Le point sur la responsabilité des constructeurs en présence de désordres affectant la solidité ou la destination d’un ouvrage et de la réparation due au maître d’ouvrage.
Le principe qui préside à la réparation de désordres affectant la structure ou l’enveloppe est celui de la réparation intégrale. Avec l’obligation, pour les constructeurs, de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. En matière de responsabilité décennale relevant de l’article 1792 du Code civil, ce principe ne peut faire l’objet d’une clause du marché en limitant la portée.
1. Concernant l’assurance « dommages – ouvrage »
Tout maître d’ouvrage faisant réaliser des travaux de construction se doit de souscrire une assurance « dommages-ouvrage ». C’est une assurance de chose, destinée à préfinancer la réparation des dommages à l’ouvrage apparus après la réception, dans un délai rapide et avant toute recherche de responsabilité. Elle concerne les dommages atteignant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, cachés ou apparents. L’assurance dommages-ouvrage ne contient aucune franchise et, dans le cas de défaillance des constructeurs responsables et de leurs assurances, elle conserve la charge de l’indemnité versée au maître d’ouvrage. La Cour de cassation a modifié la jurisprudence concernant son affectation, par deux arrêts de la 3e Ch. civile des 21 nov. 2001 et 27 déc. 2003. Cette dernière doit être affectée nécessairement à la réparation de l’ouvrage endommagé et ne peut être laissée à la libre disposition du maître d’ouvrage car la prestation due par cette assurance est le paiement d’une somme devant permettre la réfection effective ou même la reconstruction. Elle peut s’apprécier comme l’équivalent d’une prestation en nature. La 1re Ch. de la Cour de cassation, dans sa décision du 7 décembre 2005, considère sans ambiguïté que le « maître d’ouvrage ayant souscrit une assurance dommages-ouvrage est en droit d’obtenir le préfinancement des travaux de nature à mettre fin aux désordres ».
2. Modalités de la réparation
La réparation en nature par l’entrepreneur responsable est de droit dans le seul cas de la garantie de parfait achèvement. Concernant la responsabilité décennale, le maître de l’ouvrage n’a aucune obligation, quant à la proposition de l’entrepreneur titulaire du marché, d’accepter son offre de réparation en nature et les juridictions ne peuvent l’imposer. L’ouvrage affecté des désordres décennaux doit être réparé à l’identique et voir disparaître les causes des désordres, outre les troubles de jouissance. La « réparation » peut même aller jusqu’à la destruction et la reconstruction. La Cour de cassation n’admet pas la prise en compte, à la charge du maître d’ouvrage, d’une part de vétusté dans l’indemnité. De même, le maître d’ouvrage ne doit pas supporter le coût de travaux de réparation entraînant une amélioration de l’ouvrage, lorsque ces travaux se sont révélés nécessaires pour rendre l’ouvrage conforme à sa destination. À défaut d’accord amiable, l’évaluation de l’indemnité est établie au jour du jugement définitif si les travaux n’ont pas été financés par le maître d’ouvrage et en considération du rapport d’expertise. Dans le cas de frais avancés par le maître d’ouvrage, l’indemnité lui revenant comprend le montant de la facture et les intérêts au taux légal à compter de la date du paiement.
3. Indemnisation en cas de travaux réparatoires inefficaces
Le principe de la réparation intégrale du code des assurances oblige les assureurs à payer tous les travaux nécessaires à la suppression du sinistre. Il ne s’agit pas de l’aggravation de désordres correctement réparés, mais de la persistance des mêmes désordres. La cause du désordre réside dans l’ouvrage d’origine. Les réparations successives nécessaires sont imputables au constructeur et à son assureur de RC décennale qui demeurent tenus d’un résultat opératoire efficace. L’assurance dommages-ouvrage doit intervenir en préfinancement au vu de la nouvelle déclaration de sinistre du maître de l’ouvrage. La persistance des désordres peut avoir plusieurs causes : insuffisance de l’indemnité versée par l’assureur, erreur de diagnostic de l’expert amiable désigné par l’assureur dommages-ouvrage, insuffisances des préconisations, inadaptation des travaux réalisés. La compagnie d’assurance ne peut faire état de la quittance signée par son assuré, pour refuser de prendre en charge le préfinancement de nouveaux travaux jusqu’à la réparation intégrale. La renonciation de l’assuré à tout recours dans cette quittance ne peut concerner que des désordres entièrement réparés, ce qui n’est pas le cas. Le maître d’ouvrage peut agir dans le délai de dix ans après la réception et à condition que sa nouvelle action à l’encontre de l’assureur soit à l’intérieur du délai de deux ans de sa connaissance de l’inefficacité des travaux de réparations effectués.