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Dorure à la feuille d’or :un savoir-faire très délicat

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Dorure à la feuille d’or :un savoir-faire très délicat

© (Doc. Mériguet Carrère.)

La dorure à la feuille d’or et ses différentes techniques ont traversé les siècles avec très peu d’évolutions. Aujourd’hui encore, les méthodes employées sont longues, précises, coûteuses. Le résultat final reste ­conditionné au strict respect des procédures établies.

Les domaines d’application de la dorure à la feuille d’or sont très vastes : du mobilier à la statuaire en ­passant par les boiseries, les décors ainsi que les nombreux ouvrages extérieurs. L’idée d’utiliser des feuilles d’or est très ancienne. Elle vient des sculpteurs qui souhaitaient ­diminuer le coût de leurs œuvres en or massif. De plus, l’or est très résistant aux pollutions, aux UV et autres agressions. Il se ternit lègèrement, et peut tenir de 50 à 100 ans, même pour les expositions extérieures les plus difficiles. À l’intérieur, le plâtre, le staff et surtout le bois restent les supports les plus courants. À l’extérieur, le métal s’impose, avec des techniques de dorure spécifiques. Quels que soient le support et la technique utilisés, la mise en œuvre de la dorure à la feuille d’or nécessite un apprentissage important avant de pouvoir être parfaitement maîtrisée. En conséquence, le coût d’une dorure à la feuille d’or peut varier de 200 à 2 000 euros pour le m2.

Un seul batteur de feuille d’or en France

La société Dauvet, installée à Excenevex (Haute-Savoie) est l’unique batteur de feuille d’or en France. L’or pur, acheté en lingots à la Banque de France, est fondu dans des creusets et allié à une très faible quantité d’argent, de cuivre, de platine ou de palladium, afin d’obtenir différentes nuances de couleurs en fonction des besoins. Les ­barrettes obtenues passent dans un laminoir, l’épaisseur du métal est alors de deux à trois dixièmes de millimètres. Le ruban qui en ressort est coupé en petits carrés que l’on superpose dans des ­livrets appelés « cauchets ». Ils sont battus au marteau pilon, recalibrés puis à nouveau rebattus… pour être « finis » manuellement au cours d’opérations de plus en plus précises. Les feuilles se retrouvent alors dans des carnets de 25 exemplaires, au format de 84 x 84 mm. Elles peuvent être de différentes teintes, pour une épaisseur de quelques microns. L’excellente ductilité de l’or autorise une souplesse que ni l’argent ni le cuivre ne peuvent égaler. Cette qualité facilite son adhérence sur les surfaces à ­traiter, et n’affadit pas la nervosité des sculptures. Le « demi-jaune vif » ou « l’orangé » à 22 carats sont les feuilles d’or les plus demandées. Pour l’extérieur, on utilise de « l’or double » à plus de 23 carats. Quelle que soit la méthode retenue, le transfert de la feuille d’or vers l’ouvrage à réaliser représente une opération délicate.

Trois techniques en fonction du support et de l’aspect recherché

La dorure à la feuille d’or peut être appliquée sur de nom­breux supports : le bois, le plâtre, ­le staff, et sur différents métaux et alliages tels que l’acier, le laiton, le bronze…. Trois techniques d’application sont principalement utilisées : la mixtion, la do­rure à l’eau et la dorure à la gélatine, un compromis entre les deux premières. La mixtion est considérée comme la technique de dorure la plus rapide pour les travaux prépa­ratoires, et la plus économique pour la suite. Elle présente l’avantage de pouvoir être appliquée sur des fonds déjà peints ; c’est aussi la seule technique utilisable sur les supports métalliques en ­extérieur. Elle ne s’utilise pas directement sur les supports dont les apprêts sont trop poreux (bois, staff ou métal).

Il faut appliquer, préalablement à la mixtion, un vernis gomme laque ou gras en intérieur, remplacé de nos jours par un vernis époxy pour les ­travaux en extérieur. Pour localiser leur répartition, mais aussi pour dissimuler d’éventuelles lacunes d’or ultérieurement, ces vernis sont teintés avec de l’ocre jaune. La mixtion s’applique au pinceau à poils courts. Lorsque la feuille crisse sous le frottement du doigt, l’application peut commencer. Amenée à l’aide d’un large pinceau plat appelé « palette », la feuille est happée par la mixtion.

Décapage complet ou dégraissage parfait

Elle se lisse ensuite à l’aide d’un autre pinceau ou ­« rondin ». Après quelques heures, la feuille d’or est frottée avec un tampon d’ouate ou de velours pour parfaire son adhérence sur les surfaces unies ; les surfaces ­accidentées sont frottées avec le rondin. Réservée aux opérations de prestige, la dorure à l’eau se fait sur des matériaux bruts, d’où une préparation méticuleuse du support (voir encadré) : décapage complet et soigné, ou dégraissage parfait dans le cas de supports en bois. Cette technique est dite « à l’eau » car, contrairement à la mixtion, il suffit de réhumidifier l’apprêt avec de l’eau additionnée de quelques gouttes d’alcool. À l’approche de la zone humidifiée, la feuille d’or se détache de la palette (le pinceau large qui sert à la manipuler), pour se tendre à la surface de l’ouvrage. Quelques heures après, le brunissage des parties saillantes est réalisé à l’aide d’une pierre d’agate. L’or écrasé sous la pression de la pierre devient brillant et contraste avec les parties restées mates. Ce jeu met en valeur les lignes et les masses, rompant l’effet naturel des feuilles d’or qui ont parfois tendance à unifier un volume. La dorure à la gélatine réunit l’intérêt de la simplicité de la mixtion, et un aspect se rapprochant de la dorure à l’eau, sans toutefois pouvoir être brunie. Cette technique, aussi coûteuse qu’une dorure à l’eau, peut être employée sur des fonds non décapés et permet, en phase de préparation, de faire appel à une main d’œuvre moins spécialisée. La dorure à la gélatine utilise l’eau additionnée de colle (gélatine) afin d’accroître l’adhérence de la feuille d’or.

Elle s’inspire de la mixtion par une préparation « bouche-­pores », avec application préalable de deux couches de vernis à la gomme laque. Lorsque le ­vernis est sec, le doreur applique le mélange eau/gélatine, et ­dispose alors de quelques minutes pour appliquer les feuilles d’or. L’eau évaporée, elles se tendent et offrent un aspect qui va du mat au brillant, selon la qualité de la préparation du support.

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