La façade orientée au sud est traitée afin de tirer tous les avantages de la lumière naturelle. Les brise-soleil limiteront les surchauffes en été.
© (Doc. Premier.)
Panneaux solaires et photovoltaïques, traitement différencié des façades en fonction de leur orientation, appartements traversants… Le logement social est le premier à mettre en œuvre les nouvelles exigences réglementaires entrées en vigueur en mars 2007.
Le projet débutera au premier trimestre 2009 dans la région d’Alcala de Henares, au nord de Madrid. Au total, ce sont 69 logements (1) à prix contrôlé qui seront mis en vente. Ces derniers sont l’équivalent des HLM en France, à la différence que ces appartements sont destinés à la vente et que leur prix de vente au mètre carré est plafonné. Il existe deux types de logements « protégés », les basiques d’environ 90 m2, destinés au plus démunis, et ceux à prix contrôlés, qui couvrent environ 110 m2, et dont la qualité est supérieure aux premiers. Le plafond du prix de vente est fixé par les régions autonomes d’Espagne et varie ensuite en fonction de la proximité d’un centre urbain, par exemple. À Madrid, ce prix varie entre 1 500 et 2 100 e/m2, une limite qui oblige les constructeurs à pratiquer un contrôle des coûts rigoureux. Bien entendu, il est interdit de répercuter une éventuelle hausse intervenue lors du chantier sur le prix final.
Les terrains ont été mis en vente par la Communauté autonome de Madrid à travers un appel d’offres auquel 35 constructeurs ont répondu. Qu’est ce qui a distingué le projet de Premier, filiale hispanique des Nouveaux Constructeurs (promoteur immobilier), des autres ? « La prise en compte de l’aspect développement durable dans de nombreuses phases de la construction », affirme Francisco Javier Albanez, directeur général de Premier.
Les dossiers étaient évalués suivant un barème sur 100 points, dont environ la moitié (40) concernait des aspects liés au développement durable. Les autres critères tenaient compte de la qualité architecturale et des modes de financement. Alors que les questions liées à l’environnement ne sont pas encore une priorité en logement social, ce chantier fait figure d’exemple.
En effet, de nombreux aspects rappellent les principes de la construction bioclimatique. Tout d’abord, parce que tous les appartements bénéficient d’une double exposition qui favorise la ventilation naturelle et évite les surchauffes en été. Dans le même ordre d’idées, les façades ont été traitées différemment en fonction de leur exposition et de l’ensoleillement. Ainsi, la façade orientée au nord compte peu d’ouvertures et leurs dimensions sont réduites. À l’inverse, celle orientée au sud est percée de grandes terrasses et de baies vitrées. Elle est également équipée de brise-soleil pour le confort d’été. Parmi les points qui ont fait la différence, l’entreprise a pris en compte l’ensoleillement et assure que 85 % des logements profiteront au minimum de deux heures de lumière naturelle dans le salon le 22 décembre, soit le jour le plus court de l’année. Là aussi, il s’agit d’une préoccupation inédite en Espagne, à plus forte raison en logement social.
Privilégier les énergies renouvelables
Autre point important, le renforcement de l’isolation acoustique, aussi bien entre les pièces d’un même appartement qu’au niveau des circulations. Cela se traduit par des séparatifs qui intègrent entre trois et huit centimètres de polystyrène extrudé. Les canalisations sont également gainées afin d’éviter la propagation des bruits d’eau potable ou de chasse d’eau et les sols sont traités pour réduire le bruit d’impact.
La prise en compte du bruit dans les immeubles est un phénomène nouveau dans la péninsule ibérique. Elle résulte de l’entrée en vigueur en mars 2007 du Code technique de la construction (voir encadré ci-dessus), qui en harmonisant les règles espagnoles avec celles de l’Union européenne, modifie en profondeur le marché et les techniques de construction du pays. Ce texte renforce ainsi les exigences en matière d’isolation phonique et thermique. Sur le chantier d’Alcala de Henares, les valeurs d’isolation thermique ont été améliorées de 20 % par rapport aux exigences du CTE dans la région. Outre une construction qui privilégie l’inertie et les protections passives, les équipements techniques ont aussi été choisis afin d’obtenir les meilleurs rendements possibles. Le Code technique de la construction privilégie les énergies renouvelables, avec en particulier le chauffage de l’eau chaude sanitaire par des panneaux solaires. Dans la région de Madrid, 60 % des besoins en ECS doivent être couverts par des panneaux solaires thermiques. Sur ce chantier, 75 % des besoins sont assurés par 152 m2 de capteurs situés en toiture.
Enfin, poursuivant l’effort en matière énergétique, l’entreprise a ajouté un éclairage fonctionnant à l’énergie photovoltaïque pour les circulations extérieures. Une proposition qui allait au-delà des attentes du concours. Enfin, en matière de chauffage, un système centralisé est prévu, complété par des radiateurs à robinets thermostatiques dans chaque appartement. Une solution peu répandue en Espagne, où l’habitude consiste à installer un système de chauffage par logement en résidentiel collectif. Ce choix permet de réduire les opérations de maintenance et d’améliorer globalement la fiabilité du système.
Afin de diminuer les consommations d’eau, les WC sont équipés de chasses d’eau à doubles réservoirs. Des citernes de récupération des eaux pluviales ont été installées pour l’arrosage au goutte-à-goutte des jardins. Bien entendu, les aspects liés aux économies d’énergie et à l’efficacité des équipements techniques n’éludent pas les questions propres aux logements sociaux, comme l’utilisation optimale de la surface utile, un prérequis incontournable sur ce genre d’opération ou encore l’intégration de trois éléments en préfabriqué.
15 % du budget en études préliminaires
Parmi les nouvelles exigences du CTE, les entreprises de construction ont désormais l’obligation d’intégrer des éléments préfabriqués dans leurs réalisations. Une demande qui peut surprendre en France, mais qui se justifie dans le contexte espagnol. En effet, la construction ibérique est dominée par l’artisanat à 80 %, ce qui implique des délais de réalisation sans commune mesure avec le reste de l’Europe et classe l’Espagne parmi les pays à la plus faible productivité. Afin de changer les habitudes constructives, le CTE impose désormais le recours à des éléments préfabriqués sur chaque chantier. L’objectif étant d’augmenter peu à peu la part de préfabrication par rapport à l’artisanat. Pour cet immeuble de logements sociaux, les constructeurs ont opté pour des escaliers, des cloisons en plaque de plâtre et des brise-soleil préfabriqués.
Autre différence par rapport à la France, l’usage de la céramique est très répandu et synonyme de qualité. Le pays étant un grand producteur et un grand consommateur de ce matériau, les prix varient de deux centimes à un euro la pièce. Une diversité d’offre qui permet de trouver le produit idoine dans une gamme de prix en adéquation avec les logements à prix limité.
Au final, la construction de cet immeuble devrait coûter 6,8 Me, dont 15 % ont été consacrés aux études préliminaires. Les choix techniques qui prennent en compte le fonctionnement du bâtiment permettent aux promoteurs de tabler sur un retour sur investissement au bout de sept ans, pour un prix au m2 de 1 586 e.
Le secteur du logement social est rigoureusement contrôlé par le service du logement de chaque région. A Madrid, les prix de vente sont vérifiés au centime d’euros près par le service du logement de la communauté régionale. Même en cas de revente ultérieure, les prix sont toujours soumis au contrôle de la région pendant plusieurs années. Ces contraintes obligent les promoteurs à réaliser des études rigoureuses, aussi bien sur la nature et la composition du terrain, que sur les matériaux et les techniques de construction. Les logements sociaux étant soumis à davantage de contraintes et d’exigences, ils sont le plus souvent de meilleure qualité que ceux du secteur libre. Ce sont donc des moteurs de l’innovation. Compte tenu de la crise de l’immobilier actuelle en Espagne, ces logements sont aussi ceux qui se vendent le mieux.