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Impact des évolutions réglementaires

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Impact des évolutions réglementaires

En construction neuve, les différentes réglementations imposent des caractéristiques contradictoires aux ouvrages. Pour y satisfaire, il ne suffit plus de construire à l’ancienne en modifiant quelques points techniques à la marge, mais de remettre profondément à plat nos systèmes constructifs.

Le monde de la construction est arrivé à un moment historique de conflit hégélien, le classique « thèse, antithèse et synthèse ». En l’espèce, la synthèse tarde à émerger, mais diverses forces sont à l’œuvre qui poussent vers la création d’une nouvelle tradition dans la construction.

Thèse : en majorité, nous construisons en béton avec isolation thermique par l’intérieur. Dans l’imaginaire collectif, même si ce n’est plus la réalité, nous construisons pour l’éternité, à la romaine. En tout cas, de manière patrimoniale, nous pensons construire pour une échelle de temps qui dépasse une vie humaine.
Antithèse : plusieurs réglementations existantes, récemment modifiées ou encore en développement - acoustique, thermique, incendie, sismique, qualité de l’air intérieur, énergétique - posent des exigences accrues, parfois contradictoires, qui rendent difficile, voire impossible en collectif et en tertiaire, la poursuite de nos façons de construire traditionnelles.
La synthèse, notamment le ou les systèmes constructifs qui émergeront comme les nouvelles traditions, bien rodées et maîtrisées par le monde de la construction, reste à trouver. Sans ambition d’exhaustivité, voyons quelques-uns des éléments qui pèsent dans le débat.

De nouvelles exigences introduisent des tensions

Un bâtiment est un système technique en équilibre devant remplir son office, à un moment donné avec des réglementations qui s’imposent à ses concepteurs et à ses bâtisseurs.
En France aujourd’hui, les principales réglementations posent des exigences, imaginées séparément, mais qui, à l’étape de la conception, puis lors de la construction, influent toutes sur les ouvrages à réaliser. Lorsque leurs exigences convergent, tout va bien. A contrario, il faut réfléchir et imaginer de nouvelles solutions. Bref rappel. La réglementation incendie n’a pas pour but d’empêcher que les bâtiments brûlent, mais de garantir de bonnes conditions d’évacuation en cas d’incendie. Les prescriptions qu’elle impose visent à maintenir l’intégrité structurelle du bâtiment suffisamment longtemps pour permettre l’évacuation, mais aussi à prévenir ou à ralentir la transmission d’un feu d’un local à l’autre, que ce soit par l’intérieur du bâtiment, ou par l’extérieur. C’est la règle C D.
La réglementation acoustique, quant à elle, cherche à limiter l’entrée des bruits extérieurs dans le bâtiment, et à prévenir leur transmission d’un local à l’autre à l’intérieur du bâtiment. L’arrêté du 30 mai 1996 est longtemps resté d’une portée limitée. Il définit cinq classes de voies routières et ferroviaires, ainsi que les isolements acoustiques correspondants pour les façades des bâtiments neufs construits le long de ces voies. Il a pris une actualité plus brûlante quand la Directive européenne 2002/49/CE sur l’évaluation et la gestion du bruit dans l’environnement a été transposée par la loi du 26 octobre 2005, et que le décret n° 2006-361, relatif à l’établissement des cartes de bruits a été publié au JO du 26 mars 2006. L’établissement progressif des cartes de bruit dans les agglomérations a révélé l’ampleur du problème et imposé des mesures de lutte plus efficaces. Le plus souvent, il s’agit de mettre en œuvre des ouvrants nettement plus performants du point de vue acoustique et de renoncer à la ventilation simple flux avec entrées d’air en façade, au profit du double flux avec entrée d’air centralisée. De la Réglementation thermique, incarnée aujourd’hui par la RT 2012, nous savons qu’elle établit des exigences proches de celles du Label BBC Effinergie - environ 50 kWhEP/m².an - mais qu’elle ne constitue qu’une étape vers la RT 2020 où toutes les constructions neuves devront produire plus d’énergie qu’elles n’en consommeront. Les actions entreprises, dans un premier temps, portent sur la réduction des besoins d’énergie : plus d’éclairage naturel, plus d’isolation thermique, des protections solaires efficaces, mais en même temps la récupération de la chaleur gratuite, etc. Le retour d’expérience des Labels BBC nous montre à quel point la question du confort d’été devient centrale.

L’importance des règles parasismiques

Plus d’isolation thermique et l’obligation de traiter tous les ponts thermiques imposée par la RT 2012, dans un modèle à isolation par l’intérieur, cela multiplie l’emploi de rupteurs de ponts thermiques. Chaque rupteur améliore la performance thermique, mais introduit un risque accru de transmission acoustique, de transmission du feu d’un local à l’autre et modifie, pas en bien, le comportement sismique du bâtiment. Rien qui soit insurmontable. Il est parfaitement possible de protéger les rupteurs contre les flammes, de renforcer leur inertie contre les bruits, de les ferrailler davantage contre le risque sismique. Mais tout cela renchérit leur coût et porte à s’interroger : en construction neuve, pourquoi s’entêter dans une guerre de positions en faveur de l’ITI, au lieu de passer à l’offensive avec l’ITE ? Dans un second temps, il faudra s’engager dans une réflexion sur les systèmes techniques chargés de ventiler, de chauffer, de rafraîchir, de produire de l’ECS, de produire de l’énergie pour l’autoconsommation, pour le stockage, pour la revente au meilleur prix. C’est à peine esquissé. La qualité de l’air intérieur ne fait pas encore l’objet d’une réglementation précise. Mais les travaux de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (Oqai) révèlent, publication après publication, l’existence d’un vrai problème dans les locaux scolaires, logements et bureaux. Bref, dans chacun des secteurs successivement examinés. Les pollutions viennent à la fois de l’extérieur et de l’intérieur des bâtiments. Contre la pollution d’origine intérieure, le remède est l’accroissement des débits de ventilation. Nos valeurs réglementaires sont inférieures à celles de nos voisins européens. Mais notre Réglementation thermique conçoit la ventilation avant tout comme une perte de chaleur. Contre la pollution extérieure, le remède est la filtration, ce qui favorise le double flux avec entrée d’air centralisée et aisément filtrée.
La nouveauté réglementaire la plus radicale se trouve en sismique. Les exigences n’ont pas vraiment augmenté, mais la carte des zones sismiques en France s’est très largement étendue. Depuis le 1 er mai 2011, notre pays est divisé en 5 zones de sismicité. La zone de sismicité 1, où il n’y a pas de prescription parasismique, couvre le sud du Massif central, une partie de l’Aquitaine, le Bassin parisien, la vallée de la Seine, les Ardennes et la Bourgogne. Les zones 2 à 5 imposent les règles de construction parasismique aux bâtiments neufs et, dans certaines conditions, aux bâtiments existants. Plus de la moitié de notre territoire se trouve en zones 2 à 5. Les récents séismes à répétition en Italie montrent l’intérêt d’une attitude responsable dans ce domaine. Comme l’écrit le Cstb dans le récent « Guide de mise en œuvre des rupteurs de ponts thermiques faisant l’objet d’un Avis technique », « la stabilité sous séisme nécessite des liaisons nombreuses et efficaces entre les éléments, alors que la réglementation thermique conduit au contraire à tenter de minimiser ces liaisons, afin d’obtenir des effets de conduction très faibles ».

Vers quelle nouvelle synthèse ?

Aventurons-nous à prédire l’évolution à terme des systèmes constructifs. Dans le gros œuvre, l’Isolation thermique par l’extérieur (ITE) offre de nombreux avantages et un seul risque. Elle supprime la plupart des ponts thermiques et, pratiquement, limite l’emploi des rupteurs de ponts thermiques à l’accrochage des balcons en façade. Si bien que, du point de vue parasismique, l’ITE n’introduit aucune faiblesse. Sa présence joue un rôle positif contre l’introduction de bruits extérieurs et, supprimant l’encollage des doublages intérieurs, elle réduit les sources de pollution de l’air intérieur. Son risque est celui de la transmission du feu en façade d’un étage à l’autre, et horizontalement, d’un local à l’autre. Le remède réside dans la finition de l’ITE. En ce qui concerne l’ITE, les règles européennes prévoient deux tests : l’isolant seul, le système dans son ensemble. À cette aune, les solutions sous enduit sont bien placées, avec un petit avantage aux laines de verre et laines de roche, par rapport aux polystyrènes et au polyuréthanne. Les solutions avec isolant sous bardage, a fortiori sous bardage ventilé, méritent une attention soutenue en fonction des matériaux employés. La question du bois en bardage et en ossature est réglée par l’arrêté du 24 mai 2010 « portant approbation de diverses dispositions complétant et modifiant le règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public », applicable depuis le 6 octobre 2010. Il propose six solutions génériques de façade bois en rideau ou semi-rideau.
Deuxième prévision sans risque, la ventilation double flux est appelée à se généraliser, lorsqu’elle est bien dimensionnée et correctement installée dans un bâti suffisamment étanche à l’air, elle ne comporte que des avantages : récupération de chaleur, voire de l’humidité ambiante, pilotage fin des débits en fonction des besoins grâce à des sondes de présence, de pollution, filtration de l’air neuf, suppression des entrées d’air en façade, donc des risques acoustiques.
Notre troisième prévision est plus hasardeuse : le béton n’est pas le mieux placé dans les solutions parasismiques. Les diverses solutions de construction bois, y compris en collectif et en tertiaire, notamment grâce à l’emploi de panneaux structurels en bois plein jusqu’au R 7, mais aussi les solutions dites de « filière sèche » à base de structure acier avec remplissage léger sont, au sens propre, plus souples et se comportent mieux en cas de sollicitations sismiques. Leur faiblesse réside souvent dans les performances acoustiques, mais peut être efficacement combattue. Ces solutions bois et acier présentent également un autre avantage : la légèreté. Si, nous nous orientons vers une densification par surélévations des bâtiments dans le centre des villes, leur utilisation devrait se développer.
Bref, nous imaginons un monde de la construction où les solutions seront demain plus diverses avec moins de béton, plus d’acier et plus de bois, une généralisation de l’isolation thermique par l’extérieur ou de l’isolation à la fois intérieure et extérieure, à l’image de la façade F4 de Saint-Gobain Isover (1) , une systématisation de la ventilation double flux et des protections solaires extérieures ou incorporées entre deux vitrages, et enfin une étude au cas par cas des vitrages employés. Il n’existe pas, en effet, de vitrage miracle, capable tout à la fois d’offrir un isolement acoustique élevé, une transmission lumineuse importante, un fort contrôle solaire contre la surchauffe d’été et une maximisation des apports solaires gratuits en hiver.

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