Inspiration navale pour la charpente bois d'une gare

Carol Maillard

Sujets relatifs :

, ,
Inspiration navale pour la charpente bois d'une gare

AA. et D. À l'est, la poutre en forme de boomerang géant en bois de douglas de 13 m de haut supporte quatre semi-portiques et le toit de l'entrée principale.

© Photos Arep - Didier Boy de la Tour

Pour cette nouvelle gare bretonne, les architectes d'Arep ont imaginé un grand vaisseau structuré par une charpente en bois lamellé-collé complexe qui a nécessité une mise en œuvre pointue.

Inaugurée en mai 2017, la nouvelle gare TGV de Lorient Bretagne Sud (Morbihan) s'implante au sud du réseau ferré et au cœur d'un dispositif intermodal de transport réunissant les gares routières, un parking relais et des parcs à vélos. Grâce à la ligne grande vitesse vers la Bretagne ouverte en juillet 2017, Lorient se trouve à moins de 3 heures de Paris, générant une augmentation du flux de voyageurs de 1,5 million à 2,5 millions. Si l'ancienne gare, édifiée en 1960 au nord des voies, tournait le dos à la ville, la nouvelle s'ouvre au contraire vers le centre-ville, le port et l'océan, et redessine une nouvelle entrée pour l'agglomération.

L'immense volume de la halle est rythmé par la structure en portiques de bois lamellé-collé (de 12 à 19 m de portée), implantés selon une trame de 4,80 m.

Conçu par l'agence d'architecture Arep, filiale pluridisciplinaire de SNCF Gares & Connexions, le pôle d'échanges restructuré comprend le bâtiment principal voyageurs, une gare routière interurbaine créée, des espaces de stationnement, ainsi qu'un nouveau quai TER qui, relié à la gare, devient la place centrale du quartier en mutation Odyssée, où les friches ferroviaires ont été réinvesties. Première construction de la gare, une ample passerelle (7 x 60 m) liaisonne la zone nord du quartier de Kerentrech - dotée de locaux d'exploitation et de services aux voyageurs - à la zone sud (centre-ville) qui accueille un parvis réaménagé offrant des déposes taxis et minute, et des parkings voitures et vélos. À vocation plurifonctionnelle, le bâtiment principal fédérateur se dresse sur deux étages.

Marquant l'entrée de la gare, l'auvent de 20 m de portée a représenté une vraie prouesse technique, avec notamment la pose d'une mégapoutre en trident de 12 tonnes.

Il abrite au rez-de-chaussée des espaces d'accueil, d'information et de vente, des commerces de proximité, un bureau de poste et des locaux techniques, alors que les deux étages sont investis par des bureaux SNCF, des espaces dédiés au personnel et d'autres locaux techniques.

Le bois omniprésent

Composé de quatre semi-portiques, l'auvent de la halle est soutenu par une pièce maîtresse en forme de boomerang (ou trident) de 12 m de haut et 60 cm d'épaisseur.

Côté architecture, l'identité du projet se réfère à un « vocabulaire architectural lorientais, à la fois marin et terrestre », comme le notent les concepteurs. À l'image d'un « grand vaisseau » et d'un « embarcadère », l'édifice principal comporte une imposante structure en charpente bois, un matériau omniprésent dans l'environnement maritime du site. Sachant que le bois est assorti de pièces d'assemblage et de garde-corps en acier, similaires aux pièces d'accastillage des bateaux. De forme aérienne et fluide, la halle principale s'apparente à une coque de bateau de 113 m de long, dont la silhouette rappelle celle des thoniers de l'île de Groix.

Le porte-à-faux de 20 m d'envergure, qui a nécessité la pose spécifique d'une mégapièce en douglas lamellé-collé en forme de boomerang, a été entièrement numérisé en 3D, tout comme le reste de la charpente, afin de pouvoir assurer une mise en œuvre de l'ensemble ultra-précise.

1. Buton en métal : 70/70/6.3.
2. Portique principal en bois lamellé-collé.
3. Méga pièce structurelle en forme de boomerang : douglas LC.
4. Pied de poteau chevillé dans la dalle en béton.
5. Panne de rive métallique : profil HEA 240.
6. Panne intermédiaire en épicéa LC.
7. Entretoise en bois : support de toiture.
8. Semi-portique en bois LC.
9. Barre en métal de contreventement.

La singularité de cette charpente spectaculaire, constituée de vingt-quatre portiques, tient à son auvent de 20 m de porte-à-faux qui, dessinant un porche généreux, devient « l'expression même de l'accueil, de l' échange et de l' intermodalité de transport à la gare de Lorient », précisent les architectes. Constitué de quatre semi-portiques, cet auvent est soutenu par une pièce maîtresse en forme de trident réalisée en bois de douglas lamellé-collé qui a été délicate à confectionner et poser. Avant de mettre en œuvre la charpente bois, l'entreprise Mathis a préfabriqué les diverses pièces en bois lamellé-collé, dans son atelier en Alsace.

Des ferrures de jonction sur-mesure

Façade coupe partielle sur un portique
1. Pied de poteau (517 mm) du portique ancré dans la dalle béton.
2. Poteau en BLC en biais : 10,31 m de haut et de section variable.
3. Ferrures en acier galvanisé insérées dans le bois.
4. Panne métallique : profil HEA 240.
5. Ferrure-nœud en acier galvanisé fixée au-dessus de la poutre : jonction entre poutre et panne en bois.
6. Traverse de portique galbée en BLC : 300 mm ép.
7. Panne courante en bois : 250 mm de haut.

Une autre particularité du projet a trait à la forme galbée des portiques, constitués de traverses cintrées et de poteaux biais. « Pour que la jonction entre les poteaux et la poutre, via des ferrures insérées dans les éléments, coïncide bien dans un même plan, il a fallu recourir à des outils numérisés de dessin performants », explique l'ingénieur Jean-Yves Baudry, responsable de l'agence Ouest de Mathis. Les pièces répertoriées sont découpées dans la masse à l'aide d'un robot de taille à commande numérique, puis elles sont acheminées par camion sur le site et stockées. Assemblés un à un sur des tréteaux, ces portiques sont alors levés à la grue, à l'aide d'élingues sangles. Sachant que la pose, qui a débuté à l'extrémité ouest de l'édifice, a consisté à lever un premier portique et à le haubaner provisoirement avec des câbles fixés de part et d'autre au sol pour le stabiliser latéralement. Puis, les pieds du portique sont ancrés au sol et chevillés dans la dalle en béton. Les portiques suivants sont, eux, arrimés au noyau en béton du bâtiment technique rigidifiant l'ensemble. Lorsque tous les portiques sont stabilisés, la pose des éléments secondaires commence. Le dessus de chaque poutre est équipé d'une ferrure spécifique, soit un gros nœud qui, muni d'une embase en tube métallique et d'ailettes de renfort, permet de liaisonner la poutre à la panne (25 cm de haut), tout en s'ajustant aux changements d'angles des entraxes de pannes. Espacés de 2,22 m, les nœuds sont prêts à recevoir les pannes et les barres de contreventement, les assemblages étant réalisés au millimètre près.

Ample porte-à-faux de 20 m

Tandis que le portique est maintenu par la grue, un second engin met en place ces pannes se raccordant aux poutres. En parallèle, sont fixées, à plat, en diagonale et en bas des pannes, les barres de contreventement. Car ce plan de toiture, qui contribue au contreventement général de l'ouvrage, permet de supprimer les palées de stabilité et d'offrir une transparence totale en façade nord : cette toiture cintrée en double courbure faisant figure de cinquième façade.

À l'extrémité est, les portiques en bois lamellé-collé sont stabilisés en s'arrimant au noyau en béton du bâtiment technique et en s'ancrant au sol dans la dalle béton.

Reposant sur une tour d'étaiement, la mégapièce boomerang de 25 m3 , qui se greffe sur un portique entier, soutient un porte-à-faux de 20 m de portée.

Suit une autre phase importante du chantier, celle liée aux éléments de porte-à-faux de l'auvent de la halle qui, situé à l'extrémité est, a lieu après la pose du dix-neuvième portique. Il s'agit de poser la pièce 3 ), en forme de boomerang géant de 12 m de haut et 60 cm d'épaisseur, qui a été fabriquée en quatre tronçons, puis transporté par convoi exceptionnel sur le site. Assemblé sur place, puis levé à la grue, il s'appuie sur une tour d'étaiement provisoire et est haubané. Si le pied du trident, assorti d'une ferrure, est spité dans un préscellement réalisé dans le sol en béton, sa queue est équipée d'un nœud en acier noyé dans le bois assurant la jonction avec la platine de la poutre du portique (25 m de long et 30 cm d'épaisseur). Puis, les quatre semi-portiques du porte-à-faux sont posés, suivis des pannes et des entretoises, ces dernières servant à porter un panneau en lamellé-collé trois plis qui reçoit la couverture en Kalzip. Au final, cette échancrure géante, qui s'élève vers le ciel et s'ouvre vers la ville, représente un signal marquant pour l'entrée de la gare.

FICHE TECHNIQUE

Lieu Esplanade François Mitterrand, 56 100, Lorient
Maîtrise d'ouvrage SNCF Gares & Connexions, SNCF Réseau, Lorient Agglomération
Maîtrise d'oeuvre SNCF Gares & Connexions, AREP
Architectes Jean-Marie Duthilleul, Etienne Tricaud, François Bonnefille, Olivier Boissonnet, AREP et SNCF Gares & Connexions Bureau d'études AREP-Aménagement recherche pôles d'échanges (TCE), H.D.A. Hugh Dutton et associés (structure), Mitsu (façades)
Entreprises Clos couvert Mathis (charpente bois), Baudin Châteauneuf (structures métalliques), A. C. M. L. (façades), S.R.B. (fondations et structures béton)
Coût des travaux 9,7 M€ HT (nouveau bâtiment voyageurs), 12 M€ HT (passerelle), 2,4 M€ HT (bâtiment tertiaire)

Nous vous recommandons

François Teste du Bailler nommé président du directoire de GCC

François Teste du Bailler nommé président du directoire de GCC

Dans le groupe depuis 2018, François Teste du Bailler (58 ans) devient président du directoire de GCC. Ingénieur diplômé de Polytech’Lille, il a rejoint Bouygues Construction en 1987 où il a occupé les postes d’ingénieur travaux,...

29/03/2023 |
Karine Famy nommée directrice générale adjointe de Bouygues Bâtiment Nord-Est

Karine Famy nommée directrice générale adjointe de Bouygues Bâtiment Nord-Est

L’Anah renouvelle son président Thierry Repentin

L’Anah renouvelle son président Thierry Repentin

Ascenseurs nouvelle génération

Ascenseurs nouvelle génération

Plus d'articles