Dommages consécutifs à la sécheresse : qui doit payer?

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Dommages consécutifs à la sécheresse : qui doit payer?

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Inadaptation observée des fondations avec la nature d’un sol et absence de chaînage sont à l’origine de la plupart des désordres survenant après une grosse sécheresse. Reste que le remboursement des frais n’est plus systématique depuis que la jurisprudence s’est intéressée de près à la question.

Le rapport de l’inspection générale des Finances et du conseil général des Ponts et Chaussées vient d’étudier la sinistrialité issue des dernières grandes sécheresses. Celle-ci a en effet provoqué un nombre important de fissures, voire d’effondrements partiels de murs, causés par une inadéquation entre la nature du ­terrain et le type de fondations. Il est notamment constaté que les études de sols sont souvent insuffisantes et les effets de la sécheresse apparaissent surtout dans les terrains argileux. Les remèdes a posteriori conduisent à des travaux de réparation lourds et coûteux.

L’assurance « catastrophes ­naturelles », incluse en général dans le contrat d’assurance multi­risque-habitation du propriétaire du bâtiment concerné, n’intervient pas automatiquement lors de la publication de l’arrêté constatant la catastrophe dans la commune, contrairement à ce qui était considéré il y a quelques années. L’article L 125-1 du Code des assurances encadre son objet en ces termes : « Sont considérés comme effets des catastrophes naturelles les dommages matériels directs non-assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance, ou n’ont pas été prises. »

Si cette disposition législative acte bien dans quelles conditions intervient la garantie « catastrophes naturelles », il apparaît qu’elle n’est pas suffisamment prise en compte par les constructeurs. Les mesures à prendre pour prévenir les désordres, concernant principalement les fondations et la structure des ouvrages, sont connues mais ne font pas toujours l’objet d’études et de travaux suffisants.

Cependant, les constructeurs ne peuvent ignorer les phénomènes géologiques constants apparaissant plus fréquemment depuis quelques années, du fait ­notamment de constructions dans des terrains moins ­favorables qu’autrefois.

Il est donc utile de connaître la jurisprudence récente. Celle-ci précisant concrètement les conditions dans lesquelles la ­sécheresse ne peut être considérée comme la seule cause des désordres ainsi :

– Cass. 3e Ch. Civ. 28 nov. 2001 : « Les désordres étaient apparus trois mois avant la période de sécheresse et l’expert avait constaté une mauvaise conception de l’ouvrage. »

– Cour d’appel de Paris,10 janv. 2002 : « L’immeuble était affecté dans sa structure avant la survenance de la sécheresse et l’assuré n’avait pas pris les mesures ­nécessaires. »

– Cour d’appel de Paris, 9 sept. 2004 : « L’assurance de catastrophe naturelle ne doit pas sa garantie s’il est établi que les désordres n’ont pas pour cause déterminante l’intensité annuelle de la sécheresse mais les vices de construction imputables aux constructeurs. »

– Cour d’appel de Paris, 14 septembre 2004 : « Les désordres auraient pu être prévenus par des fondations adaptées à la nature du sous-sol. »

– Cass. 3e Ch. Civ. 12 janvier 2005 : « Les premières fissures étaient apparues avant l’état de catastrophe naturelle et la cause des désordres résidait dans l’inadaptation des fondations au sol d’assise ; l’ancrage des fondations plus en profondeur aurait été de nature à empêcher la survenance desdits désordres. »

Risque de déchéance de garantie

Dans toutes ces circonstances, la responsabilité des constructeurs est présumée être entière pendant la période décennale, la garantie de leurs assureurs devant intervenir. Ces derniers ne pourraient la contester qu’en cas de fautes inexcusables de leurs assurés en s’appuyant sur l’article A.243.1 du Code des assurances selon lequel « l’assuré est déchu de tout droit à garantie en cas d’inobservation inexcusable des règles de l’art telles qu’elles sont définies par la réglementation en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché des travaux concernés ».

S’agissant d’une déchéance de garantie à l’égard des constructeurs, elle est inopposable aux victimes, propriétaire de la maison ou de l’immeuble en question ou maître d’ouvrage de l’opération de construction, l’entreprise devant alors, elle seule ou avec le maître d’œuvre, assumer le coût des travaux de réparation des dommages de­ catastrophes liés aux événements climatiques mais aussi aux ­insuffisances de la conception et de l’exécution de l’ouvrage construit. Il est donc indispensable que les constructeurs, maîtres d’œuvre et entrepreneurs aient conscience de la responsabilité qu’ils encourent, qui peut être coûteuse pour eux, en ne prenant pas en compte sérieusement, lors de la construction d’un ouvrage, les phénomènes naturels, climatiques et géo­logiques, de la situation géographique du lieu de construction.

De surcroît, il ne faut pas oublier l’obligation d’information, de renseignement, de conseil, ­incombant au professionnel face au maître d’ouvrage profane.

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