La résidence A’Docks est constituée de deux corps de bâtiments (RDC+3) orientés nord-sud séparés par un jardin intérieur de 1000 m2 environ. (Doc. Atelier Cattani Architectes.)
Première en France, une résidence universitaire, prénommée « A’Docks », a été réalisée au Havre (76), à partir de conteneurs maritimes recyclés en 100 studios meublés.
Initié aux Pays-Bas, repris en Allemagne, Grande-Bretagne, Australie et au Canada, le concept d’aménagement de conteneurs maritimes a fait des émules. Au Havre (76), face à la pénurie de logements, la Ville a mis un terrain de 2 500 m2 à la disposition du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), pour construire une résidence étudiante de 100 logements avec des conteneurs maritimes, baptisée « A’Docks ».
Inscrite dans un vaste projet de requalification du quartier des docks, situé au sud de la commune, cette initiative – une première en France – a été sélectionnée dans le cadre de l’opération Campus en faveur de l’immobilier universitaire, engagée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.
C’est l’Atelier Cattani architectes (Paris) qui a remporté le concours concepteurs/constructeurs lancé par le Crous de Haute-Normandie, maître d’ouvrage, en partenariat avec Vinci-GTM Bâtiment et la jeune société Newden Design, implantée à Saint-Cloud (92), chargée de l’achat, la transformation et l’aménagement des conteneurs.
Structure porteuse en métal
Livrée en août 2010, la résidence sur quatre niveaux est constituée de deux corps de bâtiments orientés nord-sud avec un espace central végétalisé de 1 000 m2 environ. Elle comprend 21 logements au rez-de-chaussée (dont celui du gardien), accessibles et aménagés pour des étudiants handicapés et 80 logements en étages. Parmi les impératifs du cahier des charges, la résidence doit pouvoir éventuellement être démontée dans quinze ans et reconstruite sur un autre site. Autre obligation, les conteneurs doivent conserver leur aspect brut extérieur.
Le système de fondations profondes (15 m) par pieux a été complété par une ossature métallique constituée de profilés acier (IPN contreventés de 300 mm de hauteur) sur laquelle sont simplement posés les cent conteneurs. « L’enjeu de la démarche était de trouver un équilibre entre une expression architecturale industrielle et une qualité d’habitat maîtrisée. Le parti pris a été de désolidariser une structure primaire indépendante ayant vocation à soutenir les conteneurs et à répondre aux contraintes réglementaires », explique Alberto Cattani.
En effet, en raison de l’urgence des travaux – le chantier a duré cinq mois – la résistance structurelle du conteneur maritime et sa stabilité au feu d’une demi-heure requise dans ce type de logement, n’ont pu être testées. « Pour empiler les conteneurs, il aurait fallu imaginer des traitements au feu de la structure même du conteneur. On n’avait pas la garantie que cela fonctionne », précise l’architecte, qui poursuit : « Une charpente métallique a donc été édifiée pour porter chaque conteneur de façon indépendante. Cette structure intermédiaire répondant aux règles structurelles et de stabilité au feu nous a évité d’avoir recours à des Atex ou des tests assez lourds pour obtenir les garanties que ce produit maritime pouvait remplir les conditions pour un bâtiment d’habitation. »
Entre charpente et conteneur, des patins antivibratiles assurent une isolation acoustique performante qui permet d’éviter la propagation des bruits solidiens entre les conteneurs.
Autre avantage de la charpente métallique : elle autorise une grande liberté de composition par la mise en jeu des volumes. « Notre idée était de créer un projet léger, aérien. La structure permet de s’affranchir d’un simple empilement qui renvoie à la fonction traditionnelle et à l’aspect massif du conteneur de marchandise. Notre démarche ambitionne, sans dénaturer le caractère brut de l’objet, d’anoblir son statut », souligne l’architecte.
La structure primaire facilite aussi la mise en valeur des logements par des décalages et des prolongements extérieurs de terrasses et balcons. Elle permet, en outre, de mettre en œuvre tous les espaces servants. « Les séquences des coursives transversales donnant accès aux logements, rythment les façades par une succession de pleins et de vides et favorisent les transparences visuelles », précise Alberto Cattani.
Découpes et isolation en usine
Constitués d’un plancher bois et de tôle nervurée qui constitue l’ossature principale, les conteneurs mesurent 2,5 m de large, 3 m de haut et 12,20 m de long (surface hors tout : 29,80 m2). Achetés neufs par la société Newden Design et importés de Chine, ils ont transporté des marchandises (jusqu’à 1 tonne/m2), contrôlées dans le port du Havre selon des règles sanitaires en vigueur. Ils ont ensuite été recyclés en usine, au Havre, par cette même entreprise. « Les spécificités dimensionnelles du conteneur constituant un véritable enjeu, nous avons opté pour un accès latéral aux logements, afin d’optimiser l’utilisation de la surface habitable. Ces entrées par le côté autorisent le recours à une importante surface vitrée, aux extrémités des conteneurs (deux baies vitrées de 4 m² chacune) générant ainsi une importante prise de lumière », indique l’architecte.
Les conteneurs bénéficient, en outre, d’une isolation thermique performante, également mise en œuvre en usine. Toutes les faces sont revêtues d’un épais pare-vapeur, d’une couche de laine de verre (15 cm épaisseur) et de plaques de plâtre coupe-feu. Fixé sur le plancher existant, un plancher bois (lambourdes), avec un isolant en laine de verre intercalé, est recouvert d’un sol souple en PVC.
D’une surface deux fois plus importante que la moyenne nationale des logements étudiants, chaque studio meublé de 24,5 m2 est organisé en trois espaces de vie : une chambre-bureau avec placard (12 m2), une kitchenette et coin repas (9 m2) et une salle de bains avec W.-C. (3,5 m2). Les pièces sont éclairées par des luminaires fixés en applique aux parois verticales. Le studio est, en outre, équipé de deux convecteurs électriques avec régulation pour une consommation énergétique maîtrisée et d’une Ventilation mécanique contrôlée (VMC) dans les pièces humides. Toutes les gaines des réseaux (eau, électricité, internet) passent à l’extérieur des logements : chaque cage d’escalier comporte une gaine dans laquelle elles sont raccordées. Autant d’éléments visibles qui s’associent à l’esthétique industrielledes bâtiments. Les aménagements intérieurs épurés et la luminosité offerte par les deux grandes baies vitrées latérales constituent un cadre de vie valorisé, la plupart des logements disposant d’une terrasse (pour deux logements) de 9 m² et d’un balcon de 3,5 m².
Le procédé de recyclage industriel utilisépar la société Newden Design permet àl’ouvrage d’être délivré six mois aprèsl’obtention du permis de construire.
Solutions modulaires :des pistes pour l’avenir
Il aurait fallu deux ans et demi pour une résidence universitaire traditionnelle, précise l’entreprise. Cette solution apparaît ainsi comme l’une des pistes intéressantes pour résoudre la pénurie de logements universitaires en France : le parc public compte 160 000 chambres pour 2,2 millions d’étudiants.
Si la résidence A’Docks affiche un coût identique à celui d’une « cité U » traditionnelle (4,8 M3), Newden Design s’affirme capable de réduire de 20 à 30 % les coûts pour des programmes ultérieurs en éliminant les surcoûts liés au caractère innovant du projet. À noter que les places s’y sont arrachées au prix de 305 3 par mois (hors électricité).
Par ailleurs, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, a évoqué, lors de l’inauguration du bâtiment, d’autres solutions modulaires pour les étudiants, notamment sous forme de chalets en bois ou de cabines de bateaux. Mais en attendant, la galère continue pour la plupart des jeunes – et moins jeunes – à la recherche d’un logement à prix abordable...