CONCEPTION Structures en bétonde fibres métalliques

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CONCEPTION Structures en bétonde fibres métalliques

L’objet de cet article est de synthétiser les connaissances actuelles (mise en œuvre et propriétés mécaniques, durabilité, applications industrielles) et de détailler certains points scientifiques des bétons de fibres métalliques dont l’utilisation reste encore bien en deçà de leur potentialité.

Un Béton de fibres métalliques (BFM) peut être considéré comme structurel lorsque le dosage en fibres atteint 50 kg/m3 de béton, seuil à partir duquel ce matériau est mécaniquement performant, à condition que le rapport longueur/diamètre des fibres soit supérieur à 60.

Ce seuil, qui n’est qu’un ordre de grandeur, renvoie à un comportement isostatique ou faiblement hyperstatique de la structure : en effet, lorsque le comportement de la structure est fortement hyperstatique, les fibres peuvent produire un apport mécanique non négligeable, même pour des dosages inférieurs à 50 kg/m3.

La formulation et les caractéristiques mécaniques et de durabilité des BFM structurels sont connues et prises en compte par des méthodes de dimensionnement accessibles aux ingénieurs de bureau d’études.

1. Une formulation variant selon les besoins

L’optimisation de la formulation d’un BFM fortement dosé en fibres ne pose aucun problème technique. Par exemple, un BFM autoplaçant contenant de 100 à 150 kg de fibres par mètre cube ou un Béton fibré ultraperformant (BFUP) et autoplaçant contenant plus de 800 kg de fibres par mètre cube sont formulés sans difficulté particulière.• Pour ce faire, des méthodes éprouvées ont trait à deux types de composition :– le BFM contenant du sable et des granulats ;– le BFM ne contenant que du sable.Pour leur part, les fibres métalliques actuellement utilisées ont des dimensions et des géométries très variées. Cette variété est due au fait que le choix de la fibre dépend du type de matrice cimentaire utilisée (résistance en compression allantde 20 à 200 MPa, dimension des granulats, etc.) et de l’application industrielle visée (géométrie de la structure, processus de mise en œuvre du matériau, etc.).

• Trois familles de fibres métalliques sont définies :

– la laine d’acier, sorte de sable métallique dont la fibre la plus longue n’excède pas 5 mm ;

– les fibres droites, dont la longueur varie entre 5 et 20 mm et le diamètre entre 0,15 et 0,30 mm ;

– les fibres à ancrages mécaniques ponctuels ou répartis (fibres ondulées, fibres avec des crochets à leurs extrémités, etc.) dont la longueur va de 25 à 60 mm et le diamètre de 0,3 à 1 mm.

Les deux premières familles sont principalement utilisées dans les bétons fibrés ultraperformants, la troisième dans les bétons plus classiques dont la résistance en compression varie entre 20 et 120 MPa.

2. Les BFM avec ou sans granulats

Les BFM contenant des granulats sont formulés avec la méthode Baron-Lesage modifiée. Elle consiste à rechercher le squelette granulaire qui conduit à la maniabilité optimale pour un type et un pourcentage de fibres donné.

La théorie et l’expérience montrent que le BFM le plus maniable est le plus compact, donc le plus résistant et le plus durable.

En pratique, toute formulation d’un BFM est fondée sur un béton optimisé appelé « béton de référence ».

Comparé à ce béton de référence, un BFM optimisé est caractérisé par :

– un rapport sable/granulat supérieur ;

– une plus grande quantité de pâte de ciment et/ou de superplastifiant.

Ainsi, plus le pourcentage de fibres, le rapport longueur/diamètre de la fibre et la longueur de la fibre sont importants, plus le rapport sable/granulats est élevé et plus la quantité de pâte de ciment et/ou le pourcentage de superplastifiant sont importants.

3. Une résistance amé­liorée à la traction multiaxiale

•L’intérêt des fibres métalliques :du point de vue mécanique, elles agissent sur le comportement en traction du béton fissuré. En l’absence de fissures, elles sont peu utiles. Les fibres n’apportent rien à la résistance en compression uniaxiale du béton. Au contraire, à maniabilité égale, un BFM a une résistance en compression inférieure à celle de son béton de référence. Plus le pourcentage de fibres, le rapport longueur/diamètre de la fibre ou la longueur de la fibre augmentent, plus la résistance en compression du BFM diminue.Il importe donc de considérer le comportement en traction des BFM, puisqu’il participe à de nombreux comportements structuraux en statique : flexion, effort tranchant, poinçonnement, torsion, etc. Disons tout de suite que les fibres n’améliorent pas la résistance en traction uniaxiale des BFM, à l’exception de certains BFUP contenant des dosages en fibres supérieurs à 400 kg/m3 dont la résistance en traction uniaxiale augmente significativement.

• Le rôle des fibres est identique à celui des armatures de béton armé :Elles interviennent lorsque les fissures sont localisées ou « structurelles ». En d’autres termes, les fibres peuvent augmenter la capacité portante et/ou la ductilité d’une structure dont la ruine est causée par la propagation d’une fissure issue d’un effort de traction (flexion, effort tranchant, torsion, poinçonnement, etc.).

• L’efficacité d’un BFM dépendprincipalement :

– de l’efficacité du type de fibre choisi (forme, dimensions, etc.) pour un béton donné (compacité de la pâte de ciment, dimension des plus gros grains, etc.) ;

– du pourcentage de fibres correctement orientées par rapport aux fissures potentielles de la structure étudiée.

Pour une même forme de fibre, plus le rapport longueur/diamètre est important, plus grande est son efficacité mécanique dans un béton donné. En effet, pour être efficace, une fibre doit dissiper le maximum d’énergie par frottement sans se casser prématurément. En fait, plus la surface spécifique et le rapport longueur/diamètre d’une fibre sont importants, plus la quantité d’énergie dissipée par frottement est grande.

• L’efficacité mécanique de la fibre dépend également de sa capacité à dissiper de l’énergie par plastification.

Dans un même béton et pour un rapport longueur/diamètre des fibres identique, une fibre ondulée ou avec des ancrages à ses extrémités se plastifie plus qu’une fibre droite. De même, pour une forme et un rapport longueur/diamètre identiques, une fibre est d’autant plus ancrée qu’elle est longue. Plus le béton est compact et donc de haute résistance en compression, plus la fibre frotte et est ancrée : elle risque de rompre prématurément en dissipant peu d’énergie.

Et comme la fragilité du béton est proportionnée à sa compacité, le pourcentage de fibres doit donc être augmenté, afin de lui conférer une ductilité acceptable. On se trouve confronté au paradoxe de la non-fragilité des bétons à hautes performances armés, dans lesquels il est indispensable d’introduire plus d’armatures que dans les bétons ordinaires.

Ainsi, plus le béton doit être résistant en compression, plus son pourcentage de fibres doit être élevé et plus ces fibres doivent être courtes.

4. Orientation préférentielle et hétérogénéité

Outre l’efficacité mécanique potentielle des fibres, deux facteurs prépondérants vis-à-vis de la capacité d’un BFM à maîtriser les fissures dans une structure doivent être pris en compte : l’orientation préférentielle des fibres, qui intervient lors de la mise en place du BFM et la forte hétérogénéité du matériau, au regard de la distribution spatiale des fibres.

Lors de la mise en place d’un BFM, les fibres s’orientent parallèlement aux lignes de courant du matériau considéré comme un fluide visqueux. Cette orientation préférentielle dépend des paramètres suivants :

? la géométrie et les dimensions de la structure ;

? la technique de mise en place du BFM choisie (pompe, godet, camion, etc.) ;

? la distance que doit accomplir le BFM pour remplir le coffrage.

Pour une formulation donnée, l’orientation des fibres du BFM varie suivant que la structure est une poutre ou une dalle, par exemple.

En conséquence, plus le pourcentage de fibres correctement orientées par rapport à l’orientation potentielle des fissures est grand, plus le BFM est mécaniquement efficace vis-à-vis des sollicitations ayant généré lesdites fissures. Un BFM potentiellement performant du point de vue mécanique peut se révéler peu efficace, si l’orientation des fibres n’est pas prise en compte.

• La mise en œuvre d’un BFM dans une structure s’accompagne de la dispersion plus ou moins importante de la distribution spatiale des fibres. De cette dispersion dépend la variabilité de l’efficacité mécanique du BFM suivant l’endroit où il est mis en place dans la structure. Cette variabilité est d’autant plus grande que le pourcentage de fibres utilisé est faible. Elle doit être prise en compte dans le dimensionnement de la structure.

En effet, à l’exception des structures très hyperstatiques, le dimensionnement de la structure doit prendre en compte, non pas un comportement moyen du BFM, mais un comportement caractéristique qui intègre la dispersion. En effet, un BFM dont le couple béton/fibre est potentiellement performant peut se révéler moins efficace dans la maîtrise de la fissuration, qu’un BFM dont le couple béton/fibre est moins optimisé, mais pour lequel le pourcentage de fibres utilisé est plus important.

En conclusion, en raison de l’orientation préférentielle des fibres et de la dispersion sur la distribution spatiale des fibres au sein des structures, aucun BFM n’est déconnecté du type de structure et de la technique de mise en œuvre adoptée. Seule l’approche globale du problème, qui intègre le choix du BFM (type et pourcentage de fibres, type de béton, etc.) en fonction du type de structure et du principe de mise en œuvre, est techniquement et économiquement pertinente.

5. Fonctionnement isostatique ou hyperstatique de la structure

•L’efficacité mécanique d’un BFM :Elle dépend du fonctionnement isostatique ou hyperstatique de la structure.En effet, dans une structure en béton armé, l’espacement et l’ouverture des fissures dépendent du degré d’hyperstaticité de la structure. L’augmentation du degré d’hyperstaticité s’accompagne généralement d’une capacité portante et une ductilité plus grandes de la structure.

Pour les BFM, ce phénomène est encore plus important, parce que les fibres sont beaucoup plus efficaces que les armatures de béton armé vis-à-vis des fissures de service, dont l’ouverture est faible. De plus, la résistance en traction d’un BFM dans la structure peut augmenter avec le degré d’hyperstaticité, ce qui n’est pas le cas du béton armé.

En effet, la résistance en traction d’un béton dépend de son processus de fissuration avant l’apparition d’une ou de plusieurs fissures localisées. Plus les microfissures ou mésofissures créées avant cette localisation sont nombreuses, plus la résistance en traction du matériau augmente. Or, dans une structure au fonctionnement très hyperstatique, la présence de fibres augmente le nombre de microfissures et de mésofissures. Ce phénomène est d’autant plus important que le degré d’hyperstaticité de la structure et le pourcentage de fibres bien orientées par rapport aux microfissures potentielles sont élevés.

Le pourcentage minimal de fibres nécessaires pour obtenir un BFM efficace :Il est plus faible pour une structure hyperstatique que pour une structure isostatique : par exemple, les dallages industriels, les tuyaux d’assainissement, les bétons de renforcement projetés nécessitent des dosages en fibres compris entre 20 et 45 kg/m3, donc significativement plus faibles que les 50 kg/m3 nécessaires au comportement structurel d’un BFM.

Cette sensibilité des BFM vis-à-vis du degré d’hyperstaticité de la structure demande à être prise en compte et valorisée dans le dimensionnement de cette dernière. Or, les méthodes de dimensionnement simplifiées ne la prennent pas en compte, ou insuffisamment.

Il en résulte des dimensionnements très sécuritaires et donc faiblement optimisés d’un point de vue économique (dallages industriels). Le dimensionnement fondé sur un essai (pour les tuyaux d’assainissement) permet de mieux valoriser l’utilisation des BFM par rapport au béton armé.

6. Comportement particulier des BFM en fatigue

Les sollicitations répétées (traction-traction par exemple) sont à distinguer des sollicitations alternées (traction-compression).

En sollicitations répétées, les BFM ne présentent pas de rupture en fatigue, quand la contrainte de traction maximale du cycle de fatigue n’excède pas 0,5 fois la contrainte de traction qui a généré, en statique, la fissure de service.

Les sollicitations alternées sont les sollicitations mécaniques les plus sévères pour les BFM. La liaison fibre/béton « souffre » énormément et, en raison du caractère discontinu de la fibre, son ancrage est détérioré assez rapidement. Les BFM ont un comportement médiocre quand la sollicitation de fatigue est alternée.

Dans une structure dite « mixte » en béton armé fibré, le comportement en fatigue des BFM dépend également de la synergie entre les armatures et les fibres.

Les fibres améliorent l’ancrage des armatures de béton armé. Lors d’une sollicitation répétée de fatigue, l’amélioration de cet ancrage est capitale pour le fonctionnement de la structure : elle lui permet de dissiper davantage d’énergie, ce qui augmente sa capacité portante et sa ductilité.

Lorsqu’une structure est soumise à des sollicitations répétées de fatigue, même à un haut niveau de contrainte tel qu’un séisme, les structures mixtes en béton armé fibré ont un meilleur comportement que les structures en béton armé classique.

•La résistance du béton en traction augmente avec la vitesse de contrainte.Ce sont les effets de vitesse. Dans le cas des BFM, ces effets de vitesse sont plus importants et dépendent étroitement de la quantité de fibres par mètre cube de matériau : plus un BFM contient de fibres et meilleur est son comportement lors d’une sollicitation dynamique, par exemple un choc.

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