Par la circulation d’une suspension contenant des particules de graphite au travers du film de silicone, la transmission lumineuse de la vitre passe de 0,9 à 0,4.
Pour améliorer le contrôle thermique des baies vitrées, qui restent, malgré d’importants progrès, la grande faiblesse des façades, des chercheurs américains ont conçu un film en silicone percé de microvaisseaux. Traversé par un courant d’eau, il refroidit de 10 °C la vitre sur laquelle il est collé.
Vitrages multiples, verres à basse émissivité, réfléchissants ou chromogènes… Grâce à eux, les performances thermiques des baies vitrées n’ont jamais été aussi intéressantes. Dans un futur proche, les fenêtres seront adaptatives : capables d’isoler du froid l’hiver et de réduire les apports de chaleur l’été.
À Boston, dans un laboratoire de l’Université de Harvard, Benjamin Hatton et ses collègues y travaillent. Spécialisés en science des matériaux, ils viennent de publier, dans la revue Solar Energy Materials & Solar Cells, un article décrivant un procédé très différent des technologies qui équipent, aujourd’hui, les fenêtres de nouvelle génération. Il s’agit d’un fin feuillet de silicone transparent, contenant de minuscules canaux au travers desquels de l’eau est mise en circulation par une pompe. Appliqué sur une vitre, en fonction des conditions de température, il la rafraîchit ou la réchauffe. « Développée il y a quinzaine d’années, la miniaturisation de réseaux de fluides à l’échelle microscopique est très répandue en chimie et en biologie, explique le chercheur. Mais en général, ces supports ne dépassent pas la taille du centimètre. Nous avons innové en fabriquant des pellicules capables de recouvrir des vitres de grande taille. » Les premières expérimentations n’ont porté que sur le refroidissement, bien qu’en théorie, ce système microfluidique puisse aussi réchauffer.
Efficacité prouvée sur 100 cm2
Afin de tester l’efficacité de la technologie, les chercheurs ont utilisé une vitre de 10 x 10 cm2. Placée sous une source de chaleur, elle présentait une température initiale comprise entre 35 et 40 °C. Une fois le flux d’eau initié, un système d’imagerie thermique a permis de suivre la température à la surface de la vitre en fonction du temps. Résultat : au bout de cinq minutes, avec de l’eau circulant à température ambiante, l’échantillon vitré a atteint une température stable, d’environ 10 °C inférieure à la température de départ. À partir d’un modèle mathématique prédictif, les chercheurs ont étendu ces résultats à des surfaces vitrées plus importantes. D’après leurs calculs, le flux d’eau garantissant l’efficacité du système reste raisonnable, même lorsqu’il est appliqué sur de grandes surfaces. Ainsi, l’énergie consommée par la pompe demeure très inférieure à l’énergie qui serait dépensée par un système de climatisation pour atteindre le même refroidissement.
Au-delà de son rôle thermique, le système pourrait aussi servir à opacifier les vitres – à la manière des vitrages feuilletés qui se teintent par stimulation électrique. En remplaçant l’eau par un fluide pigmenté, les scientifiques sont, en effet, parvenus à diminuer la transparence de la vitre. Une transparence qui pourrait être précisément contrôlée en jouant sur le flux et la densité des particules en suspension.
Verra-t-on prochainement sur le marché des fenêtres équipées de ces pellicules d’élastomère ? Pour Benjamin Hatton, leur industrialisation ne devrait pas être trop coûteuse. « La production de ces films se fait par une technique de moulage, très semblable aux techniques industrielles existantes. Quant au matériau, son prix est de quelques dollars/m2. » Dora Courbon