Plusieurs niveaux d’hébergement ouverts sur des patios plantés animent le pôle santé Sarthe-et-Loir du Bailleul (Sarthe), mis en couleur par le plasticien G.Glaser (architecte : Jean-Philippe Pargade).
© (Doc. Georges Fessy.)
L’organisation intérieure d’un centre hospitalier est soumise à une hiérarchisation des circulations et des espaces qui tiennent compte des attentes du personnel et des patients, afin d’aménager et d’humaniser au maximum ces lieux de soins et de vie.
L’hôpital n’a jamais cessé d’être l’objet d’évolutions constantes et rapides. Ces mutations concernent aussi bien les techniques médicales employées que les différentes fonctions développées, influant sur l’organisation intérieure et sur la morphologie des bâtiments. D’où une architecture spécifique qui réunit les nombreuses fonctions médicales, techniques et sociales, indispensables à la vie de l’établissement. Sa morphologie évolue donc, au fil des siècles. Ainsi, dans le système pavillonnaire de la fin du xixe siècle, chaque maladie au sein d’un bâtiment est isolée pour combattre le risque de contagion. Il fait place à l’hôpital monobloc des années 1960-1970, issu d’un concept américain rationalisant fonctions et coûts. Il se compose d’une galette-socle logeant les fonctions médicales (blocs opératoires, urgences, imagerie, etc.) et d’une tour de 7 à 15 niveaux environ, dévolue à l’hébergement. « Une évolution notoire est amorcée à la fin des années 1980, avec l’apparition de l’hôpital horizontal, dans lequel la partie hébergement ne représente plus qu’un tiers de la surface totale, au lieu des 50 % d’emprise précédente », explique l’architecte Aymeric Zubléna, concepteur d’édifices hospitaliers. L’hôpital polybloc concilie dès lors fonctionnalité et humanisation. En découle l’hôpital actuel qui s’inscrit le plus souvent dans un rectangle de 60 à 90 m de largeur par 100 à 200 m de longueur. S’élevant sur trois à cinq niveaux, il couvre une superficie oscillant entre 30 000 et 100 000 m². « Cette disposition en nappes permet de regrouper, au sein d’un même niveau, le plateau médico-technique, par exemple, accueillant les urgences, les blocs opératoires, l’imagerie et la réanimation. Or, pour un hôpital de 500 à 1 000 lits, ces fonctions sont contenues sur un seul étage de 90 m par 200 m, en moyenne », précise l’architecte. En fait, le programme d’un centre hospitalier définit les diverses fonctions médicales et les surfaces des locaux, selon une démarche immuable.
Modularité de la stratification horizontale
L’architecte lauréat du concours est invité à consulter un PDT (programme technique détaillé) de l’hôpital qui énumère les locaux et leurs surfaces, ainsi que l’organisation des espaces entre eux. Ce document varie pour chaque projet. En effet, outre ces fortes contraintes énoncées, chaque programme change suivant son lieu d’implantation et ses besoins spécifiques issus d’un corps médical particulier et d’une identité locale. Sachant que les fonctions inhérentes à ces deux niveaux sont modulables et modifiables. Les niveaux supérieurs, au nombre de deux ou trois (voire plus), accueillent des chambres (à un ou deux lits) réparties en unités, dotées de postes d’infirmerie. Ces couronnes d’hôtellerie s’organisent autour de patios laissant largement pénétrer la lumière naturelle. À ce sujet, la lumière joue un rôle primordial. En effet, elle peut aussi servir de moyen d’orientation, comme au centre hospitalier de Douai. « Lorsqu’un patient se trouve en contact avec la lumière naturelle, il effectue un changement de direction. Et selon la formule, un public perdu est un public stressé . Donc, ce principe fonctionne bien », expose Olivier Contré, architecte à l’agence Brunet Saunier. Grâce à un système binaire simple, chaque plateau présente un schéma semblable de cheminement à deux directions (droite – gauche), repérables par des failles lumineuses créées en façade. Quant aux flux d’irrigation du bâtiment (circulations), qu’ils soient horizontaux ou verticaux, ils sont systématiquement différenciés et séparés. « L’objectif principal repose sur la volonté qu’un visiteur ne croise jamais un malade et que les espaces que l’on offre au public soient déstressants et ludiques », précise l’architecte. Il est également nécessaire de classer et hiérarchiser les flux, tout comme les autres espaces. D’où la conception de cinq flux séparés : visiteurs, consultants (ou patients valides), logistique (approvisionnement, pharmacie, etc.), personnel et malades (couchés). Cette logique de ségrégation des flux se formalise par plusieurs circulations distinctes desservant chaque plateau. Et la plupart du temps, le bâtiment est percé d’une circulation longitudinale appelée axe rouge, réservée aux urgences et aux malades.
Une trame structurelle contrainte
Concernant la trame constructive et la structure porteuse, la plupart des hôpitaux sont actuellement organisés selon une trame de 7,20 x 7,20 m. Celle-ci permet un dédoublement en 3,60 m, dimension adaptée aux chambres. L’architecte A. Zubléna souhaiterait que « cette trame soit agrandie, pour devenir 7,40 m ou 7,80 m. En fait, le matériel qui est déplacé dans les couloirs (exemple : les lits) tend à devenir de plus en plus encombrant, étant accompagné d’un équipement lourd. Il devient compliqué de le véhiculer dans les circulations et au passage des portes de chambres. Il conviendrait donc de rendre ces espaces plus généreux. Mais, cela pose un problème économique, car passer de 7,20 m à 7,40 m accroît la surface de 5 % ». En Italie, les normes sont différentes. Ce même architecte réalise en effet actuellement deux hôpitaux, dont l’un se calque sur une trame de 8 x 8 m, qu’il estime nettement plus confortable. De même, la tendance actuelle est à une augmentation des hauteurs de planchers qui varient de 3,90 m à 4,50 m. Car les plénums, contenant les nombreuses gaines techniques des réseaux, s’épaississent et réclament une emprise croissante, de l’ordre de 0,90 à 1,50 m, voire 1,80 m, en fonction des locaux. De plus, ces faux plafonds doivent être visitables à tout moment, afin de pouvoir intervenir sur les réseaux soumis à de fréquents changements. Sachant que la part des lots techniques en milieu hospitalier pèse un poids important dans la construction. Côté structure, elle se compose toujours d’un système poteaux-poutres ou poteaux-dalles en béton, avec des piliers de 40 à 60 cm. Face à des modifications de gaines, chaque procédé possède des avantages et des inconvénients. Le système poteaux-poutres facilite le passage des gaines verticales et complexifie celui des gaines horizontales, à cause des retombées de poutres.
Alors que le système poteaux-dalles rend difficile le percement d’amples trémies et facilite l’adjonction de réseaux horizontaux. Si ce type d’ossature en béton est l’apanage de la France, dû à la domination des « bétonneux », d’autres pays comme l’Italie utilisent des structures mixtes béton-métal. Et comme le précise l’architecte A. Zubléna : « L’hôpital, aussi bien en phase de conception qu’en phases de chantier et de fonctionnement, évolue en permanence. Il est sujet à la notion essentielle de flexibilité interne des espaces ». L’étape incontournable de mise au point du projet fait l’objet d’une re-discussion avec les acteurs de tous services, tels que le directeur et l’équipe soignante. Portant sur les implantations, le réexamen conjoint du programme et de sa traduction architecturale exige une conception de base flexible. Une autre étape importante, en cours de chantier, consiste à intégrer des demandes de réorganisation interne.
Si ces modifications concernent le cloisonnement, c’est aisément gérable. Si elles touchent les réseaux, comme un changement de position de gaines verticales, les répercussions sur plusieurs étages sont compliquées à mettre en œuvre. Issues de constantes mutations, ces fluctuations émanent de la prise en compte de facteurs multiples, tels que l’arrivée de nouveaux matériels, ou bien l’émergence de maladies ou de diagnostics novateurs. Et un remaniement partiel des espaces peut aussi se produire une fois le bâtiment livré et occupé, car le personnel a pu changer et les besoins progresser. Jusqu’à construire des extensions ultérieures de plateaux, une fois l’édifice achevé. La réserve foncière doit donc être prévue dès le début du projet. Elle se concrétise par une surface libre en attente, ou bien par des zones déjà affectées (niveau partiel), comme des espaces tertiaires remaniables.