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Après la conception et la réalisation, c'est au tour de la GEM (gestion-exploitation-maintenance) de passer à la vitesse supérieure en BIM. Avec, à la clé, la mise au point de connecteurs entre maquette numérique et logiciels de maintenance.
En théorie, la maquette numérique intègre la géométrie, les équipements et les techniques de construction d'un projet architectural. Elle est créée en mode BIM ( building information modeling) soit lors de la conception puis de l'exécution dans le cadre d'une construction neuve, soit par la reprise a posteriori des plans et des dossiers des ouvrages exécutés (DOE) d'un existant. Dans tous les cas, il est possible d'en extraire les données nécessaires à la gestion-exploitation-maintenance (GEM). Utiliser la maquette numérique serait alors le meilleur moyen de renseigner automatiquement les applications de gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO), de gestion technique centralisée (GTC) ou de planification. Et de répondre aux besoins de gestion des interventions, d'établissement des quantitatifs, de suivi d'occupation, de pilotage des travaux… Encore faut-il développer des connecteurs, assurer la mise à jour des applications informatiques, transformer la maquette numérique en avatar sur le long terme, soit plusieurs dizaines d'années.
L'hôpital d'Ajaccio à l'avant-garde
C'est pour y parvenir qu'une cinquantaine d'expérimentations sont aujourd'hui en cours en France. Dix d'entre elles sont actuellement soutenues par le Plan de transition numérique dans le bâtiment (PTNB) alors que d'autres sont déjà presque abouties. Dans le neuf, la plus avancée est sans doute celle concernant le nouvel hôpital d'Ajaccio (ouverture fin 2018) dont la maquette numérique de conception/exécution réalisée sous Revit (Autodesk) est progressivement adaptée à la GEM.
« Nous avons travaillé avec le Centre scientifique et technique du bâtiment [CSTB] sur les connecteurs de l'application de GMAO Asset Plus et le système de GTC de Schneider Electric, relate Michel Filleul, directeur de projet du centre hospitalier. Cela fonctionne bien en test sur les blocs opératoires. » Concrètement : la GMAO reçoit toutes les informations sur les pannes ou les dysfonctionnements techniques et génère les alarmes puis les interventions qui sont automatiquement enregistrées dans les objets de la maquette numérique. Mais, au fil du temps, Michel Filleul relève plusieurs difficultés.
D'abord au niveau de la mise à jour régulière de la base de données et de l'évolution dans le temps de la maquette numérique. De même, les logiciels informatiques devront être maintenus. Ce qui réclame un budget important dans le cas de licences louées. « L'accès aux plans de l'existant se fera sous réserve d 'avoir les applications qui les lisent. »
Les autres expérimentations, couvrant l'ensemble des typologies (habitat, tertiaire, IGH, ERP, patrimoine historique), consistent en la création de connecteurs entre maquette numérique et GMAO. C'est le cas du projet Nomos de France Habitation mené à partir d'un ensemble d'habitation livré à Goussainville (95), conçu et exécuté en CAO classique, dont la maquette numérique a été recréée à partir des DOE d'origine et dans laquelle ont été injectées les données techniques nécessaires à la GEM. Cet avatar sera analysé par un script, à l'aide d'un plug-in de Revit. Le script fournira les fichiers d'import sous Excel qui seront intégrés à la base de données de la GMAO. Une fois ce logiciel mis au point, toutes les maquettes numériques des projets du bailleur social pourront alimenter automatiquement Nomos. « Ce qui nous intéresse, ce sont les informations techniques sur les équipements, utiles à l'exploitation et à la maintenance, davantage que les plans ou la configuration des réseaux qu' il sera toujours possible de consulter sous forme imprimée, pointe Jacques-André Veyssiere Pomot, expert projets transverses à la direction de la maîtrise d'ouvrage de France Habitation. Voilà pourquoi nous ne pensons pas actuellement maintenir les maquettes numériques de conception/réalisation/DOE pour des raisons de coût, de complexité et de compétences logiciels. »
Préserver le lien entre maquette et données
C'est, en revanche, l'objectif du Centre des monuments nationaux (CMN). Nathalie Demarest, chargée d'opérations, envisage une mise à jour constante des maquettes au fil des interventions ponctuelles et récurrentes. « Notre projet BIM-GEM de la Villa Savoye inclut la formation des équipes internes en fonction des attentes des différents services, la maîtrise d 'ouvrage et le gestionnaire actualiseront les rappels de calendrier, comme la planification des contrats d 'entretien, les délais de remise en concurrence… »
Une autre équipe, soutenue par le PNTB, planche sur le maintien à long terme de la maquette numérique comme base de données centrale pour la GEM. C'est le projet de B2BIM avec Proudreed
(lire ci-contre). « Notre objectif, à terme, est de créer un lien en aller-retour avec la gestion de patrimoine », indique Véronique du Peloux, cofondatrice de B2BIM. L'idée est ambitieuse et vise à chaîner sans rupture les deux systèmes tout au long de la vie du bâtiment. « Nous souhaitons prouver l ' intérêt de conserver le plus longtemps possible l 'unicité de la donnée, et donc, de préserver le plus longtemps possible le lien entre la maquette et la donnée exploitable et/ ou exploitée. »