Construction bois Une acoustique à ne pas prendre à la légère

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Construction bois Une acoustique à ne pas prendre à la légère

Exemple de liaison refend - façade filante

La légèreté des constructions bois n’est pas favorable à un traitement acoustique efficace. Mais le retour d’expérience progresse pour savoir évaluer et concevoir des structures qui répondent aux contraintes réglementaires et qui assurent le confort des occupants.

Moins avancé que dans les pays nordiques, le marché français de la construction bois s’est développé depuis le début des années 2000 en grande partie en maisons individuelles, mais aussi pour des ouvrages plus complexes grâce à l’essor du bois d’ingénierie.

La légèreté du bois, par ailleurs un matériau aux performances environnementales reconnues, est ainsi appréciée pour des surélévations et des extensions. Néanmoins, une telle construction n’est pas favorable à l’isolation acoustique. Qui plus est, l’hétérogénéité des modes constructifs en bois conduit à une grande variété de comportements, et la simulation acoustique doit impérativement être validée par des études terrain. « Le strict respect de la réglementation acoustique française n’est d’ailleurs pas suffisant, il faut aller au-delà, en particulier dans le cas du logement », assure Éric Gaucher, président d’Acoustique & Conseil. Le bois ne résonne pas comme le béton, le bruit de pas est perçu assez différemment. Il faut donc modifier les critères de jugements et se demander comment les personnes vont vivre dans le bâtiment. »
L’industrialisation des procédés de fabrication des poutres et des panneaux de grandes dimensions a permis d’alimenter le marché avec d’importants volumes de produits à la qualité contrôlée. L’innovation est venue du bois d’ingénierie, avec les poutres à grande portée et les panneaux massifs structurels en lamellé-croisé (CLT pour « cross laminated timber ») qui sont utilisés aussi bien en façades, qu’en parois intérieures et en planchers.
Autres matériaux : les poutres en bois massif abouté (BMA), en bois massif reconstitué (BMR) et, pour de fortes sections et de très grandes portées, le lamellé-collé (BLC) ou le lamibois (LVL pour « laminated veneer lumber »). Des fabricants proposent aussi des systèmes de panneaux structurels complets, comme Lineazen ou Techniwood (sous avis technique jusqu’à R + 15).
Ces nouvelles techniques ont favorisé l’essor de la construction en bois d’immeubles de grande hauteur, jusqu’à R + 8 actuellement en France, R + 14 à l’étranger avec la tour Treet, à Bergen, en Norvège : 49 mètres en ossature bois lamellé-collé et CLT. Plusieurs projets ambitieux sont en développement comme à Bordeaux où sont programmées deux tours pour début 2020, dont la plus haute, baptisée Hypérion, qui affichera 57 mètres en R + 18, et qui sera construite en panneaux CLT par Eiffage et Woodeum.

Des approches constructives qui se diversifient

Ainsi, plusieurs structures constructives bois coexistent. Les plus fréquentes sont l’ossature bois, le poteau poutre et le panneau massif. Quoique chaque mode constructif présente des performances acoustiques spécifiques, il convient de s’intéresser pour ces structures légères aux basses fréquences, ainsi que de surveiller les transmissions latérales. Par ailleurs, les chocs mous (marche pieds nus ou avec chaussures molles, course d’un enfant…) et vibrations des machines ont un impact plus fort qu’avec une structure lourde.
Le traitement de l’acoustique concerne les façades qui doivent être conçues pour protéger du bruit extérieur et les séparations (parois intérieures et planchers) en particulier en logements collectifs. Les niveaux d’affaiblissement entre logements au passage des parois et planchers demandés par la réglementation (58 dB en logements collectifs) sont généralement jugés insuffisants, et les projets de construction bois visent donc des objectifs plus ambitieux.
Les interfaces sont à traiter soigneusement et un certain nombre de règles métiers sont pratiquées, comme la désolidarisation des planchers entre eux ou la suppression des transmissions latérales aux refends par des contreventements placés à l’intérieur des murs extérieurs.
La profession en France manque aussi d’expérience et un grand pas a été réalisé avec le programme Acoubois, qui a pris fin en 2014 et qui donne de nombreuses recommandations au travers de ses cahiers. « Ces études récentes ont permis de faire progresser les connaissances. Les données recueillies viennent étayer les choix constructifs et servent ainsi à convaincre les partenaires d’un projet, comme les bureaux de contrôle, se félicite Yves-Marie Ligot, ingénieur bois et directeur du BET Ligot. Il est essentiel, ensuite, que les entreprises fassent une bonne mise en œuvre sur le chantier. Par exemple, dans le cas d’un double mur entre logements avec un vide technique, il faut éviter d’y abandonner des gravats, un morceau de bois ou oublier un outil qui créerait un pont phonique. De même dans le cas d’un plancher avec sous-couche, il faut éviter les fixations traversantes. Nos missions portent pour moitié sur la conception et pour moitié sur le suivi de réalisation. » Les professionnels peuvent aussi s’appuyer sur les guides Rage, les versions 2012 « Façades ossature bois non porteuses - neuf » et 2014 « Panneaux massifs bois contrecollés », dont le chapitre 4.3 traite de l’acoustique.

« Masse-ressort-masse » & « plein-vide-plein »

Le principe physique d’amortissement par un système « masse-ressort-masse » se traduit dans une paroi en « plein-vide-plein ». Le vide étant une simple lame d’air ou un isolant. C’est pourquoi la conception a souvent recours à des parois doubles qui accentuent l’affaiblissement par rapport à une paroi pleine de même épaisseur. Depuis longtemps déjà, les parois sont constituées d’un sandwich bois/isolant/plaque de plâtre et désolidarisées du support par des fixations métalliques. Le principe est d’établir une indépendance entre les couches et de gagner de la masse. « En France, ce sont les objectifs de performances acoustiques qui justifie le dimensionnement des épaisseurs, plus que la thermique. Dans les pays du nord de l’Europe, les épaisseurs de planchers sont plus importantes qu’ici, confie Éric Gaucher. Et ce que nos collègues scandinaves nous ont appris, c’est qu’il n’existe pas de standard en acoustique dans la construction bois et que chaque cas demeure un challenge. »
L’atténuation acoustique, la résistance thermique et la résistance au feu de différentes parois à ossature bois peuvent être évaluées avec la base de données du catalogue Construction bois réalisée par la FCBA et le CSTB. Le catalogue comprend aussi des données environnementales et des fiches produits FDES établies par les fabricants.
Il est également impératif de soigner les efforts ponctuels, les détails d’assemblage, en amortissant avec des fixations spécifiques. « Sur un chantier d’immeuble collectif avec des panneaux CLT pour les parois intérieures, la cage d’escalier était porteuse et les bruits de chocs pouvaient se propager de l’escalier vers les logements, illustre Yves-Marie Ligot. Des fixations antivibratiles ont été placées entre les escaliers et les portes de paliers. »

Attention aux fréquences de résonance

La double paroi n’est malheureusement pas la réponse à tous les problèmes. Plus performante aux fréquences plus élevées qu’une paroi pleine, vigilance est de mise pour les fréquences comprises entre 50 et 80 Hz. Tandis que pour une paroi pleine, les acousticiens s’intéressent au comportement de la paroi au-dessus de 100 Hz. C’est que, à ces fréquences plus basses, la constitution multicouche de la paroi peut générer des phénomènes de résonance. Phénomènes dont la complexité s’accentue avec le nombre de couches. La paroi multiple est fréquemment utilisée pour réduire l’épaisseur des parois aussi bien d’un point de vue thermique qu’acoustique. Inconvénient principal dans la construction bois.
Une conception classique constitue à insérer entre les ossatures une épaisseur d’isolant de 100 à 150 mm de laine thermique ou de laine de bois. Le contreventement est réalisé en extérieur et intérieur par panneau de particules Triply ou OSB. En finition extérieure, on va trouver des plaques de bois sur litonnage avec une cavité faible de 15 à 20 mm dont la fréquence de résonance est assez haute. « Les résultats acoustiques avec une telle multiparois ne sont pas très bons, surtout avec la cavité d’épaisseur faible. Il est donc préférable que le bureau d’étude acoustique soit associé dès le départ sur le projet afin d’agencer au mieux les couches et d’en supprimer par placage, souligne Guy Capdeville, directeur de Gamba Acoustique. Le logiciel de prévision d’indice d’affaiblissement acoustique de parois, AcouS Stiff, développé par sa société, propose depuis peu un module de calculs allant jusqu’à des parois quadruples.

« Sur plancher, c’est la perception des chocs mous qui pose problème »

Pour Acoubois, les planchers constituent un maillon critique dans la construction à ossature bois, parce que devant isoler à la fois vis-à-vis du bruit aérien et du bruit solidien. Une première recommandation est d’éviter la continuité entre les différentes espaces. Les planchers à ossatures bois ne doivent pas être filants entre logements. Les solivages ne doivent pas non plus être continus entre circulation et logements. « La réponse des planchers aux chocs durs est relativement bonne. C’est la perception des chocs mous, comme un enfant qui court, qui pose problème », explique Emmanuel Merida, architecte acousticien et cogérant d’Emacoustic. Pour Acoubois, la solution idéale est la même que pour les cloisons : une structure multicouche. Mais elle est contraignante et il est souvent préférable de choisir une ossature simple et de recourir à un plafond suspendu et une chape flottante. L’implémentation d’une chape flottante humide sur une sous-couche résiliente est aussi considérée comme plus favorable du point de vue du confort qu’une chape sèche flottante. À noter que, par rapport aux planchers bois traditionnels du XIXe siècle, les performances des panneaux CLT, du fait de leur densité, sont accrues aussi bien vis-à-vis des bruits aériens que des bruits de chocs, ce qui permet de réduire l’épaisseur du plancher. « Néanmoins, en logements collectifs, le plancher en panneaux CLT est souvent réalisé avec une chape flottante et des éléments acoustiques en sous face. Mais l’intérêt esthétique du bois se perd. Aussi, le mixte avec le béton peut être intéressant afin de bénéficier du meilleur des deux matériaux. Le béton apporte de l’inertie mécanique et thermique », complète Emmanuel Merida.

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