Pour la tour Voltaire, à Lumbres (62) , 23 m2de brise-soleil photovoltaïques apportent une réponse à l'éclairage excessif de la façade sud et assurent les besoins en énergie des parties communes (éclairage et ascenseur). (Doc. DR.)
JEAN-MICHEL STECOWIAT est directeur général de Pas-de-Calais Habitat. Ingénieur de formation, il dirige depuis 2001 le troisième Opac de France et premier bailleur social du Pas-de-Calais (38 000 logements, 100 000 personnes logées). Attaché à l'éthique et aux questions sociales, il croit à un développement solidaire et durable, qu'il met en œuvre par le management de l'innovation.
Avec l'objectif de devenir « le premier opérateur urbain de l'habitat solidaire et durable à l'horizon 2010 », le bailleur Pas-de-Calais Habitat a mis en place une organisation fondée sur le management de la performance. Il a d'ailleurs obtenu en novembre dernier le label « Organiser pour innover », délivré pour la période 2008-2012 par l'Association pour le management de l'innovation. Créé début 2009, l'Atelier est une structure de travail collaboratif intégrée à la direction du développement solidaire et durable. Elle permet à des habitants, élus, experts de terrain, industriels, chercheurs, personnel de l'Opac, etc., de participer à la réflexion par le biais de réunions de créativité. Cinq « ateliers thématiques » existent : aménagement durable et construction passive, vieillissement et handicap, services urbains de proximité, insertion par l'économique et relations fournisseurs, défi énergétique pour le patrimoine existant.
CONCEPTION Quelle est votre stratégie pour répondre aux nouveaux besoins ?
Notre stratégie repose sur une réflexion commencée il y a dix ans. En 1999, nous avons créé un service de Recherche & Développement pour repenser la conception de l'habitat. Notre problématique « Comment construire mieux et moins cher ? » impliquait un changement des modes de conception. Nous avons alors transposé à l'habitat des méthodes conceptuelles peu utilisées dans ce secteur en étudiant le problème sous trois angles : l'analyse fonctionnelle, qui s'intéresse aux attentes des habitants en termes de distribution de l'espace et de fonctions du logement ; l'analyse systémique, qui envisage le logement dans son environnement - qui s'inquiète de ce qu'il y a autour - ; et l'analyse de la valeur, qui recherche les solutions techniques répondant le mieux aux valeurs d'usage.
La création du service de Recherche & Développement avait été précédée d'une étude marketing très poussée sur les attentes des habitants et d'une année de travail avec la réunion (un jour par semaine) de groupes de réflexion de 5 à 20 personnes - experts, architectes, personnel de proximité, entreprises, industriels, financiers, collectivités locales. À partir du bilan que nous en avons tiré, nous avons mis au point un cahier des charges fonctionnel - précisons que 90 % de nos logements sont des maisons individuelles - et lancé, entre 2000 et 2005, deux programmes de construction en ossature légère : 500 logements en ossature métallique et 100 autres en ossature bois. Grâce à cela nous avons eu la possibilité de standardiser une offre - adaptable au cas par cas - et de gagner 15 % sur les coûts, 10 m2 en surface sans compter des annexes supplémentaires, et d'être plus rapides lors de la mise en œuvre.
De 2005 à 2008, nous avons appliqué la même procédure pour des constructions en techniques traditionnelles pour répondre aux collectivités locales qui ne voulaient pas d'ossatures légères. Avec ce système, les architectes ont pu s'amuser à faire évoluer le concept : les bâtiments n'ont pas du tout l'air d'être des standards.
COÛTS Comment réduire le coût énergétique ?
La baisse de charges locatives est l'un de nos buts principaux (le « défi énergétique » prévoit la mise en réhabilitation de 1 500 logements en 2009 avec comme objectif une diminution des charges énergétiques de 30 % en moyenne). Pour réduire les coûts de l'énergie, il faut travailler sur tous les aspects à la fois : l'enveloppe, pour créer une boîte performante, l'équipement, pour limiter les consommations, le comportement de l'usager et enfin les solutions énergétiques, comme l'achat groupé d'énergie ou les énergies renouvelables. Nous avons mis au point avec des industriels un certain nombre de prototypes, que nous avons testés en grandeur réelle : une éolienne horizontale installée sur une toiture à Equihen, à proximité de Boulogne-sur-Mer, ou encore une pile à combustible à Liévin.
Notre nouvelle organisation vise à nous aider à rendre les innovations durables. Nous voulons mieux capitaliser les retours d'expérience, ce que nous avons eu un peu de mal à faire jusqu'à présent. Les tests s'inscrivent maintenant dans un plan de bataille où l'échec est pris en compte : si la solution ne marche pas, nous essayons autre chose. Le fait que l'éolienne horizontale d'Equihen n'ait pas donné tous les résultats attendus permet de capitaliser et de réfléchir à comment la remplacer et donc d'avancer. Nous devons aussi mieux évaluer au cas par cas le potentiel d'énergies renouvelables locales. Comme nous travaillons toujours en coproduction, nous associons à nos réflexions les collaborateurs de terrain. Le partenariat avec les universités est aussi très important pour nous. Nous mettons au point, avec l'université d'Artois un mur trombe (mur capteur chauffant par rayonnement et par convection), dont nous voulons faire un composant industriel, et qui sera bientôt testé en grandeur réelle. Dans le cadre du Pôle de recherche et valorisation d'ingénierie urbaine et de l'habitat, nous allons démarrer avec l'École des mines de Douai une collaboration portant sur la problématique « qualité de l'air intérieur et santé », liée aux matériaux de construction et à la ventilation.
RÉHABILITATION SOCIALE Quelle est votre politique en matière d'insertion par l'économique ?
Pour l'insertion par l'économique, nous travaillons en partenariat avec le Groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ BTP), vers qui nous orientons des personnes en difficulté. Dans nos sites Anru, par exemple, plutôt que de nous borner aux quotas d'insertion et aux embauches en CDD, le GEIQ embauche les locataires en CDI. Par ailleurs, nous avons lancé récemment un appel d'offres pour la gestion des déchets de chantier dans lequel nous demandons aux entreprises d'introduire dans leurs réponses une performance en matière d'insertion par l'économique. L'idée pourrait être de confier à des locataires embauchés par le GEIQ la traçabilité et l'administration des déchets du bâtiment. Enfin, nous réfléchissons actuellement à des projets d'auto-réhabilitation dans le cadre d'Igloo France, qui met en œuvre le retour à l'emploi via la construction de son habitation.
ACCESSIBILITÉ Quelles pistes explorez-vous ?
La philosophie de base, c'est le parcours résidentiel : à leur demande, nous tentons de déplacer les familles vers des habitats plus adaptés. Mais que faire quand la mobilité bloque ? Notre réflexion sur les standards vise donc à intégrer la notion de vieillissement et le handicap dès le départ à travers la modularité. L'objectif, c'est de faire évoluer l'habitat selon les besoins de l'habitant. C'est complexe : il s'agit de préparer un logement standard qui aura la faculté d'évoluer facilement, sans que ce soit perceptible dès le départ : chambre aménageable au rez-de-chaussée, possibilité d'une salle de bains, etc. Autre piste, l'habitat groupé. Depuis 2002, nous avons déployé 30 opérations de béguinage (concept issu des anciennes communautés religieuses d'Europe du Nord). Il s'agit de groupes de 10 à 20 maisons individuelles, situés en centre-ville ou à proximité, des T3 de plain-pied adaptés aux personnes âgées et aux handicapés. Une maîtresse de maison y coordonne les services de repas à domicile et assure le lien avec les services infirmiers. Ils sont financés par Pas-de-Calais Habitat, la commune et l'usager.
CERTIFICATION Quels choix avez-vous fait ?
Nous avons été parmi les premiers bailleurs sociaux à nous faire certifier ISO 9001 : 2000 et avons obtenu récemment la certification ISO 9001 : 2008. C'est important, car d'un côté, cela assoit l'organisation et lui donne de la crédibilité. De l'autre, nous acquérons la culture de l'évaluation. Les collaborateurs prennent l'habitude de s'évaluer eux-mêmes, et cela leur paraît naturel. Par ailleurs, nous sommes le seul organisme public à avoir obtenu le label « Organisé pour innover ».
Grâce au travail effectué en collaboration avec Cerqual depuis 2003, nous avons obtenu les premiers labels Habitat & Environnement du Nord-Pas-de-Calais. Toutes nos constructions neuves sont aujourd'hui labellisées H & E. Avec ce label, nous nous positionnons clairement en faveur du développement durable et surtout nous valorisons cet engagement. Comme nous étions certifiés ISO 9001, le processus de management environnemental d'Habitat & Environnement nous a paru simple. La prochaine étape est désormais d'entamer le processus de certification de nos réhabilitations en utilisant cette fois Habitat & Patrimoine.