Bien que soumis à de nombreux textes réglementaires, lycées et collèges bénéficient aujourd’hui d’une grande liberté architecturale.
DANIEL LEBRETON, directeur adjoint des collèges pour le conseil général de l’Essonne, est chargé de la remise à niveau du patrimoine et de la construction de collèges neufs. Soit, après l’ouverture du centième établissement à la rentrée, une surface globale de 700 000 m2 correspondant à 60 000 élèves/an environ.
Comptant parmi les premiers départements de France à mettre en place un agenda 21 (1), l’Essonne a été précurseur dans la prise en compte du développement durable. Dès 1999, le conseil général fait référence aux concepts de haute qualité environnementale et à la démarche en coût global. Puis, en 2003, il impose aux maîtres d’œuvre la désignation d’un « correspondant HQE » au sein de leurs équipes lors de la construction de collèges neufs ou de lourdes restructurations. Chargé de dialoguer avec le maître d’ouvrage, cet interlocuteur favorise les compromis techniques satisfaisants. Objectif : obtenir des bâtiments plus aboutis. Le patrimoine du département, qui date d’une trentaine d’années, est ainsi mis en conformité avec les normes actuelles. Les établissements scolaires sont adaptés à l’augmentation des effectifs, au développement de nouvelles activités, comme les centres de documentations et d’information, les salles multimédia et à celui de la vie scolaire.
RÉGLEMENTATION
CTB : Les collèges relèvent d’un arsenal réglementaire étoffé. Comment conjuguez-vous l’ensemble de ces exigences ?
D. L. : Afin de prendre en compte l’ensemble de la réglementation, nous avons déterminé un référentiel mis en œuvre dès 1998. Joint au marché, il fait apparaître pour chaque corps de métier les éléments techniques indispensables à nos yeux. Le référentiel exige notamment des prises anti-vandalisme dans les couloirs de circulation. En matière de cloison, par exemple, le texte impose de mettre en œuvre des cloisons type Placostyle en double peau sur chaque face et des parements en THD pour les couloirs et les cages d’escaliers. De même, en matière de structure, le référentiel préconise l’usage de béton banché ou moulé, tout en autorisant les parpaings avec une technique de mise en œuvre qui limite les risques de fissuration. Pour les cuisines des demi-pensions, il précise la nature des matériaux à utiliser, en particulier de l’acier inoxydable et du carrelage toute hauteur.
L’une des principales lignes directrices est de choisir des matériaux de très bonne qualité et des dispositifs durables, afin de générer le moins de maintenance possible. L’objectif est d’aller au-delà de la réglementation actuelle afin de tenir compte d’une évolution majeure des attentes : il ne s’agit plus de construire des bâtiments ou de les rénover, mais d’offrir des services aux personnes qui vont travailler et entretenir le bâtiment.
CTB : Comment cela se traduit-il ?
D. L. : Il s’agit avant tout d’identifier au mieux les besoins et de définir les priorités. Notre démarche est participative. Lors de la dernière rencontre départementale de la communauté éducative des collèges, le 3 février 2007, sur le thème « Ensemble, décidons des nouvelles politiques départementales pour les collèges », nous avons déterminé les priorités en prenant en compte des critères aussi divers que l’état du bâti, l’évolution des effectifs, la vétusté des installations, le manque éventuel de surface au regard des impératifs de la vie scolaire (salle multimédia, centre de documentation et d’information, etc.) et, bien entendu, la dimension sociale. Nous avons ensuite mis en place une liste de 15 collèges et de 13 demi-pensions à restructurer en profondeur. Chaque année trois collèges et autant de demi-pensions sont donc remis aux normes.
En sus de ces programmes pluriannuels, nous disposons d’un programme par corps de métier, qui finance la rénovation d’une façade ou d’une toiture-terrasse, par exemple, et un programme qui porte sur les travaux d’entretien programmés, dont le budget annuel avoisine les six millions d’euros. Ce même budget sert aux travaux urgents, comme des pannes ou des problèmes liés à des actes de vandalisme. Enfin, le département dispose d’un programme spécifique pour la construction de nouveaux établissements.
CHAUFFAGE
CTB : Quels sont les critères déterminants dans le choix d’une énergie ?
D. L. : Notre objectif reste le même d’un collège à l’autre : assurer la continuité du service public et réduire les coûts. Chaque énergie est ensuite adaptée à un établissement donné et dépend donc d’une situation particulière. L’important, c’est que l’énergie soit adaptée au bâtiment et à sa conception. Si une majorité d’établissements fonctionnent au gaz, nous avons quelques collèges reliés au réseau urbain, d’autres qui utilisent l’électricité et certains dans lesquels les chaudières sont de technologie récente, qui utilisent toujours le fioul.
Afin d’assurer la continuité du service public en toute circonstance, chaque établissement est équipé de deux chaudières, pour pallier une éventuelle défaillance. Mais l’enjeu consiste aussi à optimiser la régulation en fonction du calcul du nombre de jour de chauffage et des conditions qui conduisent à chauffer l’établissement. L’important c’est de chauffer avant que les élèves n’arrivent et d’arrêter avant leur départ afin de corréler heures de chauffe et heures de présence.
Pour réaliser des économies, nous avons installés dans certains collèges des panneaux solaires qui couvrent ainsi 50 % des besoins de chauffage de l’eau chaude sanitaire pour les cuisines des demi-pensions. Dans le contexte de l’acte 2 de la décentralisation, nous nous interrogeons aujourd’hui sur la question de la mutualisation des achats d’énergie à l’échelle du département.
ÉCLAIRAGE
CTB : Quelles solutions préconisez-vous ?
D. L. : Tout ce qui concerne les exigences réglementaires en la matière est pris en compte d’office dans le référentiel qui sert de base à tous les travaux. Notre objectif est d’aller au-delà d’un nombre limite de lux au m2, mais aussi de traiter une ambiance. Ainsi, cette année, deux concours de maîtrises d’œuvre ont été remportés par des équipes qui proposaient notamment de créer des puits de lumière. Dans ces projets, l’espace était pris en compte d’une façon nouvelle, ce qui a séduit le jury. L’un de ces projets en particulier concerne une demi-pension où le puits de lumière transforme de façon radicale l’ambiance de la salle de restaurant.
L’autre priorité en matière d’éclairage va bien sur vers les économies d’énergie.
Les deux piliers de notre démarche se résument ainsi : basse consommation et allumage automatique avec détection de présence. Cette solution est systématique dans les établissements neufs.
HANDICAP
CTB : Comment prendre en compte l’accessibilité pour tous ?
D. L. : Au-delà des exigences réglementaires, là aussi, nous travaillons au cas par cas et nous nous adaptons à la forme du handicap. Pour les handicapés moteurs, nous travaillons sur l’aménagement et l’accessibilité du site. Dans un autre collège, nous avons mis en place un système de signalétique en braille pour une élève aveugle qui entrait en sixième. De même, nous avons étudié un repérage adapté pour les enfants malvoyants, avec des contrastes de couleurs prononcés. Dans un collège qui compte de nombreux sourds et malentendants, les alarmes à incendie sonores ont été doublées par des alarmes visuelles. La réglementation est tellement riche que nous sommes obligés d’adapter en fonction des projets et des besoins particuliers.
ÉVALUATION
CTB : Comment estimer la pertinence des solutions retenues par rapport aux demandes d’origine ?
D. L. : L’évaluation d’un projet, après sa réalisation, qu’il s’agisse de construction neuve ou de rénovation, est difficile à réaliser, car nous travaillons sur des périodes longues, de l’ordre de cinq à six ans, qui se divisent en quatre étapes majeures : programmation, désignation du maître d’œuvre, étude de projet et enfin, la réalisation des travaux proprement dite, qui dure entre 18 et 24 mois. C’est cette écriture segmentée de l’acte de construire qui pose problème. Lors de la réalisation, les intervenants découvrent toujours des problèmes nouveaux qui rétroagissent sur les phases antérieures, parfois même sur le programme.
Par exemple, en ce qui concerne l’évaluation d’un projet, la mesure du taux de polluant est particulièrement délicate.
En matière de composés organiques volatiles (COV), il convient de dissocier les effets du mobilier des salles de classes de celui des colles ou des peintures mises en œuvre dans le bâtiment lui-même.
Enfin, le retour d’expériences conduit à s’interroger sur la prise en compte au moment de l’élaboration des programmes de l’évolutivité des bâtiments et de leur nécessaire flexibilité.