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Composition L’usage détermine la formulation

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Composition L’usage détermine la formulation

Le nouveau bâtiment du port autonome de Marseille a été construit avec un béton autoplaçant constitué d’un ciment PM-ES pour béton en milieu agressif : un ciment obligatoire pour tous les bétons situés à moins de 1 km des côtes. Il est par ailleurs recommandé pour les bâtiments agricoles, car résistant aux agents nettoyants, aux eaux polluées et aux agressions chimiques naturelles.

© (Doc. DR.)

Pour adapter un béton à une situation extrême, chaque formulation est un cas particulier. Pour réussir la prescription, deux paramètres sont à prendre en compte : la norme et le niveau de compacité.

Milieu salin, grand froid, cycle gel-dégel, produits chimiques de toutes natures (industrie), acidité (milieu agricole), les bétons subissent un nombre incalculable d’agressions pouvant les mettre en péril. Ces situations pourraient être qualifiées d’extrêmes. Cependant, « il n’existe pas de catégorie spécifique béton extrême », explique Daniel Martin, chargé de mission à la direction du développement Sika France. « Chaque demande fait l’objet d’une étude de formulation en fonction des conditions particulières rencontrées. » À chaque fois, il s’agit de prendre en compte l’environnement dans lequel va être situé l’ouvrage et les risques d’agressions et d’attaques auxquels il sera exposé pendant sa durée de vie. Cette prise en compte va permettre d’optimiser les performances du béton et sa durabilité. De fait, lorsqu’ils cherchent à donner au béton des propriétés particulières, les professionnels ont deux approches. Vincent Waller, directeur de la qualité béton France Belgique chez Unibéton, explique à son tour : « La première approche consiste à respecter la norme qui classe les bétons en fonction de leur ­exposition, la seconde à jouer sur leur niveau de compacité, et ce pour en ­améliorer les performances. » Première étape, la norme NF EN 206-1 (béton partie i : spécifications, performances, production et conformité) et son annexe nationale.

Une norme qui définit aussi les responsabilités du prescripteur – à sa charge, la spécification du béton – et celles du producteur qui doit garantir la conformité et le contrôle de la production. La norme regroupe les conditions d’environnement en six classes d’expositions, elles-mêmes décomposées en sous-classes (voir ­tableau). Ces dernières prennent notamment en compte l’humidité relative du milieu et les éventuels cycles d’humidification/séchage. À chacune des classes correspondent des spécifications sur la composition des bétons. La norme NF EN 206-1 spécifie également les exigences applicables aux constituants du béton, aux propriétés du béton frais et durci et à leur vérification, aux limitations imposées à la composition du béton, à sa spécification, à la livraison du béton frais, aux procédures de contrôle de production, aux critères de conformité et à l’évaluation de la conformité. Après la norme, l’autre aspect touche à la compacité. Schématiquement et quelle que soit l’agression, la compacité et la perméabilité d’un béton conditionnent sa durabilité.

Faible rapport eau/ciment

« Le béton résiste d’autant mieux à l’action des eaux agressives que sa porosité et sa perméabilité sont faibles. L’optimisation de sa compacité va donc limiter les éventuelles altérations. Sa porosité est la conséquence naturelle de la quantité d’eau mise en plus de celle nécessaire à l’hydratation du ciment », rappellent les experts de CIM béton dans un mémo technique traitant de la durabilité (1). Résultat : l’ensemble des actions sur la formulation des bétons vont viser à limiter l’excès d’eau. Ainsi, dans la plupart des cas, un béton compact avec un rapport E/C relativement faible apporte une partie de la solution. En effet, plus il est compact, plus les agents agressifs auront des difficultés à pénétrer et à circuler dans son réseau poreux – par exemple, en site maritime. Dans certains cas, tel le gel-dégel, le réseau de bulles d’air devra aussi être adapté à la quantité d’eau gelable et, dans tous les cas, le squelette granulaire devra être optimisé.

Pour parvenir à ces résultats, les adjuvants s’avèrent indispensables. Premiers d’entre eux, les superplastifiants. Hauts réducteurs d’eau, ils réduisent le rapport E/C et améliorent la compacité. Leur utilisation est intimement liée à la conception des bétons à hautes performances et à ultra-hautes performances. Ce qui n’empêche pas leur emploi dans des ouvrages plus classiques en milieu agressif, comme les fondations, dallages, sols industriels, milieu agricole. Ou encore parce qu’ils apportent qualité de parement et diminution des temps de décoffrage.

Deuxième catégorie d’adjuvants appréciables, les retardateurs et accélérateurs de prise ou de durcissement. Ils n’agissent pas directement sur l’ouvrabilité du béton, mais sur les délais de prise et de durcissement. Les accélérateurs de prise ont pour fonction principale de diminuer les temps de début et de fin de prise du ciment dans les bétons. Leur action se traduit par une évolution du seuil de cisaillement de la pâte dans le temps. Les accélérateurs de durcissement agissent sur la phase de durcissement. Comme ces adjuvants accélèrent le développement des résistances initiales des bétons, ils sont surtout utilisés pour les bétonnages par temps froids, les décoffrages rapides, les scellements ou pour toute utilisation impliquant une prise ou un durcissement rapide ou les deux. À l’inverse des accélérateurs, les ­retardateurs de prise augmentent les temps de début et de fin de prise du ciment. Une propriété qui les recommande pour le bétonnage par temps chaud. On les emploie aussi pour le BPE, les bétonnages en grande masse et la technique de coffrage glissant. Autre qualité reconnue : ils facilitent les reprises de bétonnage. Leur utilisation est également compatible avec celle d’un accélérateur de durcissement dans la mesure où le retardateur de prise permet de travailler plus longtemps alors que l’accélérateur active la phase de durcissement.

Diminuer l’absorption capillaire

Les entraîneurs d’air et hydrofuges de masse n’agissent ni sur l’ouvrabilité, ni sur les temps de prise, mais ils procurent de nouvelles propriétés au béton. L’action des premiers, par la création de microbulles d’air, accroît considérablement la résistance au gel en diminuant les tensions internes dans les capillaires. L’air existe à l’état « naturel » dans un béton. Sa présence crée une porosité, laquelle résulte soit d’un entraînement lors de la phase de malaxage, soit de l’évaporation de l’eau de gâchage. Cet air, réparti d’une manière aléatoire, peut nuire à la résistance du béton.

En revanche, l’utilisation d’un adjuvant ­entraîneur d’air va générer un volume supérieur d’air, qui sera réparti uniformément dans des microbulles.

Ces dernières, en coupant les réseaux capillaires, diminuent les pressions osmotiques de l’eau, et font office de vase d’expansion. Conséquences : une nette amélioration de la résistance au cycle gel/dégel, aux sels de déverglaçage, aux eaux agressives, par diminution de la capillarité des bétons. Ils ont également une action de réducteur d’eau et le rôle d’un inerte, les bulles remplaçant par leur granulométrie une partie du sable fin.

De leur côté, les hydrofuges de masse, ­incorporés au béton, diminuent l’absorption capillaire pour une plus grande étanchéité aux liquides et aux sels agressifs. D’où une résistance au vieillissement et aux salissures, ce qui implique une plus grande durabilité. La liste complète des avantages liés à l’utilisation des adjuvants dans la formulation des bétons est conséquente. En revanche, ces avantages sont soumis à une bonne connaissance des effets secondaires des produits utilisés. Tous exigent un contrôle rigoureux lors de leur utilisation. Il est ainsi essentiel de s’assurer que l’adjuvant retenu a fait l’objet d’essais, conformes à la norme, dont les résultats sont fournis par le fabricant.

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