© Doc. Didier Chatelain.
Cinq arrêts de la Cour de cassation, pris à partir de 1999, précisent la responsabilité de l’assureur dommages-ouvrages à l’encontre des désordres des ouvrages soumis à la garantie décennale. Précisions de la jurisprudence récente.
Le code des assurances précise que la police d’assurances de dommages à l’ouvrage garantit le paiement de « la totalité des travaux de réparations des dommages ».
Les dommages mettant en jeu les garanties du contrat d’assurance du maître d’ouvrage font en général (sauf pour les désordres de faible importance), l’objet d’une expertise dite amiable par un expert, nommé par l’assureur, qui doit les décrire et évaluer le coût des réparations.
Ces opérations d’expertise sont contradictoires et l’indemnité doit couvrir, non seulement les dépenses correspondant à l’exécution des mesures conservatoires nécessaires à la non-aggravation des dommages, mais encore l’estimation concernant les mesures à prendre et les différents travaux à exécuter en vue de la réparation intégrale des dommages constatés. Le principe est bien le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages. En conséquence, l’offre de la compagnie d’assurance ne doit pas être manifestement insuffisante et doit correspondre à son obligation de préfinancer la réparation définitive des désordres déclarés. La jurisprudence a statué en ce sens, par différents arrêts sans ambiguïté, notamment :
– l’arrêt du 12 mai 1999 de la 3e Ch. Civ. de la Cour de cassation censure la cour d’appel pour avoir considéré que la nouvelle demande de réparations du maître de l’ouvrage se heurtait à l’autorité de la chose jugée, « alors qu’elle avait retenu que la persistance des désordres s’expliquait par l’inadaptation des travaux de réparation réalisés et que seule une réfection totale était de nature à faire cesser les infiltrations ».
– L’arrêt du 7 juillet 2004 de la 3e Ch. Civ. de la Cour de cassation rappelle ce principe de la responsabilité intégrale, nonobstant la signature d’une quittance par l’assuré en approuvant la cour d’appel d’avoir exactement retenu « que l’assureur dommages-ouvrage devait assurer le préfinancement des travaux jusqu’à réparation intégrale et qu’elle a pu en déduire que cet assureur n’était pas libéré de ses obligations par le règlement du premier sinistre qui n’avait pas été de nature à mettre fin aux dommages ».
– L’arrêt du 7 décembre 2005 de la 3e Ch. Civ. de la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir retenu que l’assureur dommages-ouvrage n’est pas tenu de garantir l’efficacité des travaux de reprise, « alors que le maître de l’ouvrage ayant souscrit une assurance dommages-ouvrage est en droit d’obtenir le préfinancement des travaux de nature à mettre fin aux désordres ». La jurisprudence considère généralement que les dommages doivent être pris en charge par l’assurance dommages-ouvrage même s’ils résultent de travaux non prévus dans le marché de l’entreprise, si ces derniers se révèlent indispensables ou strictement nécessaires pour permettre de remédier aux désordres.
Responsabilité contractuelle
La décision judiciaire doit constater dans ce cas que l’absence d’un élément de l’ouvrage affecté des désordres décennaux est la cause de l’apparition ou de l’aggravation du dommage.
– L’arrêt du 24 mai 2006 de la 3e Ch. Civ. de la Cour de cassation met en jeu la responsabilité civile contractuelle de l’assureur de dommages-ouvrage qui a proposé à l’acceptation de son assuré non professionnel un rapport d’expertise unilatéral, défectueux et tardif, conduisant à un préfinancement imparfait : les travaux préconisés et exécutés n’avaient pas été suffisants. L’assureur n’avait pas, en conséquence, rempli ses obligations contractuelles en ne finançant pas les travaux efficaces de nature à mettre fin aux désordres. En conséquence, la Cour de cassation considère que l’assureur doit être condamné à payer les travaux nécessaires et à indemniser son assuré de ses pertes d’exploitation consécutives aux désordres de l’ouvrage et à l’insuffisance des réparations.
– La 1re Ch. Civ. de la Cour de cassation a précisé, dans son arrêt du 18 février 2003, que l’assureur dommages-ouvrage est responsable de l’insuffisance des travaux de réfection préconisés par son expert. Le second expert missionné par l’assurance avait constaté que les travaux nécessaires n’avaient pu être réalisés en raison de l’insuffisance de l’indemnité versée au maître d’ouvrage. Il est à noter que lorsque le montant des travaux de réfection s’avère inférieur à l’indemnité versée par l’assureur dommages-ouvrage, le maître de l’ouvrage doit lui restituer le trop perçu.