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Eau Mieux consommer en l’utilisant deux fois

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Eau Mieux consommer en l’utilisant deux fois

Le système Aquacycle bénéficie d’un Avis technique qui spécifie ses conditions d’emploi. Il permet la réutilisation des eaux usées, après une succession de filtres et de décantations, pour l’alimentation des réservoirs de chasse.

© (Doc. Hansgrohe.)

Générant des économies massives, la récupération d’eaux de pluie exige un investissement important. Il serait mieux amorti si les eaux grises étaient également recyclées et rendues propres pour être utilisées.

Leau est perçue aujourd’hui comme une ressource limitée et menacée dont le prix ne cessera d’augmenter. Pour faire baisser la facture, il convient de modifier les comportements afin d’optimiser son utilisation. Il devient également opportun d’avoir recours à des ressources alternatives telles que la récupération des eaux pluviales, grises (1) ou noires (2) pour des usages ne nécessitant pas obligatoirement l’utilisation d’eau potable afin de réduire le montant des factures d’eau. En France, pour le moment, seules les eaux de pluies sont réellement prises ­en compte alors que d’autres pays européens prennent en considération les eaux grises. Il est possible de commencer à économiser de l’eau potable en modifiant certaines « mauvaises » habitudes, acquises à l’époque où elle était abondante et bon marché. Les comportements évoluent grâce à des gestes ou à des actions simples et évidentes. Dans la salle de bains, la douche doit être préférée au bain. Le calcul est simple : une douche représente une consommation d’environ 15 litres à la minute (et moins si la douche est équipée d’un régulateur de débit) tandis qu’un bain nécessite jusqu’à 200 litres d’eau.

Des chasses d’eau « 2 vitesses »

Qui remplace un bain quotidien par une douche de 10 minutes peut ainsi économiser presque 20 m3 d’eau en une année. Autre habitude : laisser couler l’eau quand ce n’est pas absolument nécessaire. Ainsi, lors du brossage de dents, cela peut produire un gaspillage de l’ordre de 2 à 10 m3 par an et par personne. Il est demandé de faire le petit effort consistant à fermer le robinet chaque fois que l’eau n’est pas nécessaire plus de quelques dizaines de secondes. Dans les toilettes, la plupart des réservoirs de W-C ont un volume de 9 litres. Chaque personne consomme quotidiennement une cinquantaine de litres d’eau potable utilisant les toilettes plusieurs fois par jour. Les chasses d’eau « 2 vitesses », qui se généralisent, apportent une première solution intéressante, permettant d’économiser de 5 à 7 m3 par an par personne. Dans la cuisine, laver ses légumes, salades et autres fruits au-dessus d’un bol permet de récupérer l’eau utilisée pour arroser les plantes. Il est simple de ne pas laisser couler l’eau pendant la vaisselle, de ne pas prélaver les ustensiles destinés au lave-vaisselle ou de s’assurer que la machine est pleine avant de lancer un cycle de lavage. Idem avec le lave-linge. Une importante réduction de la consommation d’eau peut également être obtenue en limitant le débit des robinets et en équipant leur bec d’un mousseur. Pour un jet confortable, il suffit d’un débit de 6 litres par minute. Or, on observe que les robinets ont généralement des débits de plus de 10 l/minute. Dans l’industrie et dans l’hôtellerie, des régulateurs de débit limitent systématiquement le débit du robinet à 6 ou 8 l/minute.

Aujourd’hui, abordables pour les particuliers, ces régulateurs sont généralement fournis par des professionnels du traitement de l’eau, qui aident à déterminer sur quels robinets il est préférable de les installer. Amortis en quelques mois, ils permettent d’économiser entre 20 et 40 % de la consommation d’eau totale, soit plusieurs dizaines de mètres cubes par an, quand ils équipent tous les points d’eau d’un appartement. Il est également possible de réaliser des économies importantes, de l’ordre de 20 à 40 % de la consommation totale, en récupérant l’eau de pluie, mais cela exige un investissement plus important et c’est en général envisageable pour les maisons individuelles. Cette incitation est fortement soutenue par les collectivités locales car la diminution des rejets évite le surdimensionnement des réseaux publics d’évacuation. À l’extérieur, dans le jardin, et afin d’éviter de consommer de l’eau potable, il est intéressant de récupérer l’eau de pluie pour arroser les plantes et de les en faire profiter au maximum en respectant quelques règles simples. Il est préférable : d’arroser le soir, de retourner régulièrement la terre et de la recouvrir de débris végétaux, d’au moins 5 cm, de manière à ce qu’elle reste humide. Ou encore d’investir dans un système de micro-arrosage qui se charge d’arroser goutte à goutte les plantes et végétaux.

Priorité : gérer la récupération de l’eau de pluie

La première action, la plus naturelle et la moins onéreuse, est de permettre à l’eau de pluie de s’infiltrer dans le terrain. Certaines grandes villes de nos voisins allemands – et notamment Berlin – ont instauré une taxe sur les surfaces en revêtements de sols « étanches » (bétonnées, goudronnées…) qui ne permettent pas l’infiltration des eaux pluviales dans le terrain et qui les renvoient vers le réseau public d’évacuation. La récupération des eaux de pluie pour une utilisation domestique est une préoccupation actuelle à plusieurs titres : technique, sanitaire, réglementaire et fiscal. Techniquement, récupérer les eaux pluviales pour les réutiliser dans le cadre d’un usage domestique est un procédé relativement simple, bien maîtrisé. L’eau pluviale est par nature de l’eau distillée, donc pure. Pendant qu’il pleut, l’eau peut se charger de différentes substances contenues dans l’air ou sur la superficie du toit : des matières organiques ou inorganiques (feuilles, mousse, poussière…), des composés chimiques, des acides (aérosols, CKW, etc. et/ou des bactéries, des virus, des algues. Si bien que la composition de l’eau s’écoulant du toit n’est pas constante : elle dépend de l’exposition, de la pollution temporaire de l’air, de la superficie du toit et de la fréquence de pluie. À savoir, l’eau de pluie récupérée suite à l’imperméabilisation des sols (routes, parkings…) est considérée comme une eau usée et est directement envoyée vers les réseaux VRD. Pour être rendue propre, l’eau récupérée par le biais de la toiture est filtrée puis stockée dans une cuve au lieu d’être directement rejetée vers le réseau d’assainissement. Cette eau doit en effet subir différents traitements pour être utilisée dans les toilettes, le nettoyage des sols ou éventuellement dans une machine à laver le linge (pas encore admis en France mais déjà pratiqué chez certains voisins européens). À la sortie des gouttières, elle passe par un système de purification qui retient particules et sédiments. Grâce à une pompe, elle est ensuite aspirée dans une cuve où la présence de chaux permet de maîtriser l’acidité naturelle des pluies. ­Enfin, un filtre à charbon actif neutralise les éventuelles mauvaises odeurs.

Une réglementation en cours pour consommer mieux

Promulguée le 30 décembre 2006, la loi n° 2006-1772 sur l’eau et les milieux aquatiques encourage, via l’instauration d’un crédit d’impôt, à la récupération d’eau de pluie. Accompagnée de 77 textes réglementaires d’application (une cinquantaine est déjà publiée), ses objectifs sont de donner des outils aux collectivités territoriales et aux acteurs de l’eau, pour reconquérir la qualité des eaux et atteindre en 2015 les objectifs de bon état écologique fixés par la DCE (3) du 22 décembre 2000, transposée en droit français par la loi du 21 avril 2004 ; et de donner les moyens d’adapter les services publics d’eau potable et d’assainissement aux nouveaux enjeux. L’article 49 de cette loi introduisant le crédit d’impôt (voir encadré), indique qu’un arrêté doit préciser les conditions d’usage de l’eau de pluie dans l’habitat et les conditions d’installation, d’entretien et de surveillance des équipements de récupération. Un premier arrêté relatif au seul crédit d’impôt pour des usages extérieurs est paru le 5 mai 2007. Plusieurs risques ont été recensés, notamment liés aux expositions des usagers (par ingestion, par inhalation, et de façon cutanée) et aux risques de piquage et d’interconnexion avec le réseau d’eau potable. Mais ce texte trop restrictif n’est pas satisfaisant car pas assez incitatif. Notamment, l’installation d’un système de récupération est onéreuse et les possibilités d’utilisation de l’eau sont trop ­restreintes pour permettre un retour sur investissement sur dix ans maximum. Un second arrêté en cours de finalisation avec le ministère de la Santé, et qui a reçu l’avis favorable du Comité national de l’eau, sera prochainement publié. Ce texte précisera les usages acceptables de l’eau de pluie dans l’habitation. Il propose pour les immeubles d’ouvrir l’utilisation des eaux pluviales aux toilettes et au nettoyage des sols. Il reste interdit dans un certain nombre de bâtiments hébergeant des populations fragiles tels que les hôpitaux, les maisons de retraite ou les crèches. Cet arrêté institue de fait un second réseau d’eau froide dans l’habitation. La condition préalable pour une grande sécurité d’exploitation est l’installation d’un réseau isolé hydrauliquement du réseau existant d’eau potable. À ce réseau sont connectés tous les points de tirage pour lesquels une qualité « potable » n’est pas nécessaire. La prudence voudrait que tous les points de consommation et tous les appareils utilisant de l’eau pluviale soient identifiés « eau non potable », pour éviter toute confusion. Aujourd’hui, des systèmes sont proposés pour les maisons individuelles. Disposant de services techniques qui suivent la gestion des réseaux, les ERP sont les bâtiments désignés pour intégrer ce deuxième réseau sans risque d’interférence entre les différentes eaux. Le Comité national recommande également d’interdire l’utilisation de l’eau de pluie pour le lavage du linge. Nos voisins allemands l’autorisent depuis plus d’une décennie et les résultats montrent que l’eau pluviale est plus appropriée pour faire la lessive que l’eau potable. Une étude comparant du linge lavé avec l’eau potable et l’eau pluviale a fourni des résultats intéressants. Du fait de la dureté plus élevée de l’eau potable, la durée de vie des machines est diminuée, la consommation de lessive est plus importante et la charge des eaux usées ainsi que les frais d’exploitation sont plus élevés. Les résultats du lavage avec l’eau potable et l’eau pluviale étaient microbiologiquement identiques. De même, en ce qui concerne la propreté du linge, car les germes qui existent dans l’eau pluviale sont tués par la lessive et pendant le séchage. Lorsque le nombre de points de puisage augmente, le risque est que la réserve d’eau se vide et qu’il soit nécessaire de la réalimenter en eau potable. Pour des raisons évidentes de sécurité sanitaire, les systèmes proposés doivent impérativement disposer de système antiretour pour rendre impossible le contact accidentel de l’eau pluviale et du réseau d’eau potable.

EP eaux grises permettent d’amortir les installations

L’exemple des piscines est significatif. Une quantité importante d’eau est utilisée chaque année pour le remplacement total ou partiel de l’eau des piscines. Ce sont des dizaines de m3 qui jusqu’à présent partaient directement à l’égout. Or, les eaux résultant du contre-lavage des filtres peuvent facilement être renvoyées vers une cuve pour être utilisées plus tard pour de l’arrosage. Pour débarrasser l’eau de vidange du chlore – encore utilisé pour la désinfection de la plupart des piscines – une solution économique est de la laisser reposer pendant quelques jours dans un petit bassin ou réservoir de décantation à ciel ouvert, dans lequel les UV du soleil désagrègent le chlore. Un pas déjà franchi chez nos voisins européens est la récupération des eaux grises. Pourquoi ne pas réutiliser de l’eau qui a déjà servi, et qui n’est pas ou peu souillée pour de nouveaux usages ? Il y a une corrélation entre les besoins en eau claire et les rejets d’eaux usées. Les eaux grises – eaux savonneuses de douches, de bains et de lavabos – représentent environ 40 % de la consommation quotidienne. ­Elles peuvent être récupérées et utilisées seules ou en mélange avec les eaux pluviales pour l’irrigation des fleurs et pourquoi pas des potagers, si elles ne sont pas polluées. Il convient que la première utilisation ne les ait pas chargées en produits polluants. La façon la plus écologique, pratique et économique, de filtrer les eaux grises est de ne pas les polluer en amont, en utilisant des agents lavants naturels et non-toxiques. Le recyclage des eaux grises permet des économies sur la consommation d’eau d’arrosage et de réduire de 35 % le rejet d’eaux usées. Le réemploi des eaux grises permet de continuer à pouvoir arroser en été, quand la pluviométrie est faible, sans tirer sur le réseau.

Toutes les solutions réglementaires, techniques ou fiscales favorisent certainement la réduction la consommation d’eau potable. Mais, il faut être conscient du fait que réduire la consommation d’eau potable et rejeter moins d’eaux usées vers le réseau de collecteurs publics entraîne ipso facto l’augmentation du coût au m3 de son retraitement (amortissement des installations existantes). L’exemple d’une grande ville française est ­significatif : la consommation a diminué de 11 % en raison de l’attention portée par les consommateurs sur les économies d’eau et la conséquence de la diminution des recettes dédiées aux traitements des eaux a amené la municipalité à augmenter de 3 % le prix du m3. Il faut admettre désormais que l’eau est un produit dont le prix risque de s’élever de 10 % par an à partir du prix moyen actuel de 3 e/m3.

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