© Mathieu Michel
Les différents acteurs de la géothermie de surface s'unissent autour du collectif France Géoénergie dans le but de démocratiser cette solution énergétique décarbonée. Ils espèrent augmenter la production de 4,7 TWh annuels actuellement, à plus de 100 TWh en 2040.
Chercheurs, institutionnels, fournisseurs d’énergie et promoteurs ont profité du Salon des Maires 2022 à Paris pour annoncer la création du collectif France Géoénergie. Il vise à systématiser le recours à la géothermie de surface, qui consiste à puiser la chaleur naturelle sous-terraine jusque 200 m de profondeur afin de chauffer sans émission de gaz à effet de serre. L’association française des professionnels de la géothermie (AFPG) estime qu’elle émet 90 % de C02 en moins et réduit de 75 % la consommation d’énergie par rapport au gaz. Avec sa volonté affichée de pédagogie, le collectif ambitionne de démocratiser cette énergie et accompagner l’ensemble des acteurs pour la mettre en place. « Aujourd’hui, les décideurs ne savent pas quelles ressources se trouvent sous leurs pieds », constate Jacques Goulpeau, directeur général de Géosophy. Il a ainsi cartographié les bâtiments du territoire et les ressources sous-terraines afin de pouvoir connaître le potentiel d’un immeuble simplement en entrant son adresse dans son moteur de recherche.
Objectif, 100 TWh en 2040
Disponible sur 90 % du territoire, cette énergie ne produit actuellement que 4,7 TWh par an, soit à peine 1 % de la production de chaleur en France. L’AFPG fixe un premier seuil à 8 TWh en 2028, 15 en 2033 et même 100 TWh en 2040, l’équivalent de 5 centrales nucléaires. Son vice-Président, Christophe Luttmann, estime que « ces caps ne pourront être tenus qu’en structurant la profession et en regroupant tous les acteurs. Par ailleurs, d’ici peu, l’IA permettra de gérer son stockage et déstockage. »
Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu vient d’annoncer une nouvelle enveloppe de 5 milliards d’euros sur 4 ans dédiée à la transition énergétique des collectivités. Une part devrait être destinée à la géoénergie. Les subventions publiques devraient porter ces projets, à en croire Baptiste Perrissin-Fabert, directeur général délégué de l’Ademe : « Nous n’avons pas défini une limite d’enveloppe précise. Tous les bons projets en géothermie seront soutenus. » Il souligne également la nécessité d’établir des business model innovants pour que le Fonds Chaleur agisse comme levier sur le financement privé.
Logements individuels, bâtiment tertiaire et industrie
Directrice de projets à Bouygues Immobilier, Nathalie Garin-Chereau observe une récente évolution de paradigme. « Jusque-là, la géothermie de surface était surtout prisée pour les grosses opérations, à cause d’un amortissement assez long qui nécessite des modes de financement. Mais la hausse du prix de l’énergie rebat les cartes. » En effet, si un investissement initial conséquent est nécessaire, la technologie a l’avantage de ne pas subir les fluctuations du marché, d’être durable (plus de 50 ans) et de ne demander que peu de maintenance. Rollon Mouchel Blaisot, préfet et directeur du programme national Action cœur de ville, considère que « lutter contre l’étalement urbain requiert d’adopter une approche territoriale et ne plus raisonner qu’à l’échelle d’un immeuble mais d’une agglomération. Le potentiel de cette source d’énergie répond à une demande industrielle qui permet d’articuler résidentiel et économique. » Ainsi, « Nexity a équipé 150 copropriétés en géoénergie en 3 ans », selon Benoit Mainguy, son directeur de la construction. Il prévoit 42 % de réduction d’émissions en 2030 par rapport à 2019 et conçoit la géothermie de surface comme une façon de « compléter l’offre de leviers à manipuler pour tendre vers la sobriété énergétique et la décarbonation. » Enfin, Nathalie Bardin, directrice innovation à Altarea, témoigne des atouts de la géothermie de surface à travers le projet Issy Cœur de Ville : un projet débuté six ans plus tôt sur un ancien site tertiaire rénové en un quartier de 3 ha, composé d’une trentaine de commerces, et chauffé entièrement en géothermie. Elle conclut : « Question fraîcheur, le procédé n’est pas en reste puisqu’il offre un ressenti de 3 à 4 degrés de moins en période canicule. » En rafraichissant sans réchauffer, il évite ainsi les ilots de chaleur urbains.