En ville, les couvertures constituent l’un des derniers espaces verts potentiels.
PIERRE GEORGEL vice-président de l’Adivet, architecte-paysagiste et urbaniste, travaille au développement des surfaces végétalisées en milieux urbain et rural. Apport indéniable à l’amélioration du cadre de vie, la végétalisation s’inscrit dans la démarche de développement durable.
Créée en 2002, l’association pour le développement et l’innovation en végétalisation extensive de toiture (Adivet) travaille à la promotion des toitures végétalisées. L’association œuvre à actualiser les textes et règlements d’urbanisme et à promouvoir des mesures incitatives afin d’intégrer la végétalisation dans les réflexes des constructeurs. Ses membres, fabricants d’étanchéité, de systèmes de végétalisation, industriels, prescripteurs, entreprises de jardins, étancheurs et institutionnels, travaillent pour que la végétalisation de toiture fasse partie intégrante des documents d’urbanisme et qu’elle soit incluse dans un pourcentage d’espaces verts.
CONSTAT
CTB : Quelle est la situation des toitures végétalisées en France ?
P. G. : En France, la surface de toitures végétalisées posées en 2007 oscille entre 350 000 et 400 000 m2, soit une croissance d’environ 35 % par rapport à 2006. Comparé aux 22 000 000 m2 de toitures étanchées cette même année, cette part reste faible quand on considère l’Allemagne qui en pose 14 000 000 m2 par an. Alors que la technique est éprouvée, la végétalisation extensive de toiture est une pratique récente, encore peu développée en France. À l’inverse, en Suisse ou en Scandinavie, les complexes végétaux représentent 10 à 20 % des couvertures.
Pourtant, en ville les couvertures constituent l’un des derniers espaces verts potentiels. La végétalisation réduit la part du minéral et constitue une compensation de l’empreinte de la construction sur la nature. Elle participe à l’amélioration du confort en milieu urbain.
ATOUTS
CTB : Quels sont les arguments en faveur de la végétalisation ?
P. G. : Techniquement, la végétalisation préserve l’étanchéité. En effet, la température d’une toiture étanchée peut atteindre 80 °C en été au soleil et descendre jusqu’à –15 °C en hiver, soit une amplitude de 95 °C qui provoque microfissures et craquèlements. Un phénomène encore amplifié par les UV. Le complexe végétal réduit cette amplitude thermique avec 35 °C en été et –5 °C en hiver, ce qui double la durée de vie de l’étanchéité.
Autre atout, la végétalisation freine les effets de la pollution en retenant les poussières d’hydrocarbures. En effet, les pluies fixent ces particules dans le substrat, où les bactéries présentes naturellement les dégradent. Non seulement l’air est assaini, mais la rétention de l’eau, à hauteur de 50 % des petites pluies (1) de l’année, ralentit et limite le rejet des eaux d’orage dans les réseaux d’évacuation. L’écrêtage de ces pluies réduit les risques d’inondation et constitue une alternative économique aux coûteux bassins d’orage.
En matière de confort, elle diminue la température estivale des pièces situées juste au-dessous. Sur le plan acoustique, elle absorbe les bruits et limite leur réflexion. Elle isole aussi l’intérieur des bâtiments des bruits aériens et extérieurs. La différence est de 3 dB(A) en moyenne. Enfin, contrairement aux surfaces minérales, la végétalisation varie d’une saison à l’autre par les couleurs et la floraison ce qui enrichit le paysage urbain et contribue au développement de la biodiversité dans les villes.
TYPOLOGIE
CTB : Quelles sont les différentes solutions existantes ?
P. G. : Il existe trois types de toitures végétalisées. La première, la végétalisation intensive ou terrasse-jardin traditionnelle, consiste à transposer en toiture tous les éléments d’un jardin au sol. Elle nécessite une grande épaisseur de terre végétale, des végétaux de grande taille, du gazon, des arbres, etc. Cela implique de prendre en compte dès la conception du bâtiment ces surcharges importantes. L’entretien est intensif et équivalent à ce que requiert le même jardin au sol. Elle ne peut être réalisée que sur un support en béton avec une pente inférieure à 5 %.
Deuxième et troisième catégories, la végétalisation semi-intensive et extensive, préconisées par l’Adivet. La semi-intensive utilise des substrats spécifiques et une couche de drainage qui participe à la rétention d’eau. L’épaisseur du substrat ne dépasse pas 30 cm pour un poids de 300 kg/m2 au maximum. Le choix des végétaux vise à réduire l’entretien par rapport à une terrasse-jardin, en particulier avec des plantes couvre-sols. Quant à la végétalisation extensive, elle se caractérise par sa légèreté (30 à 150 kg/m2), son épaisseur réduite (entre 3 et 15 cm) et un entretien limité à un ou deux passages par an. Véritable tapis végétal, elle peut être réalisée sur tous types de support, y compris sur une toiture existante. Le substrat est constitué majoritairement d’éléments minéraux afin d’en limiter l’entretien. Elles peuvent être réalisées sur des supports en béton, en acier ou en bois.
SÉLECTION
CTB : Comment choisir des plantes adaptées ?
P. G. : Pour une végétalisation extensive, il est nécessaire de choisir des plantes résistantes au gel et à la sécheresse, à faible besoin nutritif et adaptées à tout type de climat. Le tapis végétal se compose alors souvent de sédums, des végétaux non ligneux résistants au gel ou de succulentes, des plantes adaptées pour survivre dans les milieux arides. Xérophytes, elles ont la capacité de stocker de l’eau dans les feuilles, les tiges ou les racines. Si leur volume reste limité (15 cm de hauteur en moyenne), elles nécessitent très peu d’entretien. Les plantes vivaces, tels les œillets des Chartreux, gypsophiles ou saponaires, peuvent aussi être utilisées. Il en va de même pour les saxifrages, les hélianthèmes et les graminées, dont les volumes sont plus importants (de 25 à 60 cm de hauteur). Toutes ces plantes sont adaptées aux différents climats de l’Hexagone. La palette végétale est plus importante dans le sud accessible aux plantes gélives. Dans ces régions, le substrat est plus épais afin de retenir davantage l’eau. S’il n’est pas possible d’en augmenter l’épaisseur, ces systèmes demandent une irrigation supplémentaire.
Le choix des plantes dépend bien entendu du type de végétalisation et de l’épaisseur du substrat. Il est important de tenir compte de l’orientation de la toiture, du climat et de l’environnement proche. Des façades vitrées qui réfléchissent le rayonnement solaire ou une ombre importante auront des conséquences sur le choix des plantes.
MISE EN ŒUVRE
CTB : Quelles sont les règles à prendre en compte ?
P. G. : La Chambre syndicale française de l’étanchéité (Csfe) a mis au point un référentiel technique en partenariat avec l’Adivet pour la partie végétalisation : les règles professionnelles pour la conception et la réalisation des toitures-terrasses végétalisées. Les autres référentiels à respecter sont les DTU de la série 43.1 relatifs à l’étanchéité de la toiture et les Cahiers des prescriptions de pose des complexes de végétalisation, qui comprennent l’étanchéité et la végétalisation.
Les principaux points d’attention concernent l’étanchéité, qui doit comporter un système antiracines approprié, qu’il s’agisse d’une membrane bitumineuse ou synthétique.
Autre élément important : la pente de la toiture. Jusqu’à 20 % (11°) la mise en place de la végétalisation ne pose aucune difficulté. Au-delà, il est nécessaire de procéder à une étude particulière. Plus la pente augmente, plus les précautions se multiplient. Ainsi, jusqu’à 20 %, il est suffisant de stabiliser les bords de rive. Jusqu’à 25 % (14°), il est nécessaire de rajouter une protection à l’aide d’une toile anti-érosion. Avec une pente de 35 % (20°) des traverses anti-poussées supplémentaires sont requises. Enfin si la pente atteint 55 % (29°) des plaques ou des nattes précultivées remplacent les semis, impossibles à utiliser dans cette configuration. En fonction de l’inclinaison, des systèmes de reprise des efforts adaptés peuvent être nécessaires. Leur mise en œuvre vise à éviter tout glissement du complexe isolation-étanchéité. À l’inverse, une toiture plate ou dont la pente est inférieure à 10 % (5°) requiert un système de drainage spécifique afin d’éviter de noyer la végétation.
Afin de réaliser les opérations de maintenance, une zone stérile de 40 cm de largeur est nécessaire. Elle facilite le contrôle des relevés d’étanchéité, du drainage, des évacuations pluviales et permet une hauteur réglementaire des relevés, quelle que soit l’épaisseur de la végétalisation.