L’enduit blanc des maçonneries en briques, le bois des écrans pare-vue et les végétaux du patio d’entrée composent la façade principale marquée par un pan incliné vers le sud intégrant les capteurs solaires.
© (Doc. Tekhnê Architectes.)
Dans l’existant et dans le neuf, le problème réside dans la capacité de l’enveloppe à amortir les décalages thermiques. Tirer parti de la configuration locale et isoler par l’extérieur sont les principaux axes de travail pour baisser la consommation à 50 kWh/m2/an.
En France, la plupart des constructions ont été réalisées avant la première réglementation thermique de 1975. Ces « passoires » représentent un potentiel important d’économies d’énergie. Ces constructions se répartissent en deux types : celles réalisées avant 1948 utilisant des matériaux naturels et biosourcés tels que la pierre, le bois, le pisé, etc. et celles réalisées après 1948, le plus souvent en béton. Les premières se caractérisent par une recherche architecturale forte, contrairement aux secondes.
Lors de réhabilitations, ces différences dictent les choix techniques possibles. La première étape consiste à réaliser un diagnostic global qui prend en compte les matériaux constitutifs, l’âge de la construction, son usage, les équipements techniques en place, etc. « Cette étude globale favorise la prise de décision et détermine les priorités d’action. Pour améliorer les performances de l’existant, il n’est plus possible de travailler élément par élément. Il est primordial de prendre en compte l’ensemble du bâtiment en cherchant d’abord à réduire ses besoins, pour ensuite choisir les équipements techniques appropriés », insiste Claude Leroux, ingénieur et co-gérant d’Iosis Conseil. Préserver l’équilibre hygrothermique, l’inertie et renforcer le niveau d’isolation constituent les principaux axes de travail de cette étude préalable.
La couverture constitue souvent la principale source de déperdition. C’est donc par là que les travaux commencent le plus souvent. « Mettre en place 20 cm d’isolants en combles perdus peut faire économiser jusqu’à 30 % de la consommation annuelle du bâtiment », fait remarquer Christian Charignon, architecte urbaniste et gérant de l’agence Tekhnê à Lyon. L’étape suivante consiste à renforcer l’isolation des fenêtres en remplaçant les huisseries existantes ou en optant pour la pose de nouveaux châssis isolants en double-fenêtre. Dans certains cas, une correction thermique des parois avec du plâtre ou un enduit isolant limite l’effet de paroi froide, tout en conservant l’inertie nécessaire au confort d’été.
Pour respecter l’équilibre hygrométrique du bâtiment, les matériaux étanches sont à proscrire sur les parois respirantes. De même, les pare-vapeur concentrent l’humidité au niveau des raccords techniques et risquent ainsi de compromettre la pérennité des matériaux et du bâti.
Inertie et confort d’été
Pour les bâtiments postérieurs à 1948, dépourvus de caractère architectural particulier, l’isolation par l’extérieur présente de nombreux atouts. Cette opération assure le ravalement de la façade et le traitement thermique, sans réduire le volume habitable. Les systèmes de mur-manteau réduisent un grand nombre de ponts thermiques entre dalles-façades et refends-façades notamment. « Afin d’économiser les moyens, il est préférable de viser dès aujourd’hui les performances énergétiques de 2050. Concrètement, cela implique d’ajouter 30 cm d’isolant extérieur ou de différer les travaux de quelques années », insiste Christian Charignon. Lorsque les travaux comprennent l’isolation d’une toiture-terrasse, la végétalisation constitue une option intéressante : elle participe à l’isolation et protège le complexe d’étanchéité d’un vieillissement accéléré.
L’été, il est indispensable d’éviter « l’effet thermos ». Ce qui requiert de contrôler aussi bien les apports solaires que les apports internes, générateurs de surchauffes dans le logement. Les matériaux qui renforcent l’inertie du bâtiment jouent ici un rôle majeur. C’est le cas en particulier de la brique, du carrelage ou de la dalle béton, dont les performances peuvent être améliorées avec des isolants comme la laine de bois, la chènevotte ou la laine de roche.
Le renforcement de l’isolation passe également par la prise en compte des baies et des protections solaires. Ainsi, remplacer un simple vitrage par un double vitrage peu émissif (Uw inférieur à 1,70 W/m2.K) limite jusqu’à 65 % les déperditions thermiques dues à la baie. Pour les grandes baies, l’offre de triple vitrage peu émissif à lame argon peut s’avérer pertinente. Le choix des qualités de vitrage s’effectue en fonction du compromis flux lumineux/flux thermique. Pour les baies orientées est et ouest, très exposées au soleil en début et en fin de journée de mi-saison et d’été, les protections solaires s’imposent, qu’il s’agisse de volets roulants à projection ou à lame jointives, volets en bois, volets vénitiens, jalousies, stores… L’essentiel est de renforcer la qualité thermique de la baie : un store extérieur sur un vitrage divise par cinq les apports dus à l’ensoleillement. Pour les baies situées au sud, un système de protection n’occultant pas la vue constitue la meilleure réponse. En effet, cette solution laisse passer le soleil en hiver lorsqu’il est bas dans le ciel, mais non en été.
Réduire les besoins de chauffage
Le renforcement de l’isolation demande d’accorder une attention nouvelle au renouvellement d’air. La ventilation ne sert plus seulement au renouvellement hygiénique de l’air, mais également à limiter les déperditions thermiques. Les systèmes double-flux, qui affichent des rendements supérieurs à 80 %, sont une solution pertinente. Des échangeurs individuels (un par logement, voire un par pièce) sont bien adaptés en réhabilitation. Éléments importants et souvent négligés, les filtres doivent être placés dans un lieu accessible afin que les occupants puissent les entretenir facilement. Un mauvais entretien entraîne des surconsommations d’électricité et le développement d’agents pathogènes.
L’amélioration de l’enveloppe permet de réduire les besoins en chauffage. En fonction des situations, il peut s’avérer pertinent de remettre en cause le choix de l’énergie (électricité, gaz, fioul, etc.) en tenant compte de l’évolution du cours des énergies fossiles et des pollutions associées. De nombreuses solutions techniques sont possibles et dépendent à chaque fois du bâtiment existant et des travaux réalisés sur l’enveloppe. Le plus simple peut être de remplacer une chaudière très ancienne par un équipement récent afin de bénéficier de rendements supérieurs. Dans l’existant, le choix des opérations à effectuer et leur priorité dépend à chaque fois du contexte, de la nature du bâtiment et de son emplacement. Chaque décision relève d’un compromis. « Dans le cas de certains bâtiments particulièrement gourmands en énergie, la question de leur démolition se pose », note Pierre Mérieux, ingénieur et directeur du bureau d’étude Agi2D. « Lorsque le logement ne correspond plus aux attentes des citoyens et qu’il nécessite des travaux coûteux sans possibilité d’atteindre les objectifs, la démolition peut constituer la solution la plus pragmatique ». Il sera ensuite plus simple de concevoir un bâtiment neuf pratiquement à énergie positive. « Le patrimoine de 2020 est déjà construit. Nous construisons actuellement celui de 2050, dont les consommations ne devront pas dépasser 50 kWh/m2/an. »
Lors du choix de l’implantation d’un bâtiment, il est nécessaire de tenir compte du contexte dans ses différentes composantes, c’est-à-dire l’implantation, l’orientation et les masques afin d’en tirer le meilleur parti. Ainsi, la forme compacte d’un bâtiment diminue les déperditions thermiques l’hiver, une construction traversante favorise la ventilation naturelle l’été, l’occultation au nord dédiée aux espaces de service est compensée par une large ouverture au soleil au sud… mais occultable.
Le retour des principes climatiques
Comme pour l’existant, l’isolation et l’inertie jouent en rôle majeur dans la réduction des besoins de chauffage dans le neuf. L’objectif est d’améliorer les performances de 25 % par rapport à la RT 2005. L’isolation par l’extérieur devrait se généraliser puisqu’elle procure au mur une double fonction d’élément porteur et d’accumulateur thermique. Reste à changer les pratiques constructives.
Améliorer l’inertie du bâtiment est aussi important pour le confort d’été. À ce titre, la végétalisation, qu’elle concerne les toitures, le pied des façades ou les façades, protège la toiture du rayonnement solaire direct tout en augmentant l’inertie du toit, ce qui favorise le confort d’été. Les températures de surface des murs végétalisés sont inférieures de plusieurs dizaines de degrés à celles de murs sans protection. En favorisant l’évaporation, les végétaux contribuent au rafraichissement local et améliorent la qualité de l’air ambiant en fixant les poussières en suspension ainsi que la biodiversité.
En matière de ventilation et de renouvellement d’air, le puits canadien constitue une bonne solution en neuf. Grâce à la température constante du sous-sol, il a une double fonction de préchauffage de l’air en hiver et de rafraîchissement en été. La configuration la plus efficace consiste à faire transiter l’air neuf dans un conduit enterré à 3 m de profondeur sur une longueur de 50 m, afin d’obtenir un air neuf à 14 °C toute l’année.
Le développement durable dans le bâtiment ne peut pas être dissocié des problématiques plus larges d’urbanisme et d’aménagement local. « Chaque année, 6 000 hectares sont prélevés sur l’espace naturel ou agricole, un espace dont nous allons pourtant avoir de plus en plus besoin à l’avenir », déplore Christian Charignon. Dans ce contexte, l’habitat intermédiaire de type petit collectif semble être la solution la plus réaliste et la plus adaptée aux besoins. Elle augmente le nombre de logements à l’hectare et favorise l’équilibre entre densité urbaine et densité végétale. L’autre tendance réside dans les tours mixtes qui associent zone d’habitat et zone tertiaire afin de tirer le meilleur parti de l’inertie du bâtiment.