Comme précisé dans le plaquette du Château Palmer à Margaux (33) (grand cru classé) : « Dans le clair-obscur des chais, le vin est élevé pendant près de deux ans, au sens propre comme au figuré ». (Architecte, Christophe Massie, Agence de l’Arsenal - Concepteur lumière, Géraud Périole - Fabricants matériel d’éclairage : Modular, Bega, Artemide, Platek.)
© (Doc. Géraud Périole.)
Les chais ne sont plus seulement lieu de travail, ils s’ouvrent de plus en plus à l’œnologie touristique et font aujourd’hui l’objet de toutes les attentions, tant en termes d’accompagnement de nouvelles architectures, que d’économies d’énergie, mais aussi de créations d’ambiances pour accueillir les visiteurs.
Philippe Roudié, spécialiste de la géographie viticole bordelaise, et auteur de nombreux ouvrages en la matière, écrivait en 1996, dans « Bordeaux, vignoble millénaire » (collectif Gérard Aubin, Sandrine Lavaud, L’Horizon Chimérique) : « Ces chais sont sans doute l’élément le plus impressionnant et le plus typique du château. Leur atmosphère, maintenue à température égale, leur confère une sorte d’immuabilité, de vie au ralenti, dans une pénombre qui contraste avec l’animation du cuvier au moment des vendanges, ou avec le vrombissement des machines dans les hangars. »
Aujourd’hui, les chais sortent de cette pénombre dans tous les sens du terme : tout d’abord, par les architectes tels que Ricardo Bofill, Christian de Portzamparc, Mario Botta, Herzog & de Meuron, Jean Nouvel, Norman Foster qui signent des extensions ou des rénovations de grands châteaux. Et aussi, par le fait que les chais eux-mêmes s’ouvrent au public. Dans ce contexte, l’éclairage subit la même évolution : de fonctionnel et utilisé seulement lors des opérations ponctuelles dans les chais, il est allumé plus souvent et plus longtemps lors des visites.
Architecture, conception lumière et grands millésimes
Depuis quelques années, les domaines viticoles du nord de l’Espagne font de plus en plus figure d’Eldorado de l’architecture d’exception. Des édifices tels que le chai de Marqués de Riscal, conçu dans le style du Musée Guggenheim de Bilbao, sont les fleurons de cette compétition. La cave Bodegas Portia (architecte Foster + Partners), dans la région de la Ribera del Duero, en est l’illustration avec une mise en lumière signée du concepteur lumière Claude R. Engle, quatrième du nom. Depuis le centre de l’installation, trois ailes se déploient vers l’extérieur et abritent, chacune, l’une des trois étapes de la vinification : fermentation dans une cuve en acier, maturation en fûts de chêne et enfin, mise en bouteille, puis stockage. Le cœur opérationnel de l’installation réside au centre du complexe d’où sont supervisés et pilotés tous les processus en cours dans chaque aile et où se situe l’espace public qui comprend une boutique, une salle de dégustation et un restaurant. Entre deux étages, des galeries vitrées offrent aux visiteurs une vue dégagée sur les processus de production de chaque aile.
Le concept d’éclairage reprend ce principe de transparence avec une lumière majoritairement discrète et des accents choisis : dans l’aile dédiée à la maturation, seuls les indicateurs de température, becs verseurs et ouvertures de cuves sont éclairés par des cônes lumineux d’accentuation, suffisants pour permettre aux professionnels de travailler. Dissimulées entre les lames en bois du plafond, les lampes fluorescentes pour l’éclairage industriel ne sont donc utilisées qu’occasionnellement. À Bodegas Portia, le vin en sommeil mûrit en barrique de façon traditionnelle. Des projecteurs Gimbal Erco pour lampes aux iodures métalliques 20 W avec réflecteur Spherolit plongent les fûts de chêne dans une lumière chaude, tandis que les voies de circulation des chais se détachent par leur éclairage d’une température de couleur plus froide. L’aile du bâtiment dédiée au stockage des bouteilles est équipée de projecteurs Erco Parscan munis de réflecteurs Flood pour lampes halogènes basse tension 100 W. Dans les zones de production, un éclairage de surface haut de gamme était souhaité pour les espaces ouverts au public du centre de la Bodega. Surfaces nobles en bois et couleurs feutrées confèrent une touche particulière au restaurant, au bar et à la salle de dégustation qui sont éclairés de downlights pour lampes halogènes très basse tension 75 W, intégrés au plafond à lamelles verticales. Pour la conception des murs, on a eu recours en plus de l’art moderne, aux douvelles de vieux fûts qui sont mises en lumière par des projecteurs à faisceau mural Parscan.
En France, le Château Palmer, à Margaux (33), a bénéficié d’une rénovation en 2012 (architecte Christophe Massie) qui inclut une requalification de l’éclairage du cuvier et des chais.
« Chaleur du velours, noblesse du cuir… »
Si ces expressions sont tirées de la présentation de Château Palmer, elles pourraient aussi s’appliquer à la mise en lumière définie par le concepteur lumière Géraud Périole.
L’étude d’éclairage devait prendre en compte tous les aspects de vinification et du caractère du vin, car la lumière accompagne les arômes, à l’instar des couleurs du vin, des cuves et des barriques, ainsi que celles de l’architecture. Dans le cuvier, l’imposante charpente en bois adoucit de ses reflets dorés l’éclat métallique des cuves où le raisin est déversé pour rendre son jus pendant plusieurs semaines avant d’être transféré dans les chais. Au-dessus des cuves a été installé un plancher de bois blond, soutenu par de larges poutres. Lieu de travail avant tout, le cuvier doit bénéficier d’un éclairage puissant et efficace, ici réalisé grâce à des suspensions équipées de lampes halogènes, tandis que sous la mezzanine des appareils avec lampes dichroïques sont allumés à 30 % de leur flux initial lors des visites. Le grand chai dispose des mêmes suspensions, mais équipées de lampes aux iodures métalliques, tandis que les petits chais combinent un éclairage fluorescent au-dessus de l’allée centrale et deux rangées latérales de petites suspensions de même type, équipées de lampes aux iodures métalliques.
Toujours à Margaux (33), Géraud Périole travaille à l’éclairage des nouveaux chai et cuvier (architecte, Fabien Pédelaborde) du Château d’Alesme Becker, récemment repris par Nathalie Perrodo qui s’emploie à redresser la qualité du vin et à reconstruire les bâtiments. Dans ce contexte, le concepteur lumière a fait le choix de la Led pour l’éclairage des visites, et celui de la fluorescence pour les zones techniques. « Aujourd’hui, les chais sont de plus en plus souvent et longtemps éclairés, les sources basse consommation s’imposent donc, avec notamment la fluorescence, mais aussi la Led dont les qualités de blancs permettent désormais de créer des ambiances chaleureuses ».
Led : ajuster la couleur à la robe du vin
Le Château Montrose, à Saint-Estèphe (33), connaît lui aussi une rénovation importante. Et la maîtrise d’œuvre, Bouygues Rénovation privée et Yves Grémont (architecte des Bâtiments de France), a fait le choix, dès le cahier des charges, d’un éclairage linéaire avec un IRC élevé. Vincent Dechaene, concepteur lumière, a fait appel à l’expertise de Neolux pour développer un chemin lumineux 100 % Led spécifiquement adapté. « Pour chaque espace accompagnant la vie du vin, nous avons constitué une offre sur mesure de luminaires Led Vineo. L’éclairage n’est plus une contrainte risquant d’altérer le contenu des flacons, mais redevient un facteur de valorisation », explique Ludovic Labidurie, P.-d.g. de Neolux.
Ainsi, les trois chais sont équipés de plus de 350 m linéaires de chemins lumineux développés sur mesure. Ils sont installés en suspension, à environ 3 m de hauteur au-dessus des barriques, dans le plus grand chai (1 000 m² - 11 m de hauteur) dédié à l’élevage des plus grands vins de Château Montrose, offrant une répartition parfaite de la lumière sur sept rangées de barriques, un effet lumineux homogène pour chacune des travées et des espaces de circulation, et un éclairage dynamique permettant d’ajuster la température de couleur selon les besoins. Le Flex Led Pro Vineo dynamique offre une puissance de 19 W/m sur profilé aluminium avec la source lumineuse dirigée vers le bas et un angle de diffusion à 45°. Pour chaque rangée de près de 32 m de long, l’accrochage en suspension s’est effectué par élingues de 8 m chacune.
Le fabricant a également opté pour la gamme Vineo pour éclairer l’escalier monumental des salons de la Veuve Clicquot (MHCS) à Épernay (51), où l’or champenois pétille sous les lumières électroluminescentes.