La jetée du Terminal E de l’aéroport CDG de Roissy, rebâtie en 2008 et longue de 700 m, se compose d’une voûte en inox formée de 152 arcs treillis recevant des panneaux verriers (arch. : ADP/P. Andreu). (Doc. Carol Maillard.) Le nouveau hall (24 000 m2) reliant les terminaux 2A et 2B de l’aéroport Ferenc Liszt de Budapest en Hongrie est baigné de lumière du jour issue de la façade vitrée et des sheds en toiture (arch. : Zoltàn Tima). (Doc. Carol Maillard.)
Équipement lourd, l’aérogare exige une réelle recherche de fonctionnalité et de flexibilité des espaces, afin de pouvoir évoluer dans le temps, tout en offrant une image architecturale digne de son rôle national ou international.
Une aérogare comprend un ensemble de bâtiments situés sur un aéroport et utilisés pour recevoir le public et les passagers, avant leur embarquement ou après leur débarquement. Cette gare de desserte d’un aéroport est adjacente à l’aire de trafic du côté piste et offre un accès facile à la voirie routière.
Ce n’est pas une infrastructure comme les autres, puisqu’elle représente la porte d’entrée d’une région ou d’un pays. Complexe, sa conception prend en compte l’évolution des besoins des compagnies aériennes, la croissance du trafic et la capacité à pouvoir anticiper les modèles d’avions à venir. Elle doit également répondre à certaines contraintes. Les espaces de l’aérogare doivent être fonctionnels, flexibles et évolutifs, pour satisfaire aux exigences et besoins futurs des employés et passagers. Cela se traduit par une refonte et une extension des espaces intérieurs augmentant la capacité totale de l’édifice, ou bien par la construction de satellites. L’architecture de ce type de bâtiment doit être reconnaissable pour se forger une identité propre, et incarner à la fois la culture et la capacité technologique du pays concerné.
Une autre contrainte est liée à l’obligation de maintenir les activités de l’aéroport durant la période des travaux. « Expliquer le fonctionnement d’une aérogare est aussi compliqué que de parler de l’aménagement d’un hôpital ou d’une centrale nucléaire », explique François Tamisier, architecte en chef de la direction de l’ingénierie et de l’architecture des Aéroports de Paris (ADP). Il ajoute qu’« en terme d’organisation spatiale, la configuration d’une aérogare est liée aux deux fonctions principales de départ et d’arrivée, et à une troisième vouée à la correspondance. Pour ces trois types de circuits, la séparation de chacun des flux doit être totalement étanche, pour mieux sécuriser les voyageurs ». Ainsi, au départ, le passager se rend à l’aéroport pour venir y prendre son avion faisant partie d’une compagnie aérienne donnée.
Trois types de flux séparés
Il est alors amené à suivre un parcours précis qui se déroule selon un enchaînement d’espaces spécifiques. Le passager arrive dans le hall d’accueil, se présente au guichet d’enregistrement, puis accède à la salle d’embarquement et y reste jusqu’au moment où il prend la passerelle pour embarquer dans son avion. Avant d’atteindre la salle d’embarquement, le passager présente son passeport au guichet du passage de la Police aux frontières (PAF), lorsqu’il part à l’étranger et en revient. Cette étape classique est suivie d’un passage obligé qui, évoluant sans cesse au gré des crises diplomatiques internationales, est le Poste d’inspection au filtrage (PIF). Le passager traverse cette zone de process de sûreté qui consiste à contrôler les voyageurs (fouille) et les bagages à main, pour détecter la présence éventuelle d’armes ou de bombes.
Pour cet espace particulièrement stressant pour le passager, et qui ne fait que se durcir d’année en année, beaucoup d’efforts ont été faits ces dernières années, afin d’améliorer le ressenti. La tendance actuelle est au regroupement des postes de contrôle au sein d’un espace plus ouvert et convivial. Ce concept a été appliqué au rez-de-chaussée du nouveau bâtiment de liaison des terminaux 2A et 2C de Paris-CDG à Roissy (93), construit en 2012 par ADP. Le vaste espace de 3 400 m
Une organisation spatiale rationnelle
À l’arrivée, lorsque le voyageur débarque, il suit un autre circuit le conduisant à rejoindre la galerie d’arrivée. Puis, il se rend à la salle de livraison des bagages où il récupère ces derniers et entre dans le hall public d’arrivée, où il peut y être attendu. De ce hall, il accède à un moyen de transport urbain (taxi, métro, bus ou car) et rejoint son domicile ou son hôtel.
Pour le voyageur qui sort de l’aérogare et pénètre dans un pays étranger, il est de nouveau sujet au contrôle d’émigration et de sûreté de la Direction de police aux frontières (DPAF), où il présente à nouveau son passeport, puis franchit la douane.
Pour la correspondance, troisième fonction d’une aérogare, son cheminement sécurisé permet au passager, à sa descente d’avion dans l’aéroport de transit où il fait escale, d’être dirigé vers une autre salle d’embarquement, sans passer par la zone publique. Concernant l’organisation des fonctions, le cas le plus fréquent demeure l’aérogare constituée de deux niveaux et demi séparés. Dédié au départ, le niveau supérieur est le lieu où se déploie le circuit du passager jusqu’à la prise de son vol. Dès sa descente d’avion, le retour du passager s’organise sur la mezzanine de l’édifice qui, située au-dessus de la salle d’embarquement, abrite la galerie d’arrivée. Tandis que la zone de livraison des bagages et le hall des arrivées prennent place au rez-de-chaussée de l’ouvrage. L’aéroport de Montréal-Trudeau au Canada répond à cette configuration.
Structurellement, le système constructif le plus courant est celui du socle sur un ou plusieurs niveaux formé de poteaux, poutres et planchers en béton. En variante, l’ossature à poteaux-poutres et planchers peut être réalisée en acier, comme pour l’édifice reliant les terminaux 2A et 2C de CDG à Roissy. Dessus, s’appuie une charpente en métal cintrée de grande portée recevant une verrière qui coiffe l’ensemble. Le profil de la couverture étant issue de l’épure de visibilité propre aux avions. La façade vitrée de la salle d’embarquement est dotée d’un mur-rideau ouvrant sur les pistes.
Pour les aérogares plus vastes, gérant à la fois des destinations locales et internationales, les bâtiments peuvent compter de trois à quatre niveaux. Il en est ainsi de l’aéroport international du Kansai au Japon qui a été dessiné en 1994 par l’architecte Renzo Piano, avec ADP et l’architecte Paul Andreu.
Liaison avec le réseau de transport urbain
Cet immense édifice de quatre étages s’étire sur une île artificielle sur 1,7 km de long. Au contraire, quand le territoire est contraint, l’aérogare se développe de façon verticale et compacte, comme le terminal 5 de l’aéroport de Heathrow de Londres, en Grande-Bretagne, édifié en 2008 par l’architecte Richard Rogers. Pourvu de trois étages et de deux sous-sols, il est relié au corps central de l’aéroport par un train automatique. Chaque aérogare doit, en effet, se connecter aux réseaux de transport de la ville, des routes étant en contact avec elle, au niveau départ, pour permettre aux taxis, bus, navettes... de déposer les passagers.
Aujourd’hui, l’objectif est de rendre l’aérogare accessible aux centres-ville en une dizaine de minutes, par un moyen de transport rapide. Continent en pleine croissance, l’Asie fait figure de modèle pour les Occidentaux, car elle érige des aéroports à la pointe du progrès, dotés d’équipements et de moyens de transports performants. Leurs territoires encore vierges et non-contraints, peuvent se développer sans retenue. Aussi, l’aéroport de Bangkok en Thaïlande bénéficie d’un train aérien rapide, et celui de Changi à Singapour en Malaisie, d’un métro automatique léger, tous deux atteignant le cœur des villes en 10-15 min. La mobilité interne sur le site est également essentielle, le système de transport liaisonnant les différentes aérogares entre elles et les centres d’affaires.
Quant au bloc parking, il n’est jamais glissé sous l’aérogare pour des raisons de sécurité et est positionné en limite extérieure de l’édifice. Au regard de l’évolution des modes de consommation et d’expressions du design, les espaces de vie d’une aérogare, de plus en plus en communication avec le monde entier, risquent encore de changer d’ici à dix ans, voire quinze ans. D’où l’impérieuse nécessité de concevoir des édifices aptes à rendre leurs espaces les plus modulables possibles.