Autour des émergences de toitures, il faut, comme le long des relevés d’étanchéité, établir une « zone stérile » gravillonnaire.
À l’heure de la construction écologique, la toiture végétalisée a le vent en poupe. De nouvelles règles viennent préciser les conditions de mise en œuvre de ce type d’ouvrage qui joue aussi un rôle primordial dans l’étanchéité des bâtiments.
Si les mythiques jardins suspendus de Babylone ou les prairies de graminées plantées sur les toits des fermes norvégiennes sont souvent cités comme des exemples remarquables de toitures plantées, la version contemporaine de la toiture végétalisée a bien peu à voir avec ces exemples. À l’inverse des anciennes terrasses-jardins reposant sur la méthode de végétalisation intensive, les procédés mis en œuvre aujourd’hui utilisent des systèmes de végétalisation extensive. Plutôt que d’être plantés en pleine terre, les végétaux – le plus souvent des plantes grasses de type sédum – sont semés sur un substrat de quelques centimètres d’épaisseur. Cet avantage en terme de légèreté a pour contrepartie de rendre ces terrasses inaccessibles au public. En Allemagne, environ 14 000 000 m2 de toitures de ce type sont posées chaque année. En France, le procédé gagne du terrain au fur et à mesure que les bâtiments se mettent au vert. Les arguments plaidant en faveur de la toiture végétalisée sont désormais familiers de tous – rétention d’eau, gestion des pluies, esthétique, fixation du CO2, entretien faible, voire nul. Autant d’atouts qui feraient presque oublier l’essentiel : le rôle de ces toitures au service de l’étanchéité.
Sous les sedums, l’étanchéité
Les toitures végétalisées sont en effet placées sous la responsabilité des professionnels de l’étanchéité, qui peuvent à l’occasion sous-traiter la partie végétale à un paysagiste. Mais en tout état de cause, la garantie décennale donnée sur ces types de toitures concerne la partie étanchéité de l’ouvrage, et non les plantations. De nouvelles règles encadrant la pose de terrasses végétalisées ont été publiés en novembre 2007 par quatre organismes professionnels (1). Elles viennent combler le vide réglementaire des DTU et actualisent les règles édictées cinq ans auparavant. Le document rappelle d’abord que la structure doit être dimensionnée en tenant compte de l’augmentation de charges dues au poids du substrat et des végétaux, auquel s’ajoute le poids de l’eau retenu lors des averses. Il définit ensuite, dans une limite de pente comprise entre 0 et 20 % (entre 0 et 11°) les inclinaisons que doivent prendre les différents matériaux susceptibles de recevoir une toiture végétalisée. La maçonnerie, qui peut être employée sur tout ce spectre de pente (sauf en climat de montagne) s’avère la plus polyvalente, suivie de près par les dalles béton. Les tôles d’acier nervurés et les panneaux peuvent également recevoir une toiture végétalisée, pourvu que sa pente soit comprise entre 3 et 20 % (entre 2 et 11°). La restriction d’inclinaison à 20 % (11°) s’appliquant à tous les matériaux forme un seuil qu’il apparaît possible de dépasser : des Atex ont été données à des toitures végétalisées dont la pente atteignait les 90 % (42°).
Résister à la pénétration des racines
Avant plantation, la toiture végétalisée ne se différencie pas d’une toiture-terrasse classique dont l’étanchéité est réalisée au moyen de film bitumineux ou synthétique. Elle s’en différencie en réalité par deux détails spécifiques. Pour l’isolation, il est demandé d’utiliser des isolants de classe C, capable de résister aux piétinements de la couverture qui surviennent lors de la mise en place des végétaux. Les polystyrènes et les polyuréthannes peuvent répondre à cette contrainte, qui rend plus difficile l’emploi d’isolants de la famille des laines de roches. Ensuite, même si l’on trouve au niveau du substrat un film géotextile drainant limitant la dissémination des végétaux, le film d’étanchéité doit être en mesure de résister à la pénétration des racines. Selon des critères définis par la norme NF EN 13948, qui précise que le matériau ne doit présenter aucune perforation par les racines, ni aucune pénétration des racines dans les joints.
Certains fabricants, comme Soprema, mettent en avant une solution capable s’assurer à la fois l’étanchéité et la protection antiracines. Par exemple, Sopralène Jardin comprend une chape souple d’étanchéité constituée d’une armature en fibres de polyester et de bitume élastomère. La masse bitumineuse contient des agents antiracines empêchant la pénétration des racines à travers le complexe étanche. La face inférieure est recouverte de sable fin et la face supérieure est protégée par une autoprotection minérale. Ce produit s’emploie comme couche supérieure d’un complexe étanche antiracines utilisé en terrasses jardins et en terrasses végétalisées. La membrane Sarnafil T du fabricant éponyme offre les mêmes avantages. Les films bitumineux acquièrent cette résistance après l’adjonction d’un produit antiracines, additif dont peuvent se passer les membranes synthétiques d’étanchéité thermoplastique en polyoléfines souples (FPO), naturellement résistantes aux végétaux.
Les toitures végétalisées ne peuvent être plantées sur toute leur superficie : des zones dites « zones stériles » doivent être ménagées sur une bande de 40 cm courant tout le long de la rive de toiture, le long des joints de dilatations et autour des émergences de toiture. Leur rôle est de prévenir l’obturation des descentes d’eau par le lessivage du substrat, et de préserver l’accès aux relevés d’étanchéité. Cette bande, qui n’est pas considérée comme un chemin de circulation, place également le relevé d’étanchéité à distance des engins de coupe du type rotofil susceptibles d’être utilisés pour l’entretien de la toiture, les protégeant d’un accident de manipulation. Les nouvelles règles ont assoupli l’obligation de mise en place de ces zones stériles, peu esthétiques pour la toiture.
Les bandes de toitures étroites non accessibles peuvent s’en dispenser, il faut alors porter la hauteur du relevé à 15 cm au-dessus de la couche végétalisée, et il est possible de la supprimer au droit des joints de dilatation. Pourvu que la végétalisation recouvre entièrement l’ouvrage et que soient installés des éléments drainants rigides et une plaque rigide de protection. Enfin, dans les zones de toitures impropres aux plantations (absence de pluie, couloir de vent, réflexion solaire intense, zones ombragées), des zones stériles peuvent être aménagées. La pose du complexe végétalisé impose une nouvelle intervention sur un ouvrage achevé. Trois méthodes sont utilisées : la pose en micromotte, peu répandue, la pose de bac ou de rouleaux précultivés et le semis. La pose précultivée permet d’obtenir dès livraison du chantier un aspect végétalisé avec un taux de couverture de 70 %. Le semis doit être réalisé sans vent, ne peut être mis en en œuvre que lorsque les conditions climatique sont favorables – excluant les poses en décembre, janvier, février, juillet et août en fonction du lieu géographique –, et se développe plus lentement. On considère que le taux de couverture végétale est de 40 % au bout d’une année, et de 80 % en trois ans. Mais cette option reste plus économique. La mise en place d’un isolant approprié permet de prévenir les risques liés au piétinement de la surface de la toiture. Lors du chantier, le maître d’œuvre doit prévoir un point d’eau situé à moins de 30 m de la terrasse. Lors de la réception du chantier, un contrat d’entretien portant sur l’étanchéité, et la végétalisation de l’ensemble de la toiture – zones stériles incluses – est passé entre l’entreprise d’étanchéité et le maître d’ouvrage. Il garantira la floraison pérenne de ces nouvelles prairies de toitures.
Critères comparés entre trois complexes extensifs | |||
Marque | Sarnavert | Graviland pack | Sopranature |
Produit | Sika-Sarnavert | Icopal Siplast | Soprema |
Type | Extensive | Extensive | Extensive ou semi-intensive |
Etanchéité | Base d’alliage polypropylène | Revêtement d’étancheité bitumineux traité antiracine preflex et graviflex | Étancheité bicouche constituée d’une armature en fibre de polyester et de bitume élastomère avec adjuvant antiracines |
A.T. | N°5/06-1911 pour la solution avec semis | Avis technique Gravi | Avis technique Sopralene Jardin et Sopralene Flam Jardin |
Couche drainante | 6 mm en polypropylène (pentes inférieures à 2 %), feutre aquadrain au-delà | Bac en Pehp recyclé | Granulats meubles (Sopralithe), plaques de polystyrène alvéolé (Sopradrain) ou géotextile de drainage (Sopratex). |
Dimensions | Sans objet | Plaque 40 x 60 cm | Rouleau de 2 m L x 1 m l |
Épaisseur | 8 à 10 cm | 9 cm | Entre 6 et 26 cm selon option |
Culture | Semis ou précultivé | Précultivé à l’air libre | Précultivé, semis ou micromottes |
Pose | Hors période de gel et de fortes chaleurs | Toute l’année hors période de gel | De mai à septembre |
Poids (kg/m2) | 60 à 120 | 88 | De 120 à 300 selon option |
Support | Béton, acier, bois | Béton, acier, bois | Béton, acier, bois |
Pente | De 0 à 45 % sur étude au-delà | De 0 à 20 % en pose courante, au-delà de 20 % sur étude | De 0 à 20 % en pose courante, au-delà de 20 % sur étude |
Végétaux | Sedums, graminés, herbacées | Sedum type spectabile, kamtschaticum ou iris, joubarde, œillet, petites graminées, etc. | Graminées, plantes vivaces herbacées (œillets, iris, campanules), succulentes, sedums, semi-arbustives (ciste, lavande, santoline, etc.) |
Rétention d’eau (l/m2) | De 40 à 60 | 32 de réserve d’eau substrat | De 20 à 60 selon option |