Réalisé en 2008 par l’architecte Jean-Pierre Lott, le bâtiment HQE de la ville de Saint-Ouen (93) est recouvert de 692 m3 de béton blanc autonettoyant conçu par Cemex à partir de ciment TX Arca de Ciments Calcia.
Basés sur le même principe que les vitrages et bétons autonettoyants qui décomposent les salissures organiques, de nouveaux bétons purificateurs de l’air intérieur ou extérieur sont commercialisés par les cimentiers.
Découvertes aux débuts des années 70 au Japon, les propriétés photocatalytiques du dioxyde de titane sous forme de nanopoudre sont exploitées depuis plus d’une décennie pour fabriquer des matériaux autonettoyants, comme les céramiques, les vitrages ou plus récemment les liants cimentaires. Ainsi, 600 tonnes de ciment blanc photocatalytique, breveté par la société Italcementi, ont permis de construire en 2002 l’extérieur immaculé de l’église Dives in Misericordia de Rome. Sous une autre formulation chimique, cette poudre est capable de nettoyer l’air de ses polluants organiques. Cette démarche a été activement soutenue par le programme de recherche européen Picada (Photo-catalytic innovative coverings applications for de-pollution assessment), lancé en janvier 2002, achevé en 2005, et dont Italcementi était l’un des principaux partenaires. Le cimentier italien est ainsi pionnier en Europe, avec plusieurs brevets déposés sur le principe actif à base de titanium, le TX Active, et deux ciments commercialisés, le TX Arca autonettoyant et le TX Aria, dépolluant atmosphérique. « Si le principe est identique pour les deux ciments, la formulation chimique va faire la différence, par exemple l’autonettoyant incorpore un hydrofuge de masse qui le rend imperméable », explique Olivier Fourcault, chef de projet service innovation chez Ciments Calcia, filiale française d’Italcementi.
Le principe actif, le dioxyde de titane, est une nanopoudre incorporée à un ciment classique. Une fois excité par la lumière UV, ce semi-conducteur peut décomposer par oxydoréduction soit les salissures organiques présentes sur le revêtement, soit les différents polluants organiques présents dans l’air. Les composés organiques volatils (COV) sont transformés en eau et gaz carbonique, et les oxydes d’azote à l’origine du smog urbain sont décomposés en sel de nitrate de calcium. Ces résidus sont ensuite lavés et évacués lorsqu’il pleut. Ce procédé peut fonctionner dans un intérieur équipé de lampes UV, comme une salle de bains, un tunnel ou un parking, à condition de laver. Le point fort du procédé est sa pérennité. Après avoir servi de catalyseur, le dioxyde de titane reprend en effet son état d’origine.
Les ciments photocatalytiques peuvent servir pour la fabrication de pavés, de revêtements routiers, de dalles, ou de plâtres, tuiles et panneaux préfabriqués pour habiller les œuvres architecturales. Les deux produits commercialisés par Italcementi ont les mêmes propriétés mécaniques qu’un ciment sans principe actif, et leur mise en œuvre est similaire. Il est aussi tout à fait possible d’utiliser un béton coloré, à condition d’utiliser exclusivement des pigments minéraux et de les faire tester au préalable par le centre technique du groupe. « À l’usage, précise Olivier Fourcault, on constate que les architectes demandent plutôt un béton autonettoyant blanc ou proche du blanc, alors que la gamme de couleurs utilisées pour le dépolluant sont davantage dans les orange, gris ou rose. » À volume égal, ces nouveaux bétons reviennent 3 à 4 fois plus chers, mais par exemple sur la globalité d’un projet de revêtement routier, cela ne représente que 2 ou 3 % de surcoût sur l’addition finale.
Réaction forte lors des pics de pollution NO2
Italcementi a réalisé les premiers tests de béton antipollution avec un revêtement routier à Milan. Le résultat serait largement concluant et la pollution en NOx aurait été réduite de 60 %. En France, ce béton antipolluant TX Aria a été expérimenté sur deux projets : à Vanves pour un revêtement de chaussée ainsi que les bordures et trottoirs, et sur le périphérique parisien, sous forme de liant photocatalytique d’un mur antibruit à base de copeaux de bois. L’efficacité du procédé étant surfacique, les pavés de 6 cm d’épaisseur préfabriqués pour les trottoirs ont été conçus bicouches avec seulement 3 cm en surface de béton au titanium. Sur Vanves, une campagne de mesures a été menée de décembre 2007 à décembre 2008, et les premiers résultats du Laboratoire régional de l’ouest parisien s’annoncent encourageants. La réaction du béton s’avère particulièrement forte lors des pics de pollution NO2, et l’abattement de la pollution atteint alors 40 à 50 %.
À noter que sur l’ensemble de l’année, la réduction de la pollution est plus forte sur le NO que sur le NO2. En revanche, comme le revêtement n’a pas été nettoyé, les dépôts minéraux (huile, gomme des pneus…) ont progressivement enlevé les propriétés photocatalytiques du matériau. D’autres campagnes de tests comparatifs – comme celui effectué par le Collège impérial de Londres sur la période février 2006 à février 2007 sur une rue témoin londonienne – sont nettement moins probants. De plus, la réalité de la dépollution des composés organiques volatils semble moins évidente à prouver que celle des NOx. Le débat scientifique n’est donc pas clos et l’université de Twente en Hollande, sous la supervision du chercheur Jos Brouwers, a lancé son propre programme de tests l’été dernier avec des pavés routiers photocatalytiques. F. P.