Au 1er mai 2011, l’Eurocode relatif aux constructions parasismiques devient réglementairement obligatoire en France. Son annexe nationale avait été publiée début 2008.
Publié pour l’Europe en six volets entre septembre 2005 et mars 2007, l’Eurocode 8 précise la conception et le calcul d’une structure parasismique, indépendamment du matériau (bois, acier, béton, aluminium..).
Cet Eurocode n’est pas autonome en soi. Outre le poids du bâtiment ou de l’ouvrage, la charge climatique 2D (vent et neige, trafic, température, etc.) est dictée par l’Eurocode 1 et la combinaison des coefficients des différents efforts est donnée par l’Eurocode 0, qui détaille la base du calcul des structures.
Pour chaque matériau, le calcul de dimensionnement est décrit par un Eurocode, EC2 pour le béton, EC3 pour l’acier, EC4 pour les structures mixtes acier-béton, EC5 pour le bois, EC6 pour la maçonnerie, EC9 pour l’aluminium et EC7 pour les structures géotechniques.
Au nombre de dix, ces Eurocodes ont été rédigés par le Comité européen de normalisation (CEN). L’objectif était que les différents pays européens mettent en place les Eurocodes au plus tard en mars 2010, avec quelques exceptions. Ils sont rentrés progressivement en application, en France, en remplacement de la norme Bael
Trois niveaux de ductilité autorisés
Le mode de calculs pour l’Eurocode 8 - l’analyse modale spectrale - est relativement semblable sur le fond avec la norme PS92. Déjà préconisé auparavant, ce code est exploité avec l’Eurocode avec davantage de précisions et un niveau de détails plus poussé. Les approximations changent, ainsi que les coefficients utilisés pour calculer les sollicitations. Par ailleurs, non seulement la nature des éléments de l’ouvrage est prise en compte, mais aussi leur type (portique, treillis, porte...). Une des nouveautés est la prise en compte plus précise de la ductilité et du comportement du matériau.
Avec la norme PS92, le choix a été fait d’une ductilité moyenne, alors qu’avec l’Eurocode, il existe trois niveaux de ductilité. Le concepteur d’une structure parasismique a, en effet, le choix entre deux grandes approches. Un bâtiment rigide et résistant avec une structure non-ductile, pourra résister sans nécessiter de réparations. En revanche, si le seuil calculé est dépassé, la structure peut s’écrouler brutalement.
L’alternative est de concevoir un bâtiment qui comporte des éléments ductiles, capables en se déformant de dissiper une énergie considérable, sans que la structure ne s’effondre. La structure pouvant avoir des sections plus faibles, l’ouvrage est aussi plus économe à fabriquer, mais de petites réparations peuvent être nécessaires, à la suite de séismes modérés. Par ailleurs, une résistance résiduelle est garantie, même si la structure se dégrade. Le fait que le bâtiment ne s’effondre pas rend possible une évacuation.
Cet endommagement maîtrisable résulte d’une démarche plus structurée, qui est encouragée dans l’EC8. Les fondations doivent résister davantage que les poteaux et extrémités des murs (éléments verticaux), qui eux-mêmes, doivent mieux résister que les poutres (éléments horizontaux).
Hiérarchie des modes de rupture
La qualité de la simulation en EC8 est aussi améliorée avec l’introduction de l’analyse statique linéaire en poussée progressive (ou « push over »), qui vise à évaluer de manière plus réaliste la capacité de résistance sous l’effet d’un séisme. L’hypothèse initiale consiste à appliquer à la structure une force caractéristique de l’action sismique de manière non-linéaire, avec une distribution d’accélération donnée en fonction de la hauteur et d’intensité croissante. Le calcul est simplifié par rapport à une analyse dynamique.
Mais la plus grande nouveauté vient certainement du dimensionnement en capacité (ou capacity design) qui n’était pas explicite en PS92, associé au concept d’assemblages dissipatifs.
Cette approche développée dans les années 80 en Nouvelle-Zélande, s’est répandue de par le monde, au prix de calculs encore plus nombreux. En faisant le choix d’une structure ductile, le dimensionnement en capacité peut être appliqué. Cette méthode sert à prédéterminer des zones critiques, où l’énergie va se dissiper de façon optimale, par exemple avec des rotules en plastique. Pour maîtriser l’endommagement, le dimensionnement en capacité sert aussi à hiérarchiser les modes de rupture, en éliminant les sources potentielles de rupture brutale. Il faut pour cela s’assurer que les modes de plastification ductile des zones critiques qui assurent l’absorption et la dissipation d’une grande quantité d’énergie, apparaissent bien avant les modes de rupture fragile par cisaillement. L’idée est d’éviter la perte rapide de résistance globale de la structure, à partir d’un certain seuil d’agressions, ce qui conduit à privilégier certaines méthodes constructives et à en proscrire d’autres. Par exemple, pour les éléments de maçonnerie, la modélisation du bâtiment montre l’intérêt de mettre en place des règles de chaînage, avec du béton armé autour de la maçonnerie. En effet, du parpaing seul tenu par du mortier risque de se disloquer en morceaux en cas de séisme.
EC8 : un dimensionnement différent de la norme PS92
Globalement, les différentes familles d’Eurocodes prennent mieux en compte les caractéristiques plastiques des matériaux. Le calcul non-linéaire, qui en résulte, est plus complexe. Du coup, il devient plus difficile d’exploiter le résultat et de comprendre pourquoi le dimensionnement diffère de celui obtenu avec la précédente réglementation. Par exemple, le résultat du dimensionnement avec les Eurocodes d’une poutre continue multitravée avec plusieurs appuis, va donner une section plus faible qu’avec les anciens codes de calcul. Autre exemple : le coefficient de comportement des murs porteurs en béton armé est plus élevé, ce qui paraît favorable. « En réalité cela devient plus complexe à valider, estime Emmanuel Lagardette, responsable avant-ventes Robot chez Autodesk. Ce n’est pas sécurisant pour le bureau d’études. Afin de déterminer si le résultat obtenu est le fruit d’une erreur, ou si un gain de matière est possible, il faut bien comprendre les nouveaux codes. » D’où l’indispensable période transitoire de coexistence des deux réglementations. 1- Norme Bael : Béton armé aux états limites.