Durant ces deux dernières années, les équipements de génie climatique se sont essayés au grand écart : entre un parc existant aux performances thermiques médiocres et de nouveaux bâtiments répondant à la RT 2012 bien sûr ; mais aussi dans des logements performants où la demande d’eau chaude sanitaire grandit et les besoins de chauffage se réduisent à la portion congrue. Dans le même temps, la ventilation mécanique s’est rendue indispensable.
La rénovation performante dans l’existant et la RT 2012 en construction neuve, qu’on imagine bientôt suivie par les Bâtiments à énergie positive (Bepos) ont eu une conséquence importante en logement : les besoins de chauffage ont radicalement baissé, tandis que les besoins d’Eau chaude sanitaire (ECS) demeurent élevés, voire continuent de croître.
Les déperditions en conditions extérieures de base (- 7 °C) sont inférieures à 1 kW pour un appartement RT 2012 de 70 m² en étage intermédiaire. Elles atteignent péniblement 1,5 à 2 kW pour une maison RT 2012 de 100 m². Et il s’agit des déperditions quand il fait le plus froid. Ce qui veut dire que durant plus de 80 % de la saison de chauffe, tous types de logements confondus, les déperditions seront inférieures à 1 kW et se situeront entre 300 et 400 W en mi-saison.
Dans le même temps, l’équipement de nos salles de bains s’enrichit par exemple de douche pluie dont le débit dépasse 20 l/min à 40 °C... Bref, il faut moduler la puissance chauffage de 500 W à 2 ou 3 kW, 5 kW au maximum pour les maisons individuelles les plus vastes. En même temps, il nous faut une puissance de 24 à 30, voire 35 kW pour satisfaire nos besoins d’ECS en production instantanée, ou alors nous devons opter pour un stockage destiné à passer les pointes de puisage, en décidant d’un équilibre entre volume de stockage et puissance disponible pour sa régénération.
De nouvelles exigences pour les générateurs individuels
Le standard classique, c’est un gros volume de 200 l ou davantage, associé à une faible puissance maximale de 3 kW. Encombrant, il se prête mal à l’équipement des logements collectifs, voire des petites maisons. Le nouveau standard en train d’émerger s’oriente vers un stockage de 150 l, associé à une puissance plus importante de 5 à 12 kW pour sa régénération. Ces nouveaux besoins imposent donc des générateurs à la puissance fortement modulante. Ces générateurs doivent être capables, sans dommage, de fonctionner à de faibles puissances en continu. Pour l’ECS, il nous faut en revanche une production instantanée avec une puissance minimale de 20 kW.
À ce cahier des charges sévère s’ajoutent encore deux exigences. Premièrement, il n’est pas question de transiger sur le rendement. Si nous en étions tentés, la Directive européenne Écoconception est là pour nous rappeler à l’ordre. Cela signifie donc que les générateurs doivent conserver un rendement excellent tout au long de leur plage de modulation de puissance, qu’ils soient en mode chauffage ou en mode production d’ECS. Deuxièmement, la RT 2012 impose en maisons individuelles, une contribution minimale des énergies renouvelables (ENR) au bilan énergétique annuel. Ce qui veut dire que les nouveaux générateurs doivent prévoir un fonctionnement en partie à base d’ENR. Il leur a fallu quelques années, mais les industriels ont pris conscience de ces nouvelles nécessités et plusieurs d’entre eux proposent des solutions astucieuses à partir de technologies différentes. Les machines 3 en 1, d’abord, qui utilisent le vecteur air et couvrent les besoins de ventilation double flux, assurent la récupération de chaleur, produisent le chauffage et l’ECS, n’ont pas réussi à décoller sur le marché français, bien qu’elles y soient présentes depuis plusieurs années. Le fait que le moteur de calcul de la RT 2005 d’abord, puis de la RT 2012 aujourd’hui les ignore n’a pas aidé.
Les Titres V sont longs et coûteux à obtenir. Hora, par exemple, a obtenu un Titre V RT 2005 pour sa machine 3 en 1, seulement en 2012 et, du coup, a décidé de ne pas solliciter un Titre V RT 2012. En revanche, il existe des réponses en chaudières à granulés de bois, chaudières à gaz, pompes à chaleur et pompes à chaleur hybrides associées à une chaudière gaz à condensation.
En rénovation, l'hybridation gagne
Dans le même temps, en rénovation, la chaudière à condensation conserve un bon rapport qualité-prix. Mais des technologies de « rupture » (chaudière hybride, chaudière électrogène), peuvent désormais lui être opposées. Selon le ministère de l’Écologie, le parc de bâtiments existants compte quelque 18 millions de chaudières, dont 1 million de chaudières fioul de plus de 15 ans. Dès lors, quel système choisir pour remplacer ces générateurs vieillissants ? « Les remplacer par de nouvelles chaudières plus performantes, ce serait déjà merveilleux », répond du tac au tac Jean-Paul Ouin, secrétaire général d’Uniclima. Assortie de travaux d’isolation, la chaudière à condensation – gaz ou fioul – reste une solution pertinente. Surtout si elle intègre un brûleur modulant sur une large plage de puissance pour répondre dans le même temps à des besoins de chauffages plus faibles et des besoins d’ECS élevés. L’offre n’est pas pléthorique, mais Vergne a mis sur le marché l’an dernier la chaudière gaz murale MC3, qui module de 0,8 à 28 kW.
Du fait de l’application de la directive ERP (Energy Related Products), dont la vocation est de favoriser la commercialisation des produits les plus performants, les chaudières basse température devraient disparaître du marché d’ici à la fin 2015. Une dérogation sera néanmoins accordée aux copropriétés équipées de VMC gaz collectives, jusqu’en 2020.
Le déploiement des chaudières hybrides et électrogènes
Une autre option possible serait de remplacer sa chaudière par un système hybride, associant chaudière à condensation et pompe à chaleur. Dans tous les modèles commercialisés (Talia Green Hybrid de Chaffoteaux, Altherma Hybrid de Daikin, Genia Hybrid de Saunier Duval, Alféa Duo Hybrid d’Atlantic, Megalis Condens d’ELM Leblanc) la chaudière vient en relais de la Pac lorsque son Cop descend sous une valeur critique. La régulation permet de gérer trois configurations de fonctionnement : Pac seule, Pac et chaudière, chaudière seule. En plus du Cop de la Pac, la régulation intègre également le prix des énergies pour piloter le basculement dans l’une de ces trois configurations. « Ces générateurs sont intéressants dans la perspective des réseaux communicants, ajoute Jean-Paul Ouin. Il est tout à fait envisageable d’y intégrer une fonctionnalité permettant à un gestionnaire de réseau de le faire basculer sur la fonction chaudière en période de pointe électrique. »
La microgénération entre en piste
Ces systèmes hybrides présentent toutefois un inconvénient : leur prix. Ces solutions restent en effet très onéreuses, comparées à chaque type de générateur pris séparément.
Dernière option possible, la chaudière électrogène ou microcogénération, dont on observe les premières mises en œuvre : en l’espèce, la chaudière électrogène de De Dietrich (24 kW thermiques pour le brûleur gaz, 1 kw électrique et 4,8 kW thermiques pour le moteur Stirling) a été préconisée dans un programme de logement social à Aulnay-sus-Bois (93). La production électrique des trois chaudières alimente les parties communes de la résidence.
La ventilation double flux s'impose... dans le tertiaire
Tandis que dans les bâtiments neufs à l’enveloppe performante, le chauffage devient presque anecdotique, la ventilation, elle, occupe désormais une place prépondérante. Si on lui préfère une solution simple flux dans le résidentiel, la ventilation double flux, qui limite les déperditions thermiques par récupération d’énergie et par modulation des débits, tend en revanche à se généraliser dans les locaux d’activité.
La ventilation double flux connaît donc des succès divers. Dans le résidentiel (maison individuelle ou logement collectif), elle est pénalisée par la méthode de calcul Th-BCE du fait de sa consommation électrique supérieure à celle de la ventilation simple flux, qui lui est de fait préférée. La donne est tout autre en tertiaire, où la ventilation est assurée par Centrale de traitement d’air (CTA), car d’autres paramètres, d’ordre sanitaire, placent le double flux en bonne position : « Deux réglementations entrent en ligne de compte, explique Christophe Barrau, responsable promotion et développement tertiaire pour Aldes. Le Code du travail, ainsi que le règlement sanitaire départemental type. L’humidité relative – qui permet de moduler les débits en résidentiel – n’est pas un critère suffisamment représentatif en tertiaire. » Et d’ajouter que le double flux contribue à satisfaire les besoins de chauffage, grâce à la récupération d’énergie via l’échangeur thermique.
Les trois différentes catégories d’énergie ont leurs avantages et leurs inconvénients (voir encadré). Souvent pointé du doigt, l’échangeur à roues (utilisé par Swegon dans sa gamme de CTA Gold RX, ou par les CTA DFR Micro-Watt d’Aldes) doit être employé avec discernement pour en tirer le meilleur parti : « Il est impossible de garantir une étanchéité des flux à 100 %, reconnaît Christophe Barrau. Il y aura toujours quelques pour cent de recyclage d’air vicié, c’est inévitable. Mieux vaut donc éviter ce type d’échangeur dans des locaux où les problématiques de mauvaises odeurs ou de prolifération de microbes sont particulièrement sensibles, tels que les chambres d’hôpitaux ou les salles de crèche. En revanche, dans des bureaux, les débits sont suffisamment importants pour que ce recyclage d’air vicié devienne négligeable ».
En plus de la récupération de chaleur, les CTA double flux contribuent à réduire les déperditions thermiques des bâtiments par la modulation des débits. Les équipements les plus performants du marché utilisent, en effet, des moteurs basse consommation à commutation électronique, capables de faire varier leur vitesse de rotation.
Moduler les débits
Cette modulation des débits peut être obtenue selon différents critères, tels que le niveau de CO2 ambiant – un indicateur particulièrement pertinent pour les salles de réunion – ou la détection de présence. La modulation est obtenue en asservissant les moteurs des ventilateurs ou des registres motorisés au niveau des bouches d’aération à un capteur (sonde CO2, détecteur de présence, de mouvement) judicieusement placés dans la pièce. Atlantic dispose de deux systèmes de ce type sous Avis technique : Visiovent, par détection de présence et Varivent, par mesure des concentrations de CO2.Outre la ventilation devenue une absolue nécessité sous peine d’effet « bouteille Thermos », une autre nécessité s’est fait jour avec la RT 2012. Réglementaire, celle-là : le comptage et l’affichage des consommations. Une exigence qui semble poser quelques problèmes, car techniquement complexe à mettre en œuvre. L’investissement initial n’est pas négligeable. Les systèmes de comptage requièrent une maintenance. Et de nombreux acteurs se demandent si les économies attendues seront significatives, notamment dans des logements et dans des bâtiments très économes en énergie. Mais la réglementation le demande, il faut le faire.
Le comptage et l'affichage, mamelles de la performance énergétique
Des solutions apparaissent en maison individuelle, deux ou trois sont raisonnables et efficaces en logements collectifs. En tertiaire, c’est plus compliqué. Si certains processus – tout ce qui est électrique, par exemple – se prêtent facilement au comptage, c’est beaucoup plus difficile, voire techniquement inaccessible dans les termes demandés par la RT 2012, pour de nombreuses solutions CVC (Chauffage, Ventilation, Climatisation) couramment utilisées en tertiaire.
Les exigences relatives à chaque typologie sont précisées dans l’arrêté du 26 octobre 2010 « relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions ». Pour le logement collectif, l’article 23 demande de mesurer ou d’estimer les consommations d’énergie de chaque logement. Ces systèmes doivent permettre d’informer les occupants de leur consommation d’énergie au moins mensuellement. L’information est délivrée dans le volume habitable et distingue : chauffage, refroidissement, ECS, réseaux électriques et « autres ». Si le maître d’ouvrage est aussi le futur propriétaire-bailleur du logement, l’information peut être délivrée par voie électronique ou postale, et pas nécessairement par affichage dans le volume habitable. En maison individuelle, les obligations sont similaires à celles du collectif.
Le comptage passe par la GTB
En tertiaire, article 31, la mesure ou le calcul localisés de la consommation d’énergie sont obligatoires pour le chauffage, le refroidissement, la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage, le réseau des prises de courant, les centrales de ventilation, ainsi que pour les départs électriques d’une puissance supérieure à 80 A. Le texte précise qu’en ce qui concerne le chauffage, le refroidissement, l’éclairage et le réseau des prises de courant, ce comptage ou calcul de consommation d’énergie s’effectue par tranche de 500 m² de Surt (Surface utile au sens de la RT, définie à l’Annexe III de l’arrêté du 26 octobre), ou par tableau électrique, ou par étage, ou par départ direct.
On le voit avec cette obligation de comptage et d’affichage dans le tertiaire, les systèmes de gestion technique du bâtiment prennent tout leur sens lorsque vient la nécessité de piloter la performance énergétique au jour le jour. Or, constat est fait que nombreux sont les bâtiments existants qui disposent déjà de GTB aux multiples possibilités. Problème : trop souvent celles-ci dérivent au cours de la vie du bâtiment. Elles ne sont pas documentées, les équipes d’exploitation changent souvent et sont mal formées à l’utilisation des GTB en place, etc. La première chose à faire pour un maître d’ouvrage est de réfléchir aux missions qu’il souhaite voir la GTB prendre en charge. Ensuite, il procède à un audit du système installé pour comprendre ses possibilités, pour vérifier son fonctionnement, afin, éventuellement, de décider d’ajouter des compléments pour piloter de nouveaux processus consommant de l’énergie.
Première étape: l'audit
L’audit de GTB porte sur : la vérification de l’existence de capteurs terminaux (sondes de température, de présence, d’humidité, etc.) et de leur fonctionnement ; sur l’existence et le fonctionnement des actionneurs (volets et vannes motorisés, vannes de régulation…) ; le fonctionnement des automates installés, l’état du réseau et des communications entre automates ; l’existence et l’état des postes d’exploitation et de supervision et des programmes nécessaires ; l’existence, la cohérence et l’exhaustivité des bases de données décrivant l’installation. Une fois l’audit terminé, pour décider des investissements, l’un des moyens consiste à comparer la GTB existante aux prescriptions de la norme NF EN 15232 « Performance énergétique des bâtiments – Impact de l’automatisation de la régulation et de la gestion technique du bâtiment ». Publiée en 2007, cette norme permet de qualifier et de quantifier les bénéfices des systèmes de GTB, soit dans un bâtiment réel précis, soit dans des bâtiments types.
Elle propose : une liste structurée des fonctions d’automatisation de la régulation et de la GTB qui ont un impact sur la performance énergétique des bâtiments ; une méthode pour définir les spécifications minimales d’automatisation de la régulation et de la GTB à mettre en œuvre dans un bâtiment en fonction de son type (bureaux, hôpital, lycée, etc.) et de sa complexité, ainsi que des méthodes détaillées pour estimer l’impact de ces fonctions sur un bâtiment précis en termes de confort et de réduction des consommations d’énergie.