Le concept de double peau a été développé pour améliorer les performances globales de l’enveloppe. Ici, l’immeuble BE, à Lyon. Des doubles peaux ont été mises en œuvre sur deux faces de l’hôpital de Brive-la-Gaillarde, permettant la continuité de l’activité de l’hôpital.
© Doc. Espagno Milani Architectes
Dotée d’une lame d’air de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres d’épaisseur, une façade double peau est un ouvrage au fonctionnement complexe. En effet, elle agit à la fois sur l’isolation phonique, la thermique, la gestion de la lumière et l’esthétique.
Incontournable pour les immeubles de grande hauteur (IGH), la façade double peau trouve un écho grandissant dans le tertiaire, en particulier les bureaux et les établissements hospitaliers ; elle apparaît également dans les projets de bâtiments scolaires ou polyvalents. Dans les pays qui l’ont vu naître, notamment l’Allemagne, l’Autriche ou la Suisse, elle est rapidement devenue un vecteur d’amélioration des performances techniques de l’enveloppe.
Le concept de double peau sous-entend l’enfermement entre deux parois d’une lame d’air dont l’épaisseur peut varier de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres. Difficile de ne pas céder à la tentation d’analogie avec le double vitrage, même si la réalité est nettement plus complexe et variée. Dans une double peau classique, les parois sont généralement vitrées : elles associent une peau extérieure en simple vitrage, monté en vitrage extérieur collé, attaché ou parclosé (VEC, VEA ou VEP), et une peau intérieure en double vitrage. Il existe des exemples inverses, notamment en Angleterre et en Belgique.
Réglementation thermique
Pour répondre à la réglementation thermique renforcée, de nouvelles déclinaisons sont mises en œuvre. La paroi intérieure tend ainsi à devenir plus opaque : les façades-rideaux couramment employées sont parfois remplacées par des voiles en béton percé de grands châssis vitrés. La peau intérieure peut même devenir aveugle, la lame d’air accueillant alors des circulations entre les étages.
Les façades double peau présentent des typologies très différentes, identifiées dans un document Rage (*). Celui-ci distingue, d’un côté, les façades multiples, dont les peaux ont leur propre ossature, (doubles peaux ventilées naturellement ou mécaniquement sur l’extérieur) ; de l’autre, les façades multiparois qui comportent une même ossature pour les deux parois (façades respirantes, faiblement ventilées sur l’extérieur ou ventilées sur l’intérieur). Si les façades multiples correspondent généralement à deux façades traditionnelles, les ouvrages multiparois peuvent donner lieu à des gammes spécifiques.
Une façade double peau assure des fonctions multiples : isolation phonique, thermique, gestion de la lumière et, bien sûr, esthétique. Rares sont les projets qui n’exploitent qu’un seul de ces aspects.
Sur le plan acoustique, la double peau répond aux exigences requises dans les environnements les plus bruyants : implantation le long de voies ferrées, à proximité de routes à fort trafic ou d’aéroports. Elle autorise des niveaux d’affaiblissement de l’ordre de 40 à 45 dB, lorsqu’une simple peau est limitée à 35 dB. Ses performances s’appuient sur le principe de masse-ressort-masse ; elles sont liées à l’épaisseur de la lame d’air, ainsi qu’à la différence de rigidité entre les peaux, c’est-à-dire la différence de composition des volumes.
Sur le plan thermique, la façade double peau équivaut à un mur isolé. Réalisant un espace tampon autour du bâtiment, la lame d’air limite en hiver les déperditions thermiques vers l’extérieur. Elle profite par ailleurs de l’effet de serre pour s’échauffer plus rapidement que le reste de la structure à laquelle elle transmet les calories emmagasinées. Le coefficient de transfert thermique (U) d’une façade respirante avoisine 1,3 W / (m2.K), celle d’une double peau ventilée 1,4 W / (m2.K), contre 1,8 W / (m2.K) pour une simple peau. L’utilisation d’une double peau est particulièrement adaptée aux immeubles de bureaux pour lesquels est demandée une double, voire une triple certification (HQE, BREEAM, LEED, par exemple). Elle permet alors de concilier haut niveau d’exigence thermique et éclairage naturel des locaux, pour un meilleur confort.
La façade a par ailleurs un impact sur le confort d’été passif. Elle permet de loger les protections solaires à l’intérieur de la lame d’air : brise-soleil orientable (BSO), dans le cas d’une façade ventilée ; store vénitien ou screen, dans le cas d’un système respirant. Avec une largeur de lame de 8 à 10 cm, les BSO autorisent un affaiblissement important de l’énergie solaire incidente, si bien qu’une façade double ventilée peut prétendre à un facteur solaire de 0,05 à 0,15. Or en simple peau, même avec store intérieur, celui-ci peut difficilement descendre en dessous de 0,25. Dans le tertiaire, où la gestion du confort solaire d’été importe davantage que le chauffage, l’intérêt de la double peau s’affirme.
Pour les stores, la lame d’air constitue en outre la meilleure des protections contre les intempéries. Dans les zones de vent, elle permet le recours à des équipements amovibles, plus pertinents contre la surchauffe d’été mais aussi plus fragiles en extérieur. Les protections solaires doivent être mises en œuvre le plus près possible de la peau extérieure, afin d’optimiser la réflexion de la chaleur en été.
Le critère esthétique compte également. Aujourd’hui, la tendance est de concevoir des bâtiments avec une proportion de pleins plus élevée : un ratio de 50 ou 60 %, pour 50 ou 40 % de vides est courant. Une deuxième peau extérieure confère une image vitrée du bâtiment, tout en ayant une peau intérieure plus opaque, donc thermiquement plus performante. La lame d’air permet en outre d’intégrer des passerelles pour la maintenance, voire des nacelles et d’autres équipements techniques.
Dispositions spécifiques
Pour assurer le bon fonctionnement de l’ouvrage, un certain nombre de dispositions constructives spécifiques doit être respecté. Premier point important : limiter l’embuage des vitrages. Si le risque de condensation ne peut pas être exclu, il peut être maîtrisé en jouant sur la nature et la localisation des couches basse émissivité des vitrages (en face 2 ou 3), ainsi que sur la communication de la lame d’air avec l’ambiance extérieure.
Dans une double peau ventilée, les ouvertures sont grandes, afin de favoriser une circulation d’air entre le pied et le haut de la façade. La ventilation peut être naturelle ou mécanique, et réalisée niveau par niveau ou sur toute la hauteur, en fonction des exigences de sécurité incendie, et notamment des recoupements de la lame d’air pour éviter l’effet de cheminée.
Dans une façade respirante, les orifices de petite taille doivent être dimensionnés de façon à équilibrer les pressions entre la lame d’air et l’extérieur. Il faut également veiller à la parfaite étanchéité de la paroi intérieure pour éviter la migration dans la lame d’air de la vapeur d’eau liée à l’occupation des locaux. Il est recommandé de motoriser les stores : un passage de câbles s’avère plus aisé à étancher qu’un mécanisme manuel.
Plus faciles à régler, de nouvelles façades dites « faiblement ventilées » disposent d’orifices en parties basse et haute des volumes de verre. La lame d’air étant plus mobile, elles sont cependant un peu moins performantes sur le plan thermique que les façades respirantes.
Autre point de vigilance : le risque d’échauffement de la lame d’air. En été, une forte montée en température est source d’inconfort pour les utilisateurs. En outre, elle peut être préjudiciable pour la tenue des joints de scellement des vitrages isolants et des intercalaires des verres feuilletés, mais aussi des moteurs de stores intégrés. La température plafond est souvent fixée à 60°C. Elle peut être dépassée, sous réserve de tests plus poussés sur les vitrages, les stores, ou d’autres matériaux. Plusieurs paramètres jouent sur la température de l’espace tampon : la composition verrière incluant des couches faiblement émissives et de contrôle solaire ; son épaisseur ; son ouverture au moyen de grilles, coulissants ou ventelles motorisés ; le coloris du store qui détermine son pouvoir absorbant ; son positionnement à l’intérieur, etc.
Sécurité
Le comportement mécanique d’une façade double peau est plus complexe que celui d’une simple peau. Lors de la conception, il faut ainsi prendre en compte les mouvements différentiels des peaux et de leur ossature, l’action du vent qui varie en fonction de la perméabilité de la façade, et éventuellement le risque sismique qui impose un dimensionnement plus contraint, complété par des essais en laboratoire.
Pour pallier le risque de chute des personnes, l’ensemble des situations impliquant le public ou le personnel doivent être étudiées. Couramment, des volumes en verre feuilleté de sécurité sont intégrés ; des essais de choc valident la mise en œuvre du vitrage.
La prise en compte du risque incendie constitue une étape complexe. D’une part, l’instruction technique IT249 est en cours de révision ; d’autre part, le traitement architectural, différent d’un projet à l’autre, nécessite une approche au cas par cas, en particulier sur la question de l’accessibilité des secours en façade. Sur ce point, les solutions seront fonction de l’épaisseur de la lame d’air, de la présence de passerelles, de la nature du système de façades et de la possibilité de coupler l’ouverture de la peau intérieure et celle de la peau extérieure.
L’accessibilité de la lame d’air doit également être privilégiée en amont du projet. Dans une double peau ventilée, elle est indispensable pour assurer le nettoyage des vitrages et la maintenance des protections solaires intégrées. Une lame d’air épaisse peut être utilisée pour loger des coursives ou une nacelle. Il est également possible de prévoir des châssis ouvrants sur la peau intérieure. Dans une façade respirante, la lame d’air est certes plus stable et les vitrages moins susceptibles de se salir, mais l’accès aux stores doit être rendu possible par des trappes.
Appréciées pour leurs performances et leur esquisse épurée, les façades double peau sont appelées à se développer et à remplir de nouvelles fonctions actives, comme le laissent entrevoir les premières réalisations intégrant des panneaux solaires photovoltaïques et thermiques, des murs végétalisés et des parements à base de microalgues.