© (Doc. ADP.)
Tous les équipements, assurant la sécurité et le confort d’un nombre croissant de voyageurs, doivent rester fiables alors que les cadences en terme de flux sont de plus en plus élevées. Revue de détail avec Michel Gault, ingénieur en chef équipement à la direction de l’équipement des Aéroports de Paris.
Les Cahiers techniques du bâtiment : Quelles sont les spécificités de fonctionnement d’un aéroport et quelles sont les incidences sur les différents équipements à mettre en place ?
Michel Gault : Un aéroport se caractérise par des surfaces importantes consacrées aux avions et par une population variée : passagers en partance, à l’arrivée, leurs accompagnants et attendants, passagers en correspondance, personnels des compagnies aériennes, de l’aéroport, des sociétés de services… Les trafics en constante augmentation génèrent des flux de personnes qu’il faut absolument séparer. La situation s’est complexifiée depuis quelques années avec la création des hubs. Ces pôles d’échanges fonctionnent par vagues pendant des durées d’environ une heure durant laquelle des dizaines d’avions atterrissent et décollent, et des milliers de passagers et de bagages sont transférés d’un point à un autre de l’aéroport. Le tout dans un contexte sécuritaire énormément renforcé. Le choix des différents équipements dépend donc de toutes ces contraintes, avec trois objectifs majeurs : assurer une sécurité maximale, augmenter le confort des passagers et améliorer les conditions de travail des personnels.
CTB : La sûreté d’un aéroport implique d’abord un contrôle des passagers et des employés travaillant sur la zone ?
M. G. : La prévention des actes illicites nécessite une nouvelle organisation, une adaptation des installations et un investissement important en machines de détection et de contrôle. Pour les personnes, le contrôle manuel de l’identité n’est pas assez efficace et les badges magnétiques facilement échangeables. C’est pourquoi, nous nous tournons vers les systèmes biométriques qui permettent d’identifier et d’authentifier une personne à partir de la reconnaissance de son caractère unique et immuable. Nous testons trois techniques (reconnaissance du visage, de l’iris, des empreintes digitales) sur des employés travaillant en zone de sûreté. Les résultats avec les empreintes (système Sagem) sont bons. Reste à connaître la fiabilité des solutions par grand trafic et leur acceptation par le public. Les techniques biométriques de contrôle d’accès peuvent être associées, au niveau d’un sas, à un système de lecture automatique des passeports (en préparation) et peuvent aussi être utilisées pour comparer l’identité des passagers enregistrés à celle des passagers embarquants, grâce à un marquage biométrique consigné sur la carte d’embarquement. La solution est d’ailleurs à l’étude pour l’aéroport de Dubaï. Vis-à-vis des personnels, la biométrie permet de vérifier s’ils sont autorisés à entrer dans la zone réservée. De nouveaux badges fondés sur les technologies des cartes à mémoire à lecture et écriture sans contact (Inside Technologies, Philips) vont assurer un contrôle en temps réel.
CTB : Et pour les bagages ?
M. G. : Pour les bagages à main ou de soute, l’objectif de sûreté consiste à vérifier l’absence d’objets interdits, en particulier d’explosifs. L’inspection est réalisée avec plusieurs types d’équipements aux rayons X : des EDS (explosive detection systems) pour les contrôles primaires (de niveau 1 et 2), des tomographes pour les analyses approfondies (niveau 3), des machines pour les colis hors format, des détecteurs de traces d’explosif. Les machines rapides examinent 1 200 bagages à l’heure, les lentes (plus performantes en détection) 300 bagages par heure mais nous demandons aux fabricants (Heimann, L3 Com, In Vision) davantage de performances en détection et rapidité, et de fiabilité compte tenu des conditions (températures, débits) dans lesquelles elles doivent fonctionner. Mais le contrôle de la sûreté des bagages ne dépend pas que des produits. L’intégration des équipements dans le processus d’enregistrement, leur redondance ou leur optimisation lors de la reconfiguration des systèmes de tri de bagages, la formation des personnels au maniement des appareils et à l’analyse des images sont également essentielles. On se dirige d’ailleurs vers une traçabilité des bagages dès leur prise en charge, ce qui offre des avantages en termes de sûreté (localisation à tout moment) et de traitement (type de circuit approprié). C’est la raison pour laquelle la tendance, en matière de convoyage des bagages, est au remplacement des tapis roulants (convoyeurs à bandes) par des chariots automatisés sur rails (Destination Coded Vehicle de Teleflex ou Beumer) – comme à Denver (États-Unis), Lutton (Royaume-Uni), Bordeaux et Toulouse – ou de bacs individuels sur convoyeurs – comme pour le terminal 2 E de Roissy. Inconvénients des tapis : des problèmes de fiabilité (blocages), de cadence à l’entrée des machines de contrôle et des difficultés d’identification. Avantage des chariots et bacs : un suivi et une gestion individualisée des bagages qui améliorent la sûreté et la qualité de service. En fin de circuit, la volonté d’empêcher l’introduction d’objets et l’infiltration de personnes dans la zone bagages via les carrousels de livraison conduisent à installer des détecteurs sur les équipements existants et à concevoir des carrousels fonctionnant en boucle uniquement dans la zone passagers.
CTB : N’assiste-t-on pas aussi à un accroissement du nombre de caméras de vidéosurveillance ?
M. G. : Les aéroports s’équipent de caméras couleur haute résolution, soit traditionnelles (type SSC-DC 398 de Sony), soit minidômes antivandalismes et étanches (type SSC-CD53VP). Installées dans des endroits stratégiques, elles doivent être à la fois discrètes, esthétiques, résistantes et d’une grande qualité d’image. Elles sont utilisées pour la vidéosurveillance des accès, des tunnels à bagages… mais aussi, avec l’aide d’un système de traitement d’images et d’algorithmes de calcul, pour le comptage de personnes et donc la résorption des files d’attente par optimisation du nombre de guichets ouverts. Reste le problème de la gestion de toutes ces images…
CTB : L’amélioration du confort des passagers, sous toutes ses formes, est l’autre impératif d’un aéroport. Quels équipements et systèmes vont y contribuer ?
M. G. : Le confort ne résulte pas seulement de la réduction des temps d’attente (à l’enregistrement, à l’embarquement, à la livraison des bagages). La qualité et la rapidité des transferts commencent dès les premiers pas dans les passerelles d’accostage, qui deviennent largement ou totalement vitrées (Sovam, Thyssen), continuent avec les escaliers mécaniques, les ascenseurs et surtout les tapis roulants. ADP contribue au développement du trottoir roulant accéléré Gateway de la Cnim, expérimenté à la station de métro Paris-Montparnasse. Compte tenu des trafics prévisibles, c’est le métro léger VAL qui est retenu pour la future desserte interne de l’aéroport de Roissy, prévue d’ici trois ans, et en particulier pour les transferts entre les aérogares CDG 1 et CDG 2. Une information rapide et fiable, sur les vols, les retards ou encore les avaries, participe également au confort des passagers et les nouveaux écrans à cristaux liquides de type TFT, de 40 pouces, gagnent du terrain sur les modèles à plasma car ils sont plus fiables, d’une aussi bonne qualité, d’une durée de vie doublée et d’une maintenance simplifiée. 300 cents écrans – 800 à terme – vont équiper le nouveau terminal 2 E de Roissy et diffuser les informations sur les vols mais aussi, pour certains, des recommandations pratiques, des films de détente et de la publicité, avec l’aide d’un opérateur de diffusion. Autre innovation en matière d’information visuelle : la mise en place de panneaux-supports minces en polyméthacrylate, à éclairage tangentiel, à la fois esthétiques et faciles à remplacer. Côté messages sonores, les grands éléments de verre, béton et marbre des aéroports constituent des surfaces réfléchissantes difficiles à sonoriser; Or, la diffusion d’informations intelligibles – en particulier les messages de sécurité – est indispensable. Intégrant le retour d’expérience du terminal 2 F où les péninsules d’embarquement tout en verre ont posé des problèmes, ADP a choisi pour le terminal 2 E des enceintes « intelligentes » à amplification directionnelle Axys et un système de gestion IED pouvant stocker 2 000 messages en huit langues.