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Le conseil général est désormais opérateur d’Ehpad. Gros plan sur cette expérience pionnière, et les moyens mis en œuvre pour réduire le tarif d’hébergement, sans sacrifier la qualité.
Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) coûtent cher. C’est d’ailleurs une volonté des pouvoirs publics que de les rendre financièrement plus accessibles. Parmi les pistes explorées, le groupe privé Korian avait fait grand bruit en 2011, en annonçant le lancement d’un concept d’Ehpad « low cost », baptisé « Korian Essentiel ». Les économies étaient notamment générées par un processus d’industrialisation, avec la construction des chambres en usine. D’une surface de 19 m2 (dont 3 m2 pour la salle de bains), chaque chambre devait être livrée prête à l’emploi et assemblée sur place, comme dans un jeu de construction. La première expérimentation était programmée au Teilleul, dans la Manche, avec un prix par résident inférieur à 60 euros la journée. Elle n’a finalement pas vu le jour. Korian, que nous avons contacté mais qui n’a pas donné suite, reste depuis très discret sur les raisons de cet abandon.
« Le sujet est tabou, confie Claudy Jarry, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées [Fnadepa]. Hormis Korian, il n’y aurait, à ma connaissance, pas d’autre opérateur sur ce créneau de l’industrialisation, même si tous cherchent à réduire les coûts. Mais l’impact de la construction est finalement marginal. L’essentiel des économies est à trouver ailleurs. » Un avis partagé par le conseil général de l’Essonne, qui gère des Ehpad publics depuis plus de vingt ans et s’est engagé dans la construction d’établissements « low cost ». « Les dépenses de personnel représentent 70 % du budget, indique Jamil Adjali, directeur des Ehpad publics départementaux ; l’exploitation, 19 %. Et le coût du bâtiment et de son exploitation seulement 11 %. Cela n’aurait pas de sens de chercher à faire des économies drastiques sur 11 % de l’ensemble des dépenses, d’autant plus que l’image de l’établissement dépend aussi de la perception de la qualité du bâti et des espaces intérieurs ».
Les deux Ehpad que vient d’ouvrir le département affichent le tarif le plus bas d’Île-de-France : 60 euros par jour, au lieu de 80 euros en moyenne. Pourtant, les bâtiments et les équipements techniques sont de qualité : rail pour lève-personne dans chaque chambre, cuisine sur place, etc. Aucune économie n’a véritablement été dégagée lors de la phase de construction.
L’acte de construire a malgré tout une incidence sur le tarif d’hébergement. Un bâtiment bien conçu permet en effet d’optimiser les coûts d’exploitation et de maintenance. La conception BBC de l’établissement, tout d’abord, alors que s’appliquait la RT 2005, contribue à réduire les charges de chauffage, traditionnellement élevées en maison de retraite. La production d’eau chaude sanitaire est fournie en partie par le solaire ; l’appoint est assuré par la chaufferie gaz. L’électricité reste classique. Tous les locaux autres que les chambres et les salles de soins sont équipés de détecteurs de présence pour optimiser les consommations.
Matériaux de premier choix
Concernant le choix des matériaux, aucune économie n’a été réalisée. « Nous hébergeons des personnes âgées dépendantes ; nombre d’entre elles circulent en fauteuil roulant. Toute la journée, nos agents se déplacent avec des chariots pour distribuer les plateaux du petit-déjeuner, le linge, etc. L’Ehpad est un type de bâtiment soumis à un fort risque d’usure. On ne peut pas se permettre d’utiliser des matériaux de finition bas de gamme ou moyenne gamme, sauf à engager ensuite des rénovations coûteuses », explique Jamil Adjali. Dans cette optique, des protections en plexiglas sont par exemple systématiquement mises en place dans les ascenseurs.
Ascenseurs, groupes électrogènes de secours, climatisation… difficile de réaliser des économies sans nuire au confort des résidents. Le seul gisement concerne la maintenance, qui doit être prise en compte dès la conception. « Il faut privilégier des matériels standardisés pour pouvoir mettre en concurrence les prestataires qui assureront la maintenance. Être captif d’une technologie ou d’une marque est facteur de surcoût, à moyen terme », estime le directeur des Ehpad publics de l’Essonne.
Économies d’eau
Les économies passent également par l’externalisation de certaines prestations : ménage, lavage du linge, restauration. Pour le ménage, il est intéressant de prévoir, dès la conception, des meubles suspendus dans les chambres, afin de gagner du temps lors du nettoyage. Ce qui a été effectué dans les Ehpad de Morangis et de Courcouronnes, et était prévu dans le concept « Korian Essentiel ». Pour le linge, les économies d’eau et d’énergie sont substantielles. « Le tonnage de vêtements et de linge à laver dépasse 1 300 kg par semaine. Le coût de revient est moindre lorsque cette prestation est externalisée ; d’autant qu’il faudrait acheter et entretenir le matériel d’une lingerie. Autre avantage : avoir une ligne budgétaire respectée, grâce au paiement d’un forfait annuel. » Pour les repas, en revanche, aucune économie n’est réalisée : la cuisine est faite sur place et les équipements appartiennent à l’Ehpad qui fait venir cuisiniers et denrées alimentaires.
Tous les achats d’équipement technique sont par ailleurs regroupés. « Nous travaillons avec une centrale d’achat. Nous achetons du matériel (lit médicalisé Alzheimer, lève-malade, etc.) de très bonne facture pour un prix moyen. Là encore, nous ne choisissons pas les produits aux prix les plus bas, mais plutôt des produits de qualité à coût maîtrisé. »
La mutualisation du personnel technique et administratif constitue un dernier levier. « Il faut des solutions informatiques et techniques standardisées. La standardisation des organisations passe par la standardisation des outils », indique Jamil Adjali. Pour la gestion technique du bâtiment par exemple, le personnel technique a été réduit en externalisant toute la maintenance et les interventions. Un seul agent se trouve sur place. Pendant deux tiers de son temps de travail, il assume les fonctions d’agent logistique ; pour le dernier tiers, celles d’agent technique. Entrent dans ses compétences, la relation avec les techniciens sous-traitants, la réalisation de petites réparations et le contrôle du système de sécurité incendie.