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ENTRETIEN Le bois s’ouvre aux produits techniques recomposés ou restructurés

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ENTRETIEN Le bois s’ouvre aux produits techniques recomposés ou restructurés

Lamellé-collé, bois chauffé, triply, association au métal, renforcement au carbone, évolution des collages… Le bois n’en finit pas d’évoluer techniquement. Daniel Guinard, directeur général du Centre technique du bois et de l’ameublement, évoque ses avancées technologiques et l’évolution des mentalités concernant ce matériau.

Les Cahiers techniques du bâtiment : Le bois apparaît de plus en plus fréquemment aux côtés d’autres matériaux dans les projets de construction. À quoi attribuez-vous cet engouement ?

Daniel Guinard : L’élément ma­jeur de ces dernières années est l’évolution des mentalités des acteurs de la filière bois. L’ensemble du secteur a pris conscience qu’il fallait proposer le matériau bois là où il avait sa place et d’éviter de le placer partout. L’alliance du bois avec d’autres matériaux permet de valoriser les atouts de chacun d’eux, tout en bénéficiant des avantages du bois dans la construction en matière d’aspect, d’esthétique, de thermique ou de confort. Le deuxième aspect de l’évolution du secteur concerne les matériaux. La tendance – pas forcément visible pour les non-spécialistes – montre une forte progression de l’utilisation des bois recomposés ou restructurés et une diminution de l’utilisation du bois massif. Le bois recomposé, dont le lamellé-collé est l’exemple le plus connu, réduit fortement les risques de déformation des composants industriels tout en conservant l’aspect du bois massif. Quant au bois restructuré, il couvre le domaine très diversifié des panneaux agglomérés à petites ou grandes particules, du MDF, du panneau de fibres, du HDF… Outre l’amélioration des performances mécaniques des composants, on ne peut pas dire que ces techniques de fabrication entraînent un surcoût par rapport au bois massif. Dans le cas des grandes portées, le lamellé ouvre de nouveaux champs d’application que le massif ne peut satisfaire. D’autre part, certaines techniques anoblissent des bois de qualité secondaire, forte production de nos forêts et donc moins onéreux. Et les bois massifs de belle qualité sont plutôt destinés aux secteurs de l’ébénisterie. De plus, les processus industriels permettent de valoriser des copeaux ou des chutes en réalisant des composants dont les caractéristiques mécaniques sont plus élevées que celles d’un produit en bois massif issu d’arbres de qualité supérieure. Enfin, le renouveau du bois vient également de la prise en compte de son importance écologique, puisque en emmagasinant le C0, le bois participe, quelle que soit sa forme (de l’arbre à la pâte à papier), à la lutte contre l’effet de serre. C’est un matériau biodégradable qui, utilisé comme combustible, permet d’économiser les énergies fossiles dont les réserves ne sont pas inépuisables.

CTB : Cette évolution est-elle favorable au développement de la technique du lamellé-collé ?

D. G. : L’image du lamellé-collé est encore trop fortement liée à celle des grands ouvrages. Les acteurs du secteur orientent leurs efforts vers une banalisation des composants afin qu’ils puissent être prescrits dans tout type de bâtiment. Les poutres standardisées concurrencent techniquement et économiquement les poutres en bois massif ou en béton. Les poutres composées en I ou en H avec âme en bois ou métallique offrent des solutions techniques intéressantes, mais leur design reste cependant à perfectionner. Encore peu développés en Europe, des produits structurels nobles (Paralam, Intralam) peuvent être fabriqués en valorisant une matière première peu chère. Les chutes résultant du déroulage du bois sont découpées en longues lanières de 2 mm d’épaisseur et assemblées par une résine afin de reconstituer une pièce monobloc. Une autre solution consiste à utiliser des copeaux longs en bois de qualité secondaire. Présentant un aspect de surface agréable, tous ces produits sont appelés à se développer industriellement.

CTB : Quelles sont les avancées en termes de systèmes d’assemblage ?

D. G. : Les systèmes d’assemblage évoluent grâce à une approche plus performante des calculs de résistance et à la recherche d’un meilleur aspect visuel. Les solutions proposées sont variées : elles utilisent du métal solidarisé au bois par diverses résines dont les caractéristiques techniques sont maintenant bien maîtrisées. Dernière en date, la technique des assemblages par goujons collés semblent avoir un bel avenir. Elle permet notamment de cacher la pièce métallique de liaison dans la masse du bois. Les rapprochements entre fabricants de connecteurs et utilisateurs cherchant de nouvelles performances permettent de créer des formes de pièces de reprise ou d’ancrage qui valorisent les assemblages. Les pièces efficaces mais peu esthétiques – chevêtres en tôle pliée, par exemple – restent utilisées quand elles sont camouflables. Ces évolutions technologiques sont soutenues par des méthodes – de plus en plus pointues – de calcul de résistance mécanique au droit des assemblages.

CTB : Quel est l’avenir du bois chauffé à haute température ?

D. G. : Nouveau produit très intéressant, le bois chauffé à haute température n’est pas destiné à se substituer au bois dans tous ses usages. Ce bois « brûlé », qui a subi un début de pyrolyse, résiste aux insectes et aux champignons, mais pas aux termites friands de la cellulose non détruite par le traitement. Ses qualités le prédisposent, sans traitement chimique supplémentaire, à beaucoup d’usages en zone « non termitée » et à un usage bien maîtrisé en zone « termitée » (en évitant par exemple le contact avec le sol). Selon les différents processus industriels testés en France, le bois est porté à une température variant de 180 ° à 210-220 °C. Le bois ainsi chauffé perd une partie de ses qualités mécaniques. Plus cassant, il résiste moins bien aux chocs et à la flexion. En approfondissant la connaissance des procédés, il est probable que les propriétés mécaniques de ce nouveau matériau seront affinées et pourront être améliorées. Aussi est-il préconisé, à l’heure actuelle, uniquement pour des utilisations non travaillantes. Dans le domaine des bardages, le peuplier ou les bois résineux chauffés, résistant à une exposition temporaire à l’humidité, offrent des coloris marron plus ou moins foncés. Le bois chauffé est également très utilisé dans les aménagements intérieurs pour ses couleurs originales ou pour sa résistance à l’humidité : revêtements de sol de pièces humides, caillebotis sur terrasse ou même lavabos en bois !

CTB : Quelle garantie de dura­bilité aura-t-on lorsque les produits de préservation des bois, agressifs pour l’environnement, seront interdits par une directive européenne ?

D. G. : Il faut distinguer les produits de traitement et ceux de finition. Ces derniers ne posent pas de problème et s’améliorent progressivement. Ainsi, les peintures opaques ont une durée de vie décennale, tandis que celle des lasures varie en moyenne de cinq à sept ans (contre dix-huit mois il y une quinzaine d’années) selon l’exposition, l’essence et la couleur utilisée. La préoccupation majeure concerne les produits de traitement, agressifs pour l’environnement. La directive européenne « biocide » établira une liste d’une vingtaine de produits de base agréés, alors qu’actuellement environ 80 produits sont utilisés. Quant au CCA (chrome–cuivre–arsenic) – utilisé pour les bois fortement exposés ou en contact avec le sol –, il doit disparaître au plus tard le 30 juin 2004. Son usage est d’ores et déjà limité. Mais le manque de recul pour valider les produits de substitution ne permet pas encore son interdiction totale. En revanche, pour les menuiseries, charpentes ou bois humidifiés temporairement, des traitements de substitution sont déjà connus et certifiés CTB P . Aujourd’hui, le concepteur ou l’utilisateur est de plus en plus concerné par les qualités des essences choisies en fonction de leur destination. Sur un projet, le choix d’une essence appropriée (essence durable, bois chauffé…), intégrée dans une conception architecturale qui protège le bois (avancée de toit, exposition…), permet de limiter l’usage des produits chimiques de préservation et de réduire leur impact sur l’environnement.

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