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Au travers de la qualification d’Epers, la jurisprudence fait intervenir la responsabilité décennale des constructeurs et la garantie du vendeur à raison de vices cachés, restreinte aux équipements et parties d’ouvrage conçus spécifiquement pour un chantier.
Dans le cadre d’une construction spécifique, les fabricants et fournisseurs peuvent être soumis à une responsabilité décennale ou à la garantie de vendeur à raison de vices cachés, selon la qualification juridique qui est donnée au produit qu’ils fournissent à leurs clients entrepreneurs. Ils sont soumis à la garantie du vendeur pour tous les matériaux ou équipements ordinaires, standard, qu’ils livrent et qui vont entrer dans un ouvrage réalisé par l’entrepreneur. Mais, le sont-ils encore quand ces matériaux ou équipements sont élaborés, fabriqués, assemblés selon un descriptif concernant un bâtiment ou un ouvrage déterminé ?
La loi du 4 janvier 1978 a, en effet, créé une nouvelle catégorie de produits soumis à la garantie décennale par les dispositions de l’article 1792-4 du code civil et identifiés par les professionnels sous le vocable d’Epers : élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire (dans le cadre de l’assurance construction). Depuis de nombreuses années, la jurisprudence s’efforce de définir la nature et la finalité de cette création juridique, ainsi exprimée dans l’article 1792-4 : « Le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré ». Ce texte laissait à penser aux professionnels de la construction que les responsabilités décennale et de bon fonctionnement allaient s’étendre aux fabricants. Ce qui est partiellement vrai, la Cour de cassation ayant progressivement restreint la portée de texte.
Un élargissement improbable de la notion d’Epers
Tout d’abord, en notant que cet article 1792-4 ne pouvait concerner les matériaux amorphes tels que sable, ciment, graviers, agrégats, ni les tuiles et ardoises qui ne peuvent être considérés comme ouvrage. Restait à préciser les notions de « partie d’ouvrage » et « d’équipement » citées par la loi. La Cour de cassation a consacré une jurisprudence de plus en plus restrictive sur cette notion d’Epers en bâtissant son appréciation sur la conception, la production et la finalité du produit en question, telles que précisées dans le texte lui-même. Ainsi, l’arrêt du 19 octobre 2003 de la 3e chambre civile a rejeté la notion d’Epers « en considérant que la sté Frimatec avait livré un entrepôt frigorifique en panneaux démontables, sans mise à disposition d’un monteur, et en constatant qu’il n’était pas établi que ces biens répondaient à des exigences précises et déterminées à l’avance… ». En revanche, elle l’a accepté pour qualifier un plancher chauffant, une pompe à chaleur, un poulailler industriel, une coque de piscine… autant de parties d’ouvrage spécifiques répondant aux critères du texte.
Le produit, pour prétendre à la qualification d’Epers, doit au surplus être mis en œuvre par un entrepreneur titulaire d’un contrat d’entreprise. La 3e chambre civile l’a précisé dans son arrêt du 13 novembre 2003 : « L’article 1992-4 ne peut s’appliquer lorsque le produit a été posé directement par le maître de l’ouvrage acheteur ; il s’agit alors d’un contrat de vente ».
La qualification d’Epers est importante car elle conduit à l’application de la garantie décennale et de bon fonctionnement plus favorable au maître d’ouvrage (notamment en cas de dépôt de bilan de l’entreprise), lui permettant d’atteindre le fabricant sur la base d’une responsabilité de plein droit en apportant la seule preuve du désordre. Notons que le Bureau central de tarification en assurance obligatoire retient, en matière amiable, plus facilement la notion d’Epers.
Les dispositions légales précises données par l’article 1792-4 ne permettent pas un élargissement de la notion d’Epers. Cette responsabilité des fabricants et des fournisseurs ne concerne finalement que quelques produits conçus et exécutés pour un chantier déterminé, sans modification aucune par l’entrepreneur. À l’exception de ces cas précis, le maître de l’ouvrage recherchera, sur le fondement des articles 1792 et suivants, la responsabilité de l’entrepreneur qui appellera en garantie son fournisseur au titre de son contrat de vente et de sa garantie des vices cachés.