L’autoconsommation au secours du photovoltaïque

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L’autoconsommation au secours du photovoltaïque

À Pantin (Seine-Saint-Denis), la production des 800 m 2 de la centrale photovoltaïque de l’immeuble de bureaux « Bonne énergie » est autoconsommée à 80%.

© (Doc. Fassio Viaud Architectes)

Au sein d’un marché en crise, avec la parité réseau qui s’annonce, l’autoconsommation fait son apparition au travers de programmes pilotes. Explication de ses principes techniques.

Les bâtiments en autoconsommation électrique commencent à voir le jour (Sdem en Bretagne, Immeuble « Bonne énergie » à Pantin, Hikari à Lyon…) et les appels à projets régionaux se multiplient. Au sein d’un marché du photovoltaïque sinistré, les fabricants font évoluer leurs offres et proposent des kits prêts à l’emploi pour le marché du résidentiel, avec un automate de gestion de l’énergie et parfois un petit stockage. Dans les appels à projets régionaux, le taux d’autoconsommation minimum demandé « sera de 70 % et le stockage sera autorisé uniquement pour accroître la part d’autoconsommation au-delà de 70 % », peut-on lire.

Jusque-là, en France, la puissance publique encourageait les installations où l’électricité était entièrement revendue sur le réseau. Mais avec la baisse du tarif de rachat par EDF, la parité réseau, c’est-à-dire le moment où il sera plus intéressant de consommer sa propre électricité plutôt que de la revendre, est attendue d’ici à deux ans.
Pour l’utilisateur, la rentabilité de l’installation va venir de sa part d’autoconsommation et pour les gestionnaires de réseau, l’enjeu est d’organiser l’effacement de certains consommateurs lors des pics de consommation, dans le cadre des smart grids. Le solaire photovoltaïque rejoindrait dans son mode de consommation le solaire thermique, qui est autoconsommé et stocké dans les ballons d’eau chaude.

L’autoconsommation par défaut

Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler que l’autoconsommation est en premier lieu une problématique tarifaire, voire juridique. « D’un point de vue physique, l’autoconsommation ne présente aucune différence avec la revente, souligne Clément Brossard du BE System Off Grid. L’autoconsommation existe uniquement à travers le point de raccordement de cette centrale et son positionnement par rapport aux compteurs : la centrale est raccordée sur le réseau, côté propriétaire, donc en aval du compteur de consommation. En ce sens, cette technique permet de diminuer la consommation en provenance du réseau public et les factures associées. »
• Double comptage. Le premier niveau de complexité technique est celui d’une installation PV (ou éolienne) raccordée au tableau électrique avec un double comptage. Dans le cas des appels à projets, l’installation doit ainsi être instrumentée avec un compteur de production, posé en série sur le raccordement existant, tête-bêche par rapport au compteur de consommation. À noter que l’électricité produite localement, qui n’est ni consommée ni stockée, et qui se trouve en surplus, est généralement cédée gratuitement au réseau.
• Décalage de la consommation et stockage. À un niveau supérieur de complexité, deux facteurs améliorent le taux d’autoconsommation, le décalage de la consommation et le stockage. « La première action est d’installer un logiciel de pilotage énergétique, qui décale les charges en fonction de la production, ce qui s’avère assez simple sur le plan technique, résume Raymond Alazard, expert chez Socomec. Avec le stockage s’ouvre une autre dimension technologique. C’est le sujet qui mobilise le plus les chercheurs et qui offre de nombreuses possibilités, notamment l’effacement en cas de pic de consommation. »

Des onduleurs pour assurer la qualité

L’architecture à mettre en place nécessite la présence d’un onduleur, crucial pour le rendement et la sécurité. Celui-ci est placé en aval du générateur photovotaïque ou éolien. Les onduleurs peuvent intégrer un transformateur à séparation galvanique, plus sûr. Les entrées de courant continu (CC) peuvent être reliées à la terre, mais le rendement ne dépasse pas 96 %.
Ils peuvent aussi ne pas intégrer de transformateur. Plus légers et moins coûteux, leur rendement peut alors atteindre 98 %, mais du fait de l’absence de protection galvanique, la réglementation impose un système de coupure automatique en cas d’injection de CC dans le courant alternatif, en sortie d’une valeur supérieure à 1 % du courant nominal.
Les onduleurs assurent des fonctions de sécurité, de coupure, par exemple, en cas d’incendie, et doivent aussi protéger d’une surtension, faisant fonction de parafoudre.
D’un point de vue commande, l’onduleur est dépendant du réseau public. Il reçoit en permanence un point de référence de ce réseau qui lui permet de produire un courant compatible. Pour les installations qui souhaitent fonctionner en mode autonome complet, il faut ajouter à l’architecture un onduleur spécifique qui donne la référence, venant soit d’ERDF, soit du bâtiment en cas de black out du réseau.
Enfin, certains onduleurs intègrent une fonction de stockage, habituellement l’équivalent d’une heure de consommation, ce qui leur permet de garantir la qualité du courant produit, mais aussi d’assurer un rôle d’effacement pour passer un pic de consommation.

Le BMS (Battery Management System)

Dans le cas de la présence d’une batterie pour le stockage, le gestionnaire de batterie ou « BMS » est une autre brique importante de l’architecture. Les batteries sont coûteuses et leur durée de vie réelle est fondamentale pour juger de la rentabilité d’une installation. « Trois caractéristiques importantes d’une batterie sont : la performance, la sûreté et le vieillissement ; les trois étant affectés par la température, explique Gaetan Damblanc, expert batterie chez CD-Adapco, éditeur de logiciels de simulation. Une partie extrêmement complexe est la chimie du vieillissement, où tout n’est pas connu et qui demande de continuer à développer des modèles de simulation. »
Le fonctionnement de la batterie et sa durée de vie sont optimisés avec la surcouche BMS qui gère au mieux la température et les cycles de charge et décharge. Le français Saft équipe en stockage plusieurs projets pilotes de smart grid. Ce spécialiste de la batterie Li-ion fournit des systèmes complets avec les connexions et le contrôle batterie qui gère la température, en fonction des besoins utilisateurs et en s’adaptant à la température et à l’humidité. Saft s’est associé à Schneider Electric pour développer une solution de stockage d’énergie électrique (EESS) intégrant les systèmes de conversion électrique et les batteries, et permettant d’optimiser son autoconsommation d’ENR. La première commande de ce système émane du Syndicat départemental d’énergies du Morbihan (Sdem).

Le gestionnaire d’énergie ou « EMS »

Augmenter le taux d’autoconsommation s’obtient en actionnant différents leviers, tels que le décalage de la consommation (reporter le démarrage d’une machine à laver, par exemple) ou le stockage/déstockage. Un simple automate peut décider d’envoyer l’électricité produite vers le tableau électrique ou vers le stockage en fonction des besoins, ou de mobiliser le stockage.
Quand le système devient plus complexe, on peut faire appel à un gestionnaire d’énergie ou EMS (Energy Management System) qui exploite des données telles que les mesures issues du comptage, le profil de consommation, le prévisionnel de production en fonction des données météo, pour piloter les flux d’énergie, dont la batterie, via le BMS, ainsi que les différents équipements connectés via des automates.
Dans le bâtiment du Sdem (Morbihan), le cœur du système est constitué par le PMS (Power Management System) mis en place par Schneider Electric. En lien avec la GTB, le PMS gère les flux d’énergie, la production locale d’ENR, la connexion au réseau électrique, le stockage batterie (dont celles des véhicules électriques) et l’autoconsommation.
Autre exemple avec Bosch présent sur le marché de l’habitat individuel avec un pack d’autoconsommation tout intégré, mais aussi actif sur des projets à plus grande échelle, allant jusqu’à plusieurs MWh de stockage. Outre la surcouche BMS, le fabricant développe sur ses projets « un EMS configuré à façon qui optimise sa stratégie presque en temps réel », précise Jean-Marc Auffret, directeur des ventes France de Bosch Solar Energy. L’EMS travaille à partir des données météo, de profils de consommation, afin de répondre aux besoins des utilisateurs, mais aussi de l’opérateur réseau, comme maintenir en fréquence, faire de l’écrêtage ou de l’injection la plus linéaire possible…

Qui pilote l’installation ?

Le stockage et le décalage de consommation sont des leviers qui peuvent servir pour l’autonomie énergétique du particulier ou pour contribuer à l’équilibre du réseau. Les programmes (Millener, Nice Grid…), ou certains projets pilotes, comme celui du Sdem, sont situés dans des presqu’îles énergétiques (région Paca, Bretagne) ou des îles (Corse, DOM-TOM…). Grâce au stockage et à l’autoalimentation obtenue avec les énergies renouvelables, leur objectif est de savoir effacer les pointes de consommation en hiver, de lisser les courbes de charge, ou de maintenir la fréquence du réseau. Mais ils se posent de nombreuses questions. Ainsi, selon Raymond Alazard : « Le stockage sur Nice Grid doit contribuer au plan de tension du réseau, afin de parer aux fluctuations et aux défaillances en bout de ligne. Avec un onduleur statique, on sait produire une énergie avec la qualité demandée par le gestionnaire. En revanche ERDF veut, par exemple, que l’on puisse mobiliser 10 à 15 % de ressources en plus en cas de besoin, ce qui pourrait être obtenu en mobilisant le stockage. Mais comment piloter, coordonner et rémunérer cette production décentralisée ? » La question reste en suspens.

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