En tirant partie de l’inertie du béton de la structure d’un bâtiment, la dalle active permet de diminuer la consommation d’énergie, tout en assurant le confort des occupants.
Connue et mise en œuvre depuis les années 1970 à l’étranger - en particulier dans les pays germanophones et anglophones -sous le terme générique de CCTC (Concrete Core Temperature Control), la dalle thermoactive a pris son essor en France ces dernières années. Deux produits sous avis technique, Activ+ de Rehau et Contec d’Uponor, sont disponibles dans le réseau de négoce ; ils peuvent être montés in situ, ou posés sous forme de modules préassemblés. Les pièces (tubes souples, fixations, raccords, etc.) destinées aux planchers chauffants ont été adaptées par les fabricants. Le principe qui consiste à faire circuler de l’eau froide ou chaude dans la dalle, par le biais de nappes de tuyaux souples servant d’échangeurs thermiques, est en effet similaire. La différence notable entre les deux procédés vient du positionnement de la nappe dans la dalle. Les tubes du plancher chauffant sont posés par-dessus l’isolation de la dalle, sous le revêtement. Un transfert thermique direct vient refroidir ou rafraîchir l’air de la pièce. Avec la dalle active, les nappes sont posées au cœur du béton. En saison chaude par exemple, la circulation d’eau froide est rafraîchie par de l’eau puisée en sous-sol, ou par l’air frais nocturne. L’inertie du béton est exploitée afin de stocker la chaleur ou la fraîcheur, et de différer son transfert à l’air de la pièce, selon les fluctuations des charges thermiques. Ce concept est également utilisé en parois actives, créant des barrières thermiques dans les murs (lire l’encadré p. 29).
Émetteur à basse température
Exploitable uniquement dans les bâtiments neufs, le procédé s’est développé en France dans le tertiaire, même s’il s’avère adapté aux commerces, hôpitaux, établissements scolaires, ainsi qu’à l’habitat collectif. Le fabricant Uponor se félicite de la croissance exponentielle de ses ventes en France, avec une surface installée de dalles actives qui double presque chaque année. La souplesse de mise en œuvre permet d’adapter la régulation des différentes nappes en fonction des usages et de l’exposition des pièces, garantissant une température d’ambiance homogène et laissant une grande liberté dans l’aménagement de l’espace intérieur. Invisible et inaudible, sans courant d’air, la dalle active augmente le confort thermique des occupants. Elle relève de la famille des émetteurs à basse température, avec un différentiel faible entre le départ et le retour du régime d’eau, entre 2 et 5°C. En mode chauffage, la température de départ de l’eau avoisine 25°C, avec un maximum de 30°C régulé par une vanne deux voies située en amont des collecteurs ; en mode rafraîchissement, elle est proche de 20°C, avec un minimum à 18°C. Cette faible température de départ de l’eau facilite l’intégration d’apports énergétiques gratuits, comme l’ensoleillement en hiver ou le rafraîchissement nocturne en été. Le béton sert de stockage thermique et les calories sont restituées avec un décalage dans le temps, ce qui s’avère efficace pour exploiter des énergies intermittentes de type renouvelable (solaire thermique, pompe à chaleur, géothermie, etc.).
La masse structurelle du béton d’un bâtiment est donc exploitée afin d’obtenir un meilleur confort et de réduire la consommation énergétique. Les dalles situées entre deux niveaux chauffés peuvent être activées, ainsi que la première ou la dernière en toiture, en veillant à isoler le côté extérieur de la paroi froide. En pratique, les transferts thermiques avec l’air des pièces s’effectuent pour deux tiers par le plafond et pour un tiers par le sol ; le système est d’ailleurs parfois nommé « plafond actif ». S’il est avantageux quant aux transferts, un béton brut au sol pose des problèmes acoustiques et de confort. Il est néanmoins conseillé d’éviter les revêtements de sol très isolants et les plafonds suspendus sont proscrits. Sur certaines réalisations, le rayonnement s’effectue presque exclusivement par le plafond, du fait de la présence de planchers techniques ou d’un isolant, comme de la moquette. La puissance moyenne alors développée est comprise entre 40 et 60 W/m².
La régulation et les sécurités doivent limiter les températures de fonctionnement dans la dalle active dans la fourchette fixée par le fabricant. Celle de départ peut être ajustée à une valeur minimale réduisant le risque de condensation, typiquement 18°C, ou en installant un contrôle spécifique avec des sondes vérifiées annuellement pour mesurer l’hygrométrie et la température de sol. Le lissage de la température lors des pics aide à réduire le coût du système de production d’énergie, qui peut être dimensionné au plus juste, avec une petite unité de complément de chauffage. Une petite unité de rafraîchissement peut également s’avérer nécessaire pour des pièces occupées de manière intermittente ou par un grand nombre de personnes, comme les salles de réunion. La régulation est conçue pour que l’appoint ne puisse pas fonctionner en mode inverse à celui de la dalle active. Elle met en œuvre des cycles de charge et de décharge de la dalle, suivant les saisons, en fonction des pièces, de leur exposition et de leur usage. Il faut compter une année de fonctionnement du bâtiment en conditions réelles pour optimiser cette régulation.
Échangeurs en serpentins ou spirales
Le savoir-faire demandé à l’installateur est similaire à celui requis pour la mise en œuvre de planchers chauffants hydrauliques, avec une simplification appréciable dans le cas de modules préfabriqués. L’échangeur à base de tubes est intégré au cœur de la dalle, soit en serpentins, soit en spirale. La pose a lieu pendant la phase du gros œuvre, idéalement en temps masqué. Les nappes d’échangeurs thermiques doivent en effet être placées avant le coulage sur le ferraillage inférieur de la dalle, ou sur un treillis de maintien, suivant la hauteur de la nappe par rapport à la sous-face de la dalle. Les tubes peuvent être montés directement sur site à l’aide de bagues de raccordement ; ils sont ligaturés sur le ferraillage existant avec des colliers de fixation non métalliques. En France, Uponor et Rehau commercialisent tous deux des modules préassemblés de tubes souples sous pression, avec un treillis de maintien des nappes non structurel. Ces modules, d’une surface d’environ 10 m2 en dimensions standard, doivent être manipulés par deux personnes, mais leur pose est trois à quatre fois plus rapide qu’avec un montage sur site. Ensuite, est placé le treillis supérieur avec un calage adapté, avant le coulage du béton.
Les tubes souples des nappes sont de type polyéthylène réticulé, fabriqué par la méthode peroxyde (PEX-a), et en DN 16/20 mm ; ils gagnent à être pourvus d’une barrière antioxygène (BAO). Le pas entre les tubes, sur mesure, peut atteindre 30 cm ; la maille standard est de 15 ou 20 cm, ce qui autorise une température d’eau plus faible pour un transfert thermique néanmoins équivalent au mètre carré, et favorise une régulation naturelle de la dalle active. Le réseau est placé au cœur de la dalle, le plus bas possible si la priorité est le rafraîchissement, qui s’effectue avant tout par le plafond. Il faut éviter de placer les nappes dans les zones soumises à des contraintes structurelles, pouvant présenter des risques de cisaillement, comme la périphérie du bâtiment, ou la proximité de piliers avec un ferraillage. Dans les zones de circulation peuvent passer les tubes de liaison entre les nappes.
Prescriptions
Si les deux produits français commercialisés sont encadrés par un avis technique, les prescriptions du
Avant de couler le béton, il faut vérifier l’étanchéité du réseau de tubes fixé entre les armatures inférieures et supérieures, par une inspection visuelle et un test de la pression hydraulique par manomètre. Avant et pendant les travaux de bétonnage, ainsi que pendant la durée de séchage, tous les circuits doivent être maintenus sous pression, laquelle doit être vérifiée. Une fois l’installation en fonctionnement, les réparations ne sont en effet plus possibles et le seul recours est de mettre hors service une boucle qui viendrait à être endommagée. Les nappes de tubes sont mises sous pression avec de l’eau avant le coulage du béton, à une valeur normalisée de 1,3 fois la pression de fonctionnement, sans toutefois dépasser six bars. Toutefois, cela ne constitue pas toujours la meilleure solution : l’eau peut geler en hiver et une petite fuite n’est pas systématiquement décelable dans un béton frais. La mise sous pression peut également s’effectuer avec de l’air à une valeur non normalisée de trois ou six bars suivant les constructeurs, grâce à une bouteille. En cas de fuite, les bulles d’air sont plus faciles à détecter dans le béton.
Deux approches de l’équilibrage
Les avis techniques précisent les contraintes de conception, comme « la longueur de tube installé dans une boucle qui doit être inférieure à 130 m, et ne doit pas opposer de perte de charge supérieure à 300 Pa », pour Contec d’Uponor. Les différents circuits du réseau hydraulique doivent être équilibrés du point de vue du débit ; le plus simple est de les raccorder à un collecteur. Chaque circuit est équilibré avec une vanne d’isolement manuelle sur l’élément départ et un débitmètre sur l’élément retour. L’installation nécessite alors un réglage manuel, et le collecteur peut se trouver au-dessus de la dalle (par exemple dans le plancher technique), ou en dessous. Un placement sous la dalle, au niveau du plafond de l’étage inférieur, réduit le risque de détérioration du collecteur pendant le coulage du béton et la poursuite du chantier. Le choix de ce mode de collecteur offre une souplesse de mise au point, avec un système s’adaptant à la taille de la zone, aux besoins thermiques, grâce à des vannes d’équilibrage pouvant comporter un débitmètre et placées sur le retour. Les installations peuvent également être équilibrées avec une alimentation en boucle de Tichelmann, sans réglage manuel ultérieur. Parce que les circuits ont une longueur identique, les pertes de charge sont équivalentes dans chacun d’eux. Les collecteurs horizontaux de la boucle de Tichelmann sont noyés dans la dalle, d’où un gain de place. Enfin, l’entretien des dalles actives est identique à celui des planchers chauffants, en veillant notamment aux défauts d’étanchéité et aux risques d’embouage. En particulier lors de la mise en service de l’installation, un rinçage de tous les réseaux doit être effectué, boucle à boucle.