Droit souple et conception : des conséquences très concrètes

Gaëtan Broihier - Propos recueillis par Bernard Aldebert

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Référent technique groupe sécurité incendie chez Qualiconsult

CTB Que recoupe la notion de « droit souple » ?

Gaëtan Broihier : Il est désigné de la sorte par opposition au droit dur, qui « ordonne, prescrit ou interdit » selon la formule de Portalis, et au « non droit », qui ne produit aucun effet. Le Conseil d'État a, dans son rapport de 2013, défini les contours flexibles d'un droit qui « incite, recommande et oriente », c'est-à-dire non contraignant, sans pour autant être dénué d'effets.

Le Conseil d'État a retenu trois conditions cumulatives pour les règles qui en relèvent : - Leur objet est de modifier ou orienter les comportements par l'adhésion des intervenants auxquels ces règles sont destinées ; - Elles ne créent pas, par elles-mêmes, de droit ou d'obligations auprès des intervenants auxquelles ces règles sont destinées; - Elles présentent, par leur contenu et leur mode d'élaboration, un degré de formalisation et de structuration qui les apparente davantage aux règles de droit.

CTB Quelle est l'origine du « droit souple » et pourquoi un tel développement dans l'environnement de l'acte de construire relatif à la sécurité incendie ?

G. B. : Né dans le contexte international durant les années trente, le droit souple a connu un développement accéléré au sein du ministère de l'Intérieur ces dernières années sous l'effet combiné de quatre événements : - Parution du rapport annuel du Conseil d'État de 2013 ; - Parution du rapport de l'Inspection générale de l'administration n° 014-04713-083 bis de 2015 incitant au recours à cet outil ; - Parution de la note d'information de la DGSCGC du 24 juin 2014 relatif au non-renouvellement de la Commission centrale de Sécurité et identifiant le recours à ces dispositifs ; Il y a par ailleurs une certaine continuité, ces documents perpétuent sous une forme et des modalités d'élaboration différentes les avis de la Commission centrale de sécurité.

Le droit souple accompagne par ailleurs deux directions prises par l'administration centrale : • Volonté de changer de paradigme dans ce domaine, de passer d'une logique d'obligation de moyens stricte avec des acteurs cloisonnés constructeurs/contrôleurs techniques/contrôle administratif (police administrative et commissions de sécurité) vers une coproduction de la sécurité sans renoncer aux incompatibilités bien sûr.

Un droit aux contours flexibles qui “incite, recommande et oriente”, c'est-à-dire non contraignant, sans pour autant être dénué d'effets.

- Simplification administrative s'accompagnant d'un amoindrissement du rôle des commissions de sécurité dans l'instruction des dossiers d'aménagement ou de construction (ICPE - Habitation e groupe sans locaux à sommeil).

L'élaboration de guides de préconisations évolutifs, notes d'informations, par l'administration centrale (DGSCGC) participe aux conditions de succès de la démarche tant la concertation de l'ensemble des acteurs est un moyen efficace d'implication des constructeurs en vue d'une bonne prise en compte des objectifs de la réglementation.

CTB Quel intérêt cela présente-t-il concrètement?

Gaëtan Broihier : Fruit de retours d'expériences des différents acteurs, il permet de modifier plus judicieusement les règles, d'anticiper les besoins d'un encadrement des activités à venir ou des changements d'habitudes.

À cet effet, le droit souple peut donc : - Anticiper la parution de textes réglementaires ou définir des lignes directrices en l'absence de parution d'un texte telle la Note d'information sur l'utilisation de la technologie de protection d'incendie par brouillard d'eau (DGSCGC/DSP/ SDSIAS/BRIRC n° 2016-43 du 01/03/2016) ; - Accompagner la parution de tels textes illustrés par exemple par le projet de guide type M, qui accompagne le projet de la modification de l'arrêté du 22 décembre 1981 modifié relatif aux ERP de type M (Magasins de vente et centres commerciaux) tout comme la Note d'information relative aux modalités d'application de l'article GH W5 - Arrêté du 24 octobre 2016 (DGSCGC/DSP/SD-SIAS/BPRI n°2016-162 du 20/12/2016).

CTB Comment un droit non contraignant peut-il être efficace ?

G. B. : Le Conseil d'État dans son rapport de 2013 concède que cet ensemble de « Règles de conduite énoncées dans des instruments auxquels n'a pas été conférée une force obligatoire en tant que telle, et qui peuvent néanmoins produire certains effets juridiques - indirects - et dont l 'objet est potentiellement de produire des effets pratiques ».

Dans les ERP et les IGH, il « fait grief » dans le cadre de la procédure administrative d'autorisation de travaux (ou dépôt de PC qui vaut AT) et la notification qui en découle.

Par ailleurs, il y a une certaine graduation avec des limites qui ne sont pas toujours nettes.

Ainsi, dans le guide PS de juin 2016, le cahier des charges relatif aux installations de recharge de véhicule électrique pris dans le cadre de l'article GN4 § 2 et issue d'un PV de CCS de février 2012 a été intégré. Ce document au regard de l'article GN4 avait une force contraignante en soit.

CTB Quels risques cela présente-t-il ?

G. B. : Deux me viennent naturellement à l'esprit : - Un risque d'incertitude juridique lorsque les guides ou notes d'informations ne constituent pas un éclairage du texte, mais une atténuation ou une aggravation franche et que ni la notice de sécurité ni l'instruction du dossier par l'administration n'en font mention ; - Un risque de télescopage entre une disposition du droit souple et d'autres réglementations qui n'auraient pas été perçues dans le cadre du processus d'élaboration.

Ainsi, l'application des dispositions des chapitres 2.3/5.3 du Guide PS de juin 2016 relatives aux Installations de recharge et de véhicules électriques (IRVE) issues du cahier des charges de l'avis CCS du 2 février 2012 et des contraintes des Décret n° 2016-968 du 13 juillet et l'arrêté NOR LHAL 1603565A du 13 juillet 2016 rend obligatoire la généralisation d'un système d'extinction automatique à eau ou à brouillard d'eau pour les PS associés à un centre commercial ou un cinéma par exemple, ce qui n'était pas l'esprit lors de l'élaboration du guide.

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