinée par Alain-Michel Cabanne, s’inspire de la modernité des années soixante, aux États-Unis. En 1964, c’était une de ses premières commandes. Il l’a réalisée dans un esprit très américain, avec de larges baies vitrées, de grosses dalles noires au sol, un escalier extérieur. Structurellement, elle est construite sur pilotis en raison du caractère inondable du terrain situé sur l’île de Vaux, en bord de Seine (78).
Le bâti repose sur une trame de sept poteaux en béton armé, réalisés par coffrage. Avec une bizarrerie : la trame est régulière, sauf à l’ouest, où pour des raisons d’architecture intérieure, il manque un poteau. Dans ce coin, les façades et la toiture sont donc en porte-à-faux. Au rez-de-jardin, l’assemblage est contreventé par plusieurs murs, dont le support de cheminée. Cet espace, conçu pour être étanche, regroupe quelques locaux de services et le bloc technique.
Tous les lieux de vie sont à l’étage. Les intérieurs sont en parement de bois. Curiosité : le plafond est recouvert à 50 cm par un plénum qui abrite un réseau de chauffage par air pulsé. L’ensemble reste très résistant, puisque après 49 ans, la structure ne souffre d’aucune fissure, ni ruptures ou tassement.
En 2009, les propriétaires ont souhaité réaliser une extension de type penthouse, avec une chambre et une salle de bains, un dressing et une terrasse. Mais comme la réglementation en vigueur sur l’île interdit toute extension de l’emprise au sol, seule la surélévation était envisageable. La hauteur maximale autorisée de 9 mètres est suffisante, puisque la toiture d’origine ne dépasse pas les 6 mètres.
« La maison est cohérente architecturalement, il y avait donc deux options, raisonne l’architecte Stéphane Berthier. Un, exploiter la même géométrie et reprendre la même forme orthogonale ; mais cela aurait été incongru. Deux, réaliser une forme différente, originale, qui permette de lire la maison d’origine. Et ainsi, mettre en valeur l’époque actuelle avec d’autres matériaux et d’autres techniques. » Alain-Michel Cabanne a donné son accord sur cette seconde option.

2 ÉTAT DES LIEUX Trois modules en forme de ruban

Concevoir et réaliser un projet de surélévation nécessite une attention de tous les instants. Le bâti existant peut être fragile, voire instable.
Il faut donc, avant toute esquisse, établir un diagnostic complet des charges supportées par la structure. Cela pour se libérer des contraintes, et concevoir un projet dans les règles fixées par le calcul des structures. C’est ce qui a été fait.
Les évaluations de charges à la base des poteaux donnent des valeurs de 38 à 42 tonnes pour les semelles les plus chargées. Selon la note de calcul établie par l’ingénieur structure, les descentes de charges après surélévation ne devaient pas dépasser 41 à 44 tonnes. Soit une augmentation de 3,8 à 8,5 % maximum à la base des poteaux. Compte tenu de ces constatations, pour être fiable, le projet ne devait pas dépasser 5 % de surcharge. Seule la pose d’une coque légère, en plastique ou en bois, répondait à ce cahier des charges. Pour des raisons architecturales, c’est finalement le bois qui a été choisi. La seconde opération technique a consisté à installer une règle, afin de vérifier les niveaux. L’architecte et l’ingénieur structure se sont alors aperçus que la diagonale horizontale de la toiture affichait une différence de 17 cm en altitude.
Après un examen approfondi, le bâtiment n’ayant subi aucun tassement, ni sinistre de structure, ils sont arrivés à la conclusion que l’origine de cette différence est davantage liée à un défaut de construction plutôt qu’à un tassement. Ou encore, hypothèse non-validée, la création volontaire d’une pente pour faciliter l’évacuation des eaux de la terrasse existante. Lors de travaux, cette pente a été rattrapée en coulant une chape en béton allégé. Cela a nécessité d’enlever l’ancienne étanchéité bitume qui était en parfait état. Ne connaissant pas les plans de ferraillage du toit et par sécurité, deux solives métalliques (IPN) ont aussi été posées en cours de travaux, sur toute la longueur de toiture. But : répartir les charges à l’aplomb des poteaux existants.

Un bois traité par oléothermie

La surélévation est réalisée en trois modules bois arrondis en forme de ruban, préfabriqués en usine et montés sur place : un grand module au centre pour la chambre, et deux modules latéraux extérieurs pour la salle d’eau et la terrasse. L’ossature est agencée en poteaux poutres avec une subtilité pour les arrondis qui sont réalisés avec une charpenterie de marine recouverte de panneaux de bois OSB (Panneau de lamelles minces, longues et orientées) qui épousent la courbe. Tous les extérieurs sont traités en pin Douglas, un matériau qui résiste très bien au temps et possède d’excellentes propriétés mécaniques. En toiture sous forme de lattis, ou pour la bordure extérieure en tasseaux, les éléments soumis aux intempéries ont été traités par oléothermie. C’est un procédé non-chimique, mis au point par une jeune société innovante, Oléobois, et qui consiste à tremper le bois dans des bains d’huile chaude. Le matériau ensache les molécules d’huile et devient résistant à l’humidité.

3 BILAN Une mise en œuvre problématique

Le résultat final est élégant et original. La rupture de forme entre le premier et le deuxième étage fonctionne parfaitement. Le tempérament d’une maison d’architecte est respecté. L’ensemble de la réalisation correspond à la demande initiale du maître d’ouvrage. Enfin, les calculs de structure et la conception architecturale ont été correctement réalisés : aucun sinistre, ni désordre grave n’est observé. La Réglementation thermique (RT 2005 à l’époque de l’extension) est respectée. La surélévation bénéficie d’une isolation efficace qui réduit les déperditions thermiques de l’étage inférieur. De l’intérieur à l’extérieur, la nouvelle couverture intègre des pannes de bois massifs recouverts de BA15, un isolant en laine minérale doté d’un pare-vapeur, une étanchéité bitumineuse, une chanlatte avec une échelle support de surtoiture, et un lattis bois en surface.
Mais si la conception du projet a bien été conduite, c’est sa réalisation qui a posé problème. Lors de l’appel d’offres, devant la difficulté et peut-être les risques de malfaçon, plusieurs entreprises de gros œuvre n’ont pas désiré soumissionner pour ce chantier. Celle qui a été retenue, faute de mieux, ne semble pas avoir possédé un savoir-faire suffisant. Les ouvriers ont appris la technique au fur et à mesure de la pose. Les quantités nécessaires de bois ont mal été calculées et il y a eu de nombreuses ruptures d’approvisionnement. Résultat : les travaux prévus initialement pour durer quatre mois ont finalement été réalisés en treize mois. Autre souci : « même quand l’entreprise est fiable, la tendance à pratiquer la sous-traitance avec des prestataires moins engagés techniquement est trop courante », déplore le maître d’ouvrage.
Mis à part les travaux de plomberie, d’électricité et la réalisation de l’escalier intérieur, on observe déjà plusieurs manquements, malfaçons ou matériaux non-conformes aux règles de l’art.

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