L’acousticien est confronté à deux contraintes majeures : des salles aux formes parfois inadaptées et de très grandes dimensions, ainsi que la polyvalence de leur programmation.
La programmation de plus en plus souvent polyvalente des salles de spectacles, alternant musique amplifiée et non amplifiée, complique le travail des acousticiens. En effet, en l’absence de sonorisation, la priorité est de doser la diffusion et les réflexions, alors qu’avec une sonorisation, l’absorption par les parois de la salle gagne en importance. En outre, en non amplifié, l’acoustique est pensée différemment s’il s’agit de transmettre une voix intelligible, comme au théâtre, ou les instruments.
L’un des paramètres importants est la durée de réverbération, de l’ordre de 0,4 à 0,6 s pour un concert de musique amplifiée et jusqu’à 1,6 ou 1,8 s en non amplifié, voire plus de 2 s dans de très grandes salles. Concernant la sonorisation, la technologie phare est la ligne source (Line Array), soit des lignes d’enceintes assemblées en grappes et suspendues. Si au cinéma, la restitution sonore englobe les spectateurs, dans le spectacle vivant, les enceintes principales sont positionnées au niveau de la scène, avec une directivité donnant la sensation aux spectateurs que le son vient de la scène.
Rideaux !
Pour les salles de concerts programmant des musiques amplifiées, la réglementation française autorise un niveau sonore moyen maximal de 105 dB, et de 120 dB en crête, avec 3 dB d’émergence maximale. Un plafond jugé insuffisamment protecteur : le projet de loi sur la santé qui doit être examiné au Parlement ce mois-ci prévoit de le ramener à 100 dB.
La flexibilité scénique et acoustique des salles polyvalentes nécessite donc habituellement de trouver un compromis de performances. Dans certains cas, la salle est conçue avec une acoustique variable, à l’aide de panneaux absorbants mobiles ou de rideaux amovibles. C’est le cas de l’Escale (*), à Toulouse, conçue par l’acousticien Jean-Philippe Delhom. Le lieu bénéficie d’une double modularité : l’ajout sur des perches scéniques de 48 conques acoustiques de 2 x 1 m, en plateau et en salle ; et une sonorisation par des enceintes L-Acoustics installées en fonction des besoins.
À plus grande échelle, l’auditorium de la Philharmonie de Paris peut être reconfiguré pour accueillir des concerts de musique amplifiée, rock ou pop, et passer d’une capacité de 2 400 à 3 650 places. La flexibilité acoustique est obtenue par le déploiement d’une grande quantité de rideaux absorbant le son et par la mobilité de la canopée.
En musique non (ou peu) amplifiée, dans les salles classiques où le public fait face à la scène, le son émis sur scène doit se propager aux spectateurs, jusqu’aux plus lointains, principalement par des réflexions sur les parois latérales et le plafond, tandis que le mur du fond est absorbant. La réverbération vers les spectateurs peut être accentuée par une légère inclinaison vers l’intérieur des murs latéraux, ainsi que par les éventuelles sous-faces des balcons. Lorsque la forme de la salle est peu favorable à l’acoustique - comme le cercle et l’ellipse qui créent un ou deux points de focalisation des ondes sonores au centre -, la réponse est de rendre les murs latéraux diffusants, de façon homogène dans toutes les directions. La forme du plafond est étudiée afin qu’il réfléchisse le son de manière égale sur les différentes rangées.
Propagation naturelle
En outre, il peut être intéressant d’exploiter le potentiel de transmission du son du plancher en bois, en particulier pour des instruments comme le piano. Cette propagation naturelle du son par une combinaison de réflexions (ou diffusions) et transmissions fonctionne bien pour des salles inférieures à 25 m.
Le principe des très grandes salles a vu le jour en 1963 avec la Philharmonie de Berlin, conçue en terrasse, autour d’une scène centrale. Le jeu des lignes courbes des balcons et des parois intermédiaires permet de propager le son et de le réverbérer aussi bien vers le premier parterre que vers les spectateurs les plus éloignés. Autre exemple, la Philharmonie de Paris, réalisée principalement par l’équipe de Marshall Day Acoustics, avec un programme établi par Kahle Acoustics. La salle comporte deux volumes : un premier, intérieur avec les musiciens et le premier parterre, et un volume secondaire, avec une durée de réverbération supérieure à 2 secondes. Les balcons qui jouent le rôle de réflecteurs sont décollés des parois : ils contribuent à un enveloppement par réflexions latérales et assurent une grande réverbération.