Déclinaison solaire d’une charpente métallique vitrée

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Déclinaison solaire d’une charpente métallique vitrée

La rampe du Passage Avigliana : l’auvent « papillon » est désormais fixe, la grille ici en position roulée, assurera la fermeture de l’accès. (Doc. Vigneau Mathieu/Arep.)

L’ingénierie et la conception architecturale de la gare TGV de Turin font coexister, sous une ossature d’acier monumentale, les exigences d’éclairage, de ventilation naturelle et celles de transparence et sécurité incendie.

L’arrivée du TGV à Turin a entraîné la transformation de la gare de Porta Susa, première halte italienne sur la ligne Paris-Rome, en une vaste plate-forme multimodale, dont la colonne vertébrale est une galerie urbaine. La première tranche de travaux qui comprend l’accès au métro, a été inaugurée en septembre 2011, l’ensemble de la verrière étant déjà achevée.

Recherche de fluidité dans les interfaces des différents modes de transports, et volonté de rétablir la continuité du tissu urbain, sont les deux impératifs gouvernant la conception de cette nouvelle gare.
Le faisceau ferroviaire qui scindait la ville en deux a été enterré de 8 m pour laisser la place en surface à un nouveau boulevard urbain dénommé « Spina centrale » [ndlr : épine centrale].
Selon le mandat initial, le projet d’architecture de la gare ne devait laisser émerger qu’une canopée réduite à l’accueil de la gare TGV, en laissant les parkings occuper l’espace urbain. Alors que les travaux d’infrastructure étaient déjà avancés, ce parti a été remis en cause à la mesure de l’impact du programme multimodal sur la ville, au profit d’une architecture faisant plus largement communiquer les différents modes de transports entre eux et avec la ville. Dans cette logique, les parkings ont été relégués en sous-sol. La partie émergée de la gare est une galerie vitrée de 385 mètres en surface, correspondant à la longueur d’une double rame de TGV (380 m) au niveau des voies. Elle fond en un seul espace physique et visuel trois entités fonctionnelles : la gare accueillant les trains à grande vitesse de la ligne Paris-Rome, la station de métro Porta Susa, et le hall d’accueil des usagers des différents réseaux. Cette galerie urbaine associe services, commerces et restauration. Rampes et escalators conduisent jusqu’aux quais et assurent l’interconnexion avec le métro. Cette disposition multiplie les points de contacts et élimine les goulets d’étranglement entre les différents modes de transports.

Parapluie urbain en acier

La verrière de Porta Susa a pour références deux modèles historiques, d’un côté les espaces urbains couverts polyvalents comme les passages italiens de Turin, Milan, Naples du xix e siècle, et de l’autre, les grandes gares européennes de la même époque, avec leurs ossatures de fer monumentales largement vitrées. Ils sont ici fusionnés dans un projet innovant de fonctions urbaines et d’espace public.
La verrière recouvre trois types d’espaces : les espaces publics qui autorisent la traversée de la gare par les usagers et sur lesquels débouchent les accès à la station de métro et à la gare TGV, les espaces commerciaux et tertiaires fermés et climatisés. Pour mémoire, les parkings occupent les zones aveugles en sous-sol.
L’intégration visuelle des espaces aura pour corollaire un traitement global de la climatique et une stratégie novatrice pour la protection anti- incendie. La verrière en acier est issue du modèle traditionnel en fer de la voûte en berceau, afin de créer un parapluie à l’échelle urbaine. Les inflexions de son profil en long différenciant les zones d’usages du volume, lui donnent une échelle. Elles améliorent aussi l’insertion dans le paysage urbain de ce gigantesque volume.
Trois passages publics (Avigliana, Susa et Duchessa Iolanda) traversent d’est en ouest la verrière. Leur présence est fortement signalée par des auvents mobiles « papillons » faisant office de fermetures. Tout en conservant cette morphologie imagée, ils sont devenus fixes en cours de projet et dotés de fermetures plus classiques, des grilles enroulées. Le caractère urbain du lieu a été travaillé dans le détail, par l’emploi de revêtements introduisant à l’intérieur de la halle l’aspect des dallages et pavages des rues de Turin en pierre de Luserna (Haut Adige), à la place des matériaux industriels habituellement prescrits pour de tels lieux.
D’une portée fixe de 30 m et de 385 m de long, la voûte est constituée de 106 arcs courants, et de deux arcs pignons sur une trame longitudinale de 3,6 m. Elle culmine à plus de 20 mètres au-dessus des voies. De section uniforme, les arcs courants sont ajourés, sauf au droit des passages, où ils sont renforcés. Chaque arc est une poutre d’acier recomposée de 30 m de portée fabriquée en cinq éléments montés et boulonnés in situ. De gabarit variable, leurs profils sont pratiquement tous différents. Même en phase de montage, les arcs ne devaient pas s’appuyer à la structure béton du hall des voies. Le premier élément de l’arc, pour être autostable, est donc adossé en appui sur un buton. Celui-ci reste à demeure et réalise l’encastrement permanent de l’arc dans le sens transversal. Dans le sens longitudinal des barres contreventent la voûte de part et d’autre des ouvertures.

Ventilation naturelle et contrôle de l’ensoleillement

La structure de la voûte est complétée, pour assurer sa rigidité, par des tirants croisés dans les parties hautes dans le plan des vitrages, mais aussi dans des plans perpendiculaires au vitrage (poutres tendues). Toutes les fonctions susceptibles d’être accrochées à la voûte sont alignées sur les raccords de montage des arcs pour une vision épurée de la structure et du volume, mais aussi pour faciliter les opérations de maintenance.
L’aménagement de la halle vitrée, dont le gabarit monumental développe 15 000 m 2 de verrière, évoque un problème potentiel d’effet de serre et de climatisation vorace. La solution a consisté à associer ventilation naturelle par tirage thermique et occultation par cellules photovoltaïques apportant un complément d’énergie. La ventilation est réalisée par le montage en écailles des panneaux de verre qui ménage des ouvertures permanentes fixes. L’ensemble est complété par une évacuation haute, le lanterneau de crête de la verrière. Elle bénéficie d’une inertie thermique importante, grâce aux halls des quais de la gare TGV souterraine, celle-ci disposant de masses importantes de béton et de comblements. Dès lors, elle se suffit d’un bon contrôle de l’ensoleillement. Un effet de claire-voie dans les vitrages est apporté par des capteurs solaires photovoltaïques mono-cristallins opaques. Ils sont inclus en sandwich dans des vitrages feuilletés simples. L’axe de la verrière étant sensiblement nord-sud, leur ensoleillement varie peu, dans la partie haute de la couverture, au profil de dôme aplati.
Dans les parties verticales est et ouest de la verrière, la variation de l’incidence du soleil est telle que l’inclusion de capteurs ne se justifie pas, et ce sont des motifs sérigraphiés similaires aux cellules des capteurs qui assurent la protection solaire, avec un effet de claire-voie comparable, bien que la densité visuelle de la sérigraphie soit inférieure à celle des capteurs. L’apport en énergie électrique des capteurs photovoltaïques est évalué à 680 000 kWh/an, contribution majeure aux besoins des locaux climatisés, ainsi qu’au rafraîchissement et au chauffage de base des terrasses intérieures.

Confinement par sprinklage

L’effet de serre, d’après les simulations, devrait être évité même dans des périodes estivales. Les fortes chaleurs extérieures (30 °C et ) enregistrées au mois de septembre à l’inauguration de la première tranche, alors que l’ensemble des dispositions de confort n’étaient pas encore installées, n’ont pas entaché la viabilité de la conception thermo climatique du lieu.
Les problématiques de désenfumage et de confinement des locaux en cas de sinistre, ont été abordées dès le début du projet, dans la conception des volumes, afin d’assurer la faisabilité des critères de continuité physique et visuelle, en étroite collaboration avec les spécialistes de la sécurité incendie EGA Engineering. Le confinement du hall, des quais et de la verrière est assuré par un système sprinkler de rideau d’eau isolant, l’un de l’autre, les deux volumes au pied de la verrière, le sinistre étant détecté d’un côté ou de l’autre. Le désenfumage du hall des quais de la gare TGV se fait par les évents ponctuels prévus au sol en bordure du boulevard de la Spina Centrale. En revanche, le désenfumage de la verrière par les ouïes ouvertes tout au long du lanterneau se fait sans le moindre apport technologique. Le choix d’une ventilation par tirage naturel s’accommode de l’ouverture en permanence des ouïes du lanterneau, sécurisées de chaque côté par une grille fixe à chicanes. Ce choix, qui devrait ménager le confort des usagers dans tous les cas de figure thermiques, évite l’installation et la maintenance coûteuses d’automatismes d’ouvertures de désenfumage.

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