Aujourd’hui, l’image que l’on se fait d’un bâtiment performant passe par le recours aux énergies renouvelables. Cela se traduit notamment dans la réglementation thermique actuelle et celle à venir par une valorisation de solutions techniques spécifiques et l’avènement du Bepos à l’horizon 2020. Toutefois, les retours d’expérience sur des bâtiments en exploitation depuis plusieurs années démontrent que l’efficacité des solutions intégrant les énergies renouvelables est très loin d’être à la hauteur des attentes. Pourquoi, dès lors, ces solutions sont-elles retenues ?
La maîtrise d’ouvrage, acteur censé ne pas disposer de compétences techniques, peut faire preuve d’obstination afin d’afficher sa motivation à protéger l’environnement en faisant installer coûte que coûte des technologies « visibles ». Ainsi, couramment, des systèmes solaires thermiques sont mis en œuvre en toiture de bâtiments publics (mairies, écoles, etc.), alors que le puisage d’eau chaude sanitaire s’avère faible, voire nul, surtout en été. Il s’ensuit alors des surchauffes récurrentes, avec une dégradation des équipements, ainsi que des consommations spécifiques d’électricité utiles à la circulation des fluides supérieures à ce que serait la consommation de préparateurs d’eau chaude sanitaire instantanés. Dans un cas rencontré récemment, la maîtrise d’œuvre s’étant engagée dans le cadre d’un concours, il n’a pas été possible de remettre en cause une installation solaire thermique sur le toit d’une mairie, malgré un résultat très médiocre sur les plans énergétique et économique.
Ce cas réel illustre parfaitement les difficultés que rencontre la maîtrise d’œuvre, et tout particulièrement les bureaux d’études, pour disposer d’arguments tangibles sur les performances en exploitation des solutions techniques. La contrainte réglementaire accrue s’est traduite par une optimisation du calcul conventionnel aux dépens de la performance en exploitation. Le réflexe devient l’empilement de technologies performantes sur le papier pour atteindre une cible virtuelle de consommation sans lien avec la réalité. Comme un enfant s’applique à "scorer" sur sa console.
Le décalage avec le terrain devient palpable au quotidien. Une défiance s’installe entre les bureaux d’études et les entreprises pour tout choix technique non explicité. Constat est fait, d’ailleurs que, trop souvent, le cahier des clauses techniques particulières tient du document standard adapté à la marge. Le projet de l’équipe passe alors d’une envie de "construire bien" à celle d’en finir au plus vite. Et l’on "se refile la patate chaude" avec sa cohorte de conflits, d’insatisfactions et de frustrations.
Comment passer sous silence ces bâtiments dits « performants » sur la feuille de calcul, mais dont le système de ventilation double flux - avec récupération de chaleur et variation de vitesse des motoventilateurs - est si perfectionné qu’il faudra deux hivers pour la mise au point de son contrôle commande. Une fois livré, le bâtiment vivra sa vie tant bien que mal avec ses technologies empilées, sa gestion technique à mettre au point. L’exploitant fera de son mieux pour piloter l’installation ; cible des critiques des usagers, son souci sera alors leur satisfaction, pas la performance énergétique du bâtiment.
Car le drame réside dans cette inadéquation du processus pour produire ce qui est dû : un bâtiment confortable pour les occupants, performant sur le plan énergétique et dont le coût de construction reste raisonnable. Les retours d’expérience de bâtiments instrumentés en sont la preuve : les énergies renouvelables ne constituent que des solutions parmi d’autres. Le fond du problème de la performance énergétique et du confort reste bel et bien l’organisation et la structuration des projets, qui restent en décalage avec les ambitions affichées. Cette mutation ne peut pas être instantanée et doit être accompagnée par un effort de formation fondé sur les retours du terrain, avec un regard critique sur les pratiques de chacun.
Énergies renouvelables : passons des cibles virtuelles aux performances réelles
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